Alice nota le changement de ton dans les paroles d’Astolfo, mais pas vraiment de comportement. Il évoqua à nouveau le sort de son oncle Charlemagne, ce qui, encore une fois, surprenait la Princesse. Charlemagne... Il n’était même pas de ce monde ! Par quel incroyable détour temporel et dimensionnel ce jeune homme avait bien pu finir par se retrouver ici, sous son nez ?! La Princesse avait toujours un peu de mal à croire. Pour autant, elle était sûre que ce n’était pas un mensonge, ni une blague. Terra recélait de phénomènes bizarres de ce genre, et, pour le coup, elle venait bien de voir une situation qui figurerait dans son Top 3. Astolfo finit par tournoyer sur lui-même, avant de lui parler à nouveau, lui demandant si elle le voyait toujours comme un enfant, ou comme un adulte. Une autre question complètement inattendue. Elle cligna des yeux, surprise, ayant du mal à le suivre. Il lui parla ensuite du fait de se comporter comme un « prince ».
« Mais je suis là au moins, je peux raconter la vérité sur lui, qui il était en vrai et pas dans les livres. Puis je peux faire la justice, aider et faire en sorte de rester avec une très jolie princesse ! »
Ladite Princesse sourit, et croisa ensuite les bras sous sa poitrine. Le discours d’Astolfo était relativement inattendu, et elle s’humecta les lèvres, réfléchissant un peu à ce qu’il fallait dire.
« De ce que les livres rapportent, l’Empereur Charlemagne était un grand homme. Je peux donc comprendre toute l’inspiration que tu ressens à son égard. »
Encore une fois, Alice ne venait pas de la Terre, mais elle avait tout de même quelques notions sur la question. Elle avait étudié l’Histoire terrienne, pas aussi profondément qu’elle le voulait, mais elle savait que la postérité de Charlemagne était plutôt positive. Il avait tenté de recréer un ancien Empire, en unifiant de grands territoires. À Ashnard, il aurait sans doute aussi été un bon Empereur, à même de prendre en main le vaste Empire, et de le réformer. Les notions d’Alice sur ce point étaient toutefois lacunaires : elle ignorait que l’Empire carolingien s’était écroulé suite à un partage successoral, tout comme elle ignorait que, plus spécifiquement, l’Empire avait contribué à une renaissance du droit romain, renaissance qui, en France, s’était notamment illustrée par la réinstauration de la conception romaine de l’appel, l’appellatio*. Tout cela était un peu trop technique pour elle, et, à vrai dire, en ce moment, elle songeait surtout à la question d’Astolfo : homme, ou gamin ?
Alice releva une main, se mordillant l’un de ses doigts, signe qu’elle continuait à réfléchir. Elle cligna ainsi légèrement des yeux. Autour du duo, le camp retournait à des activités normales, même si certains soldats se tapaient du coude, rigolant doucement entre eux.
« Hum... Tu sais, Astolfo, je ne crois pas ce qui fasse d’un individu un homme ou un enfant, ce soit le ton de voix qu’il prend, la manière dont il se comporte, s’habille, ou les mots qu’il emploie. »
Non, à bien y réfléchir, c’était même tout, sauf ça.
« Ce qui détermine de toi si tu seras un homme ou pas, Astolfo, c’est ta capacité à te fier à tes engagements, à être brave... Et à voir que le monde n’est pas aussi simple que dans les contes de fées. »
Ça, c’était sans doute le plus difficile à faire.
* : et ouais !