Sa veste en cuir dissimulait une partie de sa belle robe rouge, mais il suffisait de voir le regard des passants pour constater que Doutzen restait attirante, et on devinait sans peine, sous la veste en cuir, une robe rouge qui moulait très bien ses formes. Habituellement, c’était la robe de soirée que la belle blonde mettait quand Reto l’emmenait séduire d’autres hommes, ou d’autres femmes. Doutz’ obéissait fidèlement, mais, ce soir, Reto avait décidé de s’amuser. Pas d’avocats pervers à séduire pour le petit Chaperon, simplement à aller voir deux filles que Reto avait abordées sur Internet. Les sites de rencontre étaient un vivier de femmes potentielles pour les mafieux russes, qui allaient traquer partout de belles femmes pour les insérer dans les trafics de prostitution internationaux. Contrôlant totalement Doutzen, Reto avait créé sur Internet le profil de Doutz’, et répondait à sa place, se faisant passer pour elle. C’était ainsi qu’il avait abordé deux filles, deux lycéennes de Mishima, originaires de France, et avait, au bout de quelques semaines, réussi à obtenir un rendez-vous avec elles. Il avait obtenu le nom de son interlocutrice, Lucie, et, en utilisant l’assistance de crackers, avait obtenu d’autres informations sur le profil de la jeune femme, comme son nom de famille. La cybercriminalité étant un domaine dans lequel la Mafia russe avait massivement investi, les défenses ridicules d’un site de rencontres gratuit spécialisé à Mishima ne pouvaient guère résister éternellement face à des pirates. Reto n’avait pas demandé à pirater le compte de Lucie, mais la base de données du site, qui lui avait permis d’obtenir plusieurs informations, notamment l’adresse IP précise de Lucie, afin de savoir où elle habitait, et, à partir de là, broder un peu.
Doutz’ avait ainsi appris qu’Elise et Lucie étaient au même lycée qu’elle. Elles venaient toutes les deux de France, dans un coin paumé de la Bretagne, et, si Reto avait initialement cru à des sœurs, il avait compris qu’elles étaient en fait deux amies d’enfance. Elles étaient nées le même jour, en pleine nuit, ce qui avait accru sa confusion, l’amenant initialement à penser à des jumelles. Doutzen connaissait plutôt bien son père, et savait qu’il avait du réfléchir à la perspective d’en faire des esclaves. S’attaquer à des Françaises, des Anglaises, ou des Américaines, ce n’était pas pareil que de tomber sur des filles paumées d’Europe de l’Est. Les États occidentaux étaient généralement leurs meilleurs clients, et ils protégeaient chèrement leurs ressortissants. En continuant à fouiller dans les méandres du Net, Reto avait ainsi appris que les deux femmes faisaient partie d’un programme scolaire international, une sorte de variante du fameux programme universitaire ERASMUS, un programme que les mafieux connaissaient. Reto n’avait pas en revanche trouvé d’autres informations, notamment sur le rapport de ces filles à l’occulte. Il avait supposé qu’elles étaient des perverses, car, pour atterrir à Mishima, il fallait être tout, sauf une femme désireuse de devenir nonne dans un couvent.
Il était probable que Reto avait abandonné l’idée, mais il avait décidé d’offrir à Doutzen un cadeau, une manière de se rapprocher d’autres camarades. Doutz’ était relativement populaire au lycée, où elle était déléguée de classe, et siégeait donc aux différents comités et autres réunions administratifs. On la décrivait comme une jeune fille énergique, déterminée, pleine de volonté, avec le cœur sur la main. Tout ceci n’était qu’un rôle, parfait pour jouer le petit Chaperon.
Reto avait donné rendez-vous aux deux filles dans un petit café agréable, au centre-ville. Doutz’ était légèrement en avance, quand elle s’assit dans un coin de la salle. On servait de la nourriture occidentale, car le café était jouxté à une boulangerie française. Le Japon était un pays très gastronomique, et la gastronomie française y avait donc trouvé un terrain d’accueil. Il y avait donc beaucoup de boulangeries. Reto avait du se dire qu’aller dans un endroit un tant soit peu français rassurerait les deux jeunes filles.
*Il n’y a plus qu’à les attendre...*
Doutz’ se sentait légèrement nerveuse, et tourna la tête vers la vitre. Elle avait sa belle chevelure blonde, avait légèrement maquillé ses lèvres, s’était mis du parfum, et vit une Range Rover Evoque noirâtre passer un peu lentement. Reto était à bord, et elle sentit son cœur s’emballer. Même maintenant, Doutz’ ignorait le sentiment majoritaire en elle quand elle pensait à l’homme : la peur ? Le désir ?
*Il me traite comme la pire des putes, comme un vulgaire jouet sexuel tout juste bon à servir... Il menace de tuer mes parents si je dis tout à la police, mais, pourtant, ce n’est pas la peur qui m’empêche d’aller parler de tout son petit trafic...*
Doutz’ savait qu’elle pouvait faire tomber l’homme, que son témoignage à la police serait d’autant plus convaincant que la police, proche des Yakuzas de Seikusu, n’aimait pas trop les truands russes, qui étaient des concurrents gênants. Pour autant, cette idée ne l’avait jamais tenté.
Assise sur son confortable banc en cuir, elle attendait donc la venue de ses deux camarades. Reto l’avait vendu aux jeunes femmes en lui disant qu’elle aimait bien être soumise, et qu’elle avait envie de prendre « du très bon temps » avec elles.
Tout un programme, en somme.