Son plan était naturellement de la suivre, mais il lui fallait pour cela retarder les Yakuzas. Nathan avait été éduqué selon des principes saints : un homme se sacrifiait toujours pour une femme, surtout quand elle avait des talons aiguille set un joli cul. Le courageux policier appliquait ce principe, et restait dans le couloir, devant la porte. Il entendait une rame approcher, signe qu’il avait un temps très court avant de partir d’ici. Il fit feu encore, visant les jambes des Yakuzas. Ces derniers savaient toutefois que l’homme n’avait qu’une vulgaire pétoire. Ils répliquèrent ardemment, les balles résonnant furieusement autour de lui. Nathan entreprit alors de se replier, et alors qu’il avait el dos tourné, il se reçut une balle au bras gauche, au niveau de l’épaule, trouant sa veste.
« Ha ! »
Surpris par l’impact, Nathan glissa, et alla s’affaler sur les rames du métro, s’étalant sur les rails. Il s’y coupa les doigts, et se releva rapidement, se mettant à courir.
« Rattrapez-le ! Butez cet enfoiré ! »
Nathan se mettait à courir le long des rames, manquant trébucher à chaque fois, alors qu’il voyait, devant lui, les rames du métro. Les wagons étaient éclairés comme une guirlande de Noël, et il savait que le tram allait partir rapidement.
*Je peux le rattraper, Nattie-boy, il te suffit de sortir tes couilles, et de me laisser agir ! Merde, tu crois que ça m’amuse ?! Cette salope va se tirer ! Tu crois que je vais me contenter d’une vulgaire pute pour me sustenter, hein, HEIN, Nathan ?! Tu me prends pour un SALE EUNUQUE ?! Je la veux, Nathan, JE LA VEUX !!*
La Bête rugissait en lui, et Nathan trébucha à nouveau, en ayant une soudaine migraine, due à la rage de la Bête, frustrée de voir Sunday s’en aller. La Bête n’était rien de plus qu’un avide prédateur sexuel, incapable de lutter contre ses pulsions, et il affrontait une chose intolérable chez lui : la frustration sexuelle. Il s’étala sur les rails, et vit, en se relevant, le métro en train de partir. La Bête poussa un rugissement de rage, et Nathan sentit sa vision s’éblouir. Il avait soudain terriblement mal au crâne, et se crispa sur le sol, se recroquevillant en position fœtale, en gémissant. Une douleur terrifiante lui déchirait le corps. Il se redressa, à quatre pattes, et vomit sur le sol, en sueur, balançant ses tripes.
« Putain... Fous... Fous-moi la paix, en... Enfoiré... »
La Bête émit un rire sardonique.
*Oh, Nathan, tu me déçois tellement, tellement... Qu’est-ce qu’il y a de si compliqué là-dedans, hein ? Je ne te demande pas la Lune, bordel, rien d’autre que tirer un coup de temps en temps autrement qu’en se branlant devant des magazines pornos !*
Des voix se rapprochaient, Nathan entendait des bruits de pas.
« On dirait un putain de junkie.
- Remontez-le, Kiba veut lui parler. Kane a eu la fille, apparemment... »
Sa tête lui donnait l’impression d’être dans un concasseur, sur le point d’exploser.
*Le plus décevant avec toi, Nattie-boy, c’est que tu es un lâche. Un PUTAIN DE LÂCHE ! Tu as le pouvoir d’être un Dieu, et tu agis comme un rat ! Cette fille va foutre le camp, et, sur l’échelle du désir, elle explosait ses concurrentes ! Elle CREVAIT LE PLAFOND, et elle a FOUTU LE CAMP ! FOU-TU-LE-CAMP !! Tu crois que c’est normal, hein ? Tu crois que je suis là, à me tortiller du cul en te voyant te remuer comme un rond de lait perdu dans son bol, pendant que Miss-Talons-Aiguilles se fait péter le cul par son Dieeeeeeeeeeego-chéri ?!*
On le soulevait. Nathan avait mal partout, et il se retrouva sur les quais, devant une dizaine d’hommes armés, portant généralement des costards. L’un d’eux fumait, et tenait à la main un Desert Eagle en or, qui lui fit penser aux flingues de Travolta dans « Volte/Face ». Il balança sur le sol un mégot de cigarette, et l’écrasa du bout de son talon. Un élégant soulier.
« T’es qui, toi, merdeux ? »
Nathan toussa, et se reçut un coup dans le dos.
« Parle, le gaijin ! »
Comme il pouvait s’y attendre, on le rua de coups de pieds sur le dos et dans les côtes.
*Ça fait mal, hein ? Tu voudrais faire appel à moi, maintenant, j’parie, hein ? Petit con, va, tu es tellement prévisible. Tu crois que c’est ça, une symbiose, hein ? Tu t’étonnes que Sylvie se joue de toi, mais regarde-toi, tu n’es qu’un pauvre con ! Tu penses que tu peux faire appel à) moi quand ça te chante, que tu peux me priver des petits plaisirs que ta planète de merde daigne offrir ? Je ne voulais rien de plus qu’un TROU pour me DÉTENDRE ! Alors, tu peux aller te faire foutre, Nathan ! Tu me prends pour ton toutou, c’est ça, hein ? Un putain de clébard qui fait le beau quand on tend un no’nos ? C’est moi qui décide quand on remue la queue, pas un connard d’eunuque puritain comme toi !*
On le souleva, et il se reçut un coup de crosse sur la tempe, qui le cloua au sol. On le souleva encore. Son nez saignait, et il éternua, sentant la migraine disparaître.
« Ouais, t’es un costaud, toi. »
Kiba se mit à rigoler, et un Yakuza vida les poches de Nathan. On lui retira son Glock, ainsi que son portefeuilles. Kiba le consulta.
« Nathan Joyce... Police de Seikusu... Ça doit expliquer bien des choses. Je me disais bien que ces deux cons-là ne pouvaient pas être seuls pour avoir le culot de s’attaquer aux Guramu. Toi et tes petits copains, vous m’avez fait perdre du business, Nathan. Tu comprends ce que je te dis, hein ? Ça n’a rien de personnel, tu sais... C’est que du business, rien de plus. »
Au loin, une nouvelle rame de métro approchait. Nathan pouvait l’entendre, alors que Kiba, avec sa petite tête de connard arrogant, se rapprochait de lui.
« Du business, rien que du putain de business ! Tu imagines combien de frics vous nous avez volé, hein ? Hein, fils de pute, tu te l’imagines, ça, ou il faut que je te l’enfonce dans ta PUTAIN DE GUEULE DE MERDE ?! Tu crois quoi, connard ?! Que, parce que t’es un putain d’enfoiré de pédé de flic, ça m’empêchera de t’exploser la gueule ?! Hein ? HEIN ?! C’est ça que tu crois ? C’est que tu t’imagines, dans ta petite tête de merde ? »
Nathan essayait de se débattre, mais la Bête avait raison... Elle n’était pas son esclave, et, quand elle ne cherchait pas à prendre le contrôle, il ne pouvait rien y faire. Il se mit à sourire béatement devant la stupidité de la situation. Les beaux yeux d’une femme l’avaient conduit à Seikusu, et c’était encore en suivant le sort d’une femme qu’il s’était retrouvé ici. Face aux plus dangereux Yakuzas de Seikusu, si ce n’est du Japon, les Guramu.
« Quoi ? Qu’est-ce qu’il a à sourire comme ça, ce con ? Tu crois que je plaisante ? Tu crois que je suis un putain de comédien à trois ronds, sale merde ? T’es rien, le gaijin ! Rien de plus qu’une tête de con ! On a la pute, on a son pote, toi, t’es rien ! »
Kiba sortit son arme, et fit feu, en visant la jambe droite de Nathan. La balle perfora son jean, explosa une partie de sa chair, et fit voler une partie de son os. La douleur réveilla Nathan, et il poussa un hurlement. La rame se rapprochait de plus en plus, et ses phares se reflétaient dans le tunnel. Kiba pointa son arme sur la tête de Nathan, qui sentit tout disparaître autour de lui. On disait que, face à la gueule noire d’un canon, la vie défilait devant vos yeux. Einstein avait dit que le temps était subjectif, que son écoulement dépendait de l’observateur. Et il avait foutrement raison. Nathan entendit son pouls battre dans sa tempe. Il était face aux rails, et plus personne ne le tenait. Il entendit le déclic de l’arme, le doigt posé sur la gâchette, la sécurité abaissée, la gâchette relevée.
Le tram s’engageait maintenant dans la station, par pilotage automatique.
« Sayonara. »
*BLAM !*
*Naaaathan ?*
Des lumières agressives. Des lueurs douloureuses. Ses yeux piquaient. Il n’entendait rien, à part un brouhaha diffus de voix. Des lèvres belles, une femme inquiète, des doigts qui se pressaient contre les siens.
*Tu vois ce qui arrive aux petits garçons qui veulent faire cavalier seul, Nathan, tu le vois, non ? Ils tombent sur un os... Et même un sacré...*
Elle l’embrassait. Et il adorait ça. Elle ne l’avait jamais embrassé, alors c’est que ce n’était pas un souvenir.
*Je me fous de cette histoire d’ours en peluche, Nathan... Tu crois que j’ai été créé pour me faire chier avec de la coke et des ours en peluche, Nattie-boy, dis ? Tu crois que tu me contrôles ? Tu crois que tu es le maître ? JE décide QUAND agir, Nattie-boy. Je suis une créature fort simple, et tu sais quel est mon prix.*
Il vit des images... Des soupirs, des gémissements, de petits couinements, une sensation de bonheur intense entre les cuisses, une femme qui se pressait contre lui. Une femme en talon aiguille avec une voix mielleuse. Il la plaquait contre le mur, et elle hurlait, elle haletait, elle scandait son nom, son nom, et il trouvait ça absolument génial.
*Nous sommes tous du même moule, Nattie-boy, c’est juste que les humains l’ont oublié. Tu n’es rien, sans moi. Et cette fille n’est rien, sans toi. Elle est une petite souris poursuivie par des chats, et, toi, tu n’es pas un rat, tu es un lion.*
Il savait qu’il se déplaçait... Mais où ? Les images continuaient à affluer, et son sexe le démangeait. Elle s’empalait sur lui, et il la déchirait en deux. C’était une sensation divine, et quelque chose le soulageait entre les cuisses. Il était en sueur.
*On est associés, partenaire. Toi et moi, la fine équipe. Je préserve tes intérêts, mais tu dois préserver les miens. J’ai été plus que patient avec toi, Nattie-boy, tu le sais, maintenant...*
Tout se fondit dans son corps, et il soupira, en sentant son érection se calmer subitement. Dans sa tête, il voyait la bouche de Sunday lui murmurer des mots mielleux en prenant son sexe, en murmurant dans ses oreilles qu’il était un amant formidable, un formidable étalon.
*On va la revoir, Don Juan... Tâche de te tenir droit, cette fois, et n’oublie pas qui mène la barque, ici...*
Nathan rouvrit alors les yeux, et réalisa qu’il était dans la rame de métro, probablement celle sur laquelle il avait été balancé par Kiba. Il regarda autour de lui en se relevant. Ses blessures ? Il tâta son front. La balle qui aurait du lui exploser la cervelle n’était plus là, et sa jambe... Plus rien non plus, comme si rien n’avait eu lieu. Il était seul dans la station de métro, en sueur, avec de légères contusions et ecchymoses sur le corps, et le train se rapprochait de la station. Il pouvait rentrer chez lui, et c’était sans doute ce qu’il avait de mieux à faire... Mais Sunday la hantait, revenant dans son esprit, comme un leitmotiv incessant. Il se rappela alors son érection, et réalisa que son sexe ne bandait pas. Seul dans la rame, il glissa sa main sous son jean, sous son caleçon, et déglutit en sentant une tâche blanche dans lequel son membre avait baigné. Il ne s’était pas masturbé, et comprit que c’était la Bête qui l’avait fait.
Un ultime message.
*Merde, merde, songea Nathan, je suis en train de devenir fou...*
Le train s’arrêta en crissant, et il pénétra dans la station, secouant la tête, ses vêtements légèrement déchirés. Comment avait-il débarqué dans ce métro ? Il n’en savait rien. Il avait une légère migraine, et s’avança lentement. Où était-elle ? Avait-il au moins la moindre preuve qu’elle soit là ? Il secoua lentement la tête. Rien n’allait plus là-dedans.