Bon départ, mauvais terminus (Shizuka Shunya)

Premier jour de travail de la semaine, premier jour du mois, premiers bon chiffres. La nuit tombe le rideau et l’heure creuse où les clients ne vienne plus se sens comme cadavre de rat d’égout en pleine parfumerie. C’est fou le nombre de personnes qui se rendent dans ma boutique dans le seul espoir de trouver des choses quasiment impossible à trouver dans le libre commerce de Nexus. J’avoue que je sais faire pas mal de choses de mes dix doigts et le peu de magie en moi, mais il y a des limites quand même. Être capable de tuer quelqu’un à petit feu ? Berk. Pouvoir voler dans le ciel. Impossible. Pouvoir séduire n’importe qui à l’aide de vêtements enchantés ? Ce n’est pas le genre de la maison. Heureusement, ces gens là sont en minorité absolue dans mon petit paradis. Etroit, certes, mais ça reste une petite bicoque tranquille et sans histoire.

Puisque les clients ne viennent plus, je vais reprendre là où j’en étais hier. Une commande passée par une grand-mère ayant des problèmes de vue et dont les membres s’engourdissent. Triste n’est-ce pas ? Voilà ce qui aviens des gens prenant suffisamment d’âge pour n’attendre que la grande faucheuse. Je règle la petite alarme à l’entrée au cas où un client viendrait, et je retourne dans mon laboratoire juste derrière le comptoir. Où en étais-je déjà… Ah oui la fusion d’un sort thérapeutique à petite densité et un enchantement général à partir des anses préalablement chauffées. Inutile de vérifier, rien qu’à l’approche je sais que ça n’a pas eut le temps de refroidir en vingt-quatre heures. J’ai bien fait d’avoir acheté ce silex chez mon fournisseur de matière première.

Comme on dit, c’est partit !

Mes gants en place je dégage un peu de magie à l’anneau dans lequel j’ai préalablement gravé une rune pour sceller les mauvaises particules. Certaines substances aériennes sont nocives pour ce genre de pratique où si de la magie conservée uniquement dans l’attente d’être utilisée se libère. Heureusement, ce n’est pas difficile à libérer. Voilà, maintenant je vide lentement le sort scellé à l’intérieur à l’aide d’un catalyseur… Sans rentrer directement en contact avec l’objet à enchanter sinon autant dire adieu à ma frimousse de jeune sorcière.

C’était quoi ce bruit ? On aurait une fuite de gaz s’échappant de l’anneau. Serait-ce de la magie qui s’évapore ? Impossible ! J’ai tout vérifié par trois fois hier et la rune était intacte. Je n’aime pas du tout ce bruit. Il faut que je stoppe tout. Et vite sinon…

*bruit de flammes, bris de verre et de bois*

Aie… Me revoilà projetée contre le comptoir dos en avant. J’ai mal. J’ai le bras et la jambe droite d’immobilisée par le surplus de magie relâché et le ventre qui saigne. Et ma tenue de travail* qui se désintègre à vue d’œil. Quelle idiote j’ai mal contenu le sort. Je vais avoir du mal à me relever...

(* = Lien de la tenue qui couvre juste le corps et les sous-vêtements de la jeune femme)

Depuis quelques semaines, Shunya était à Nexus. Elle avait pris le bateau depuis Tekhos pour rejoindre cette ville, qu’elle estimait être un premier pas indispensable pour son pèlerinage dans Terra. Un pèlerinage dangereux et risqué. Elle savait que Terra, en-dehors de Tekhos, était un monde dangereux et hostile : esclavagistes, bandits, monstres, pillards, seigneurs de guerre, clans barbares... Terra regorgeait de maléfices, mais c’était la mission de Shizuka de se porter au secours des populations en souffrance. Elle devait parfaire sa formation, et, pour cela, il lui fallait explorer le monde, confronter ses propres talents de guérisseuse aux autres, afin de revenir à Edoras pour être encore plus douée. Bien sûr, rien ne l’empêchait, durant sa formation, de revenir à Edoras. Shizuka comptait bien rester sur les grandes routes commerciales, de manière à éviter, autant que possible, les monstres. Faisant sans doute preuve d’un idéalisme un peu trop grand, Shizuka avait pris le navire, pour un trajet de plusieurs semaines, avant d’atteindre l’énorme port de Nexus.

Même à Tekhos Metropolis, on admirait Nexus. Et Shizuka pouvait le comprendre. Pendant tout le trajet, elle avait utilisé ses talents, sans réclamer aucune autre contribution, et avait soigné plusieurs marins, ainsi que quelques passagers du mal de mer, d’indigestions, ou de légères blessures suite à des tempêtes. Dans l’ensemble, le trajet avait été plus calme, et Shizuka avait ainsi vu l’énorme Nexus. Le port était immense, s’étalant sur des kilomètres et des kilomètres de pontons en bois, d’auberges, avec plusieurs digues, et quantité d’autres navires entrant et ressortant. Le port s’étalait le long de Nexus, formant un immense portail maritime, et on pouvait apercevoir les épais murs de l’arsenal de Nexus. C’était le port militaire, très grand, comprenant l’essentiel de la flotte de guerre nexusienne. Elle avait également aperçu plusieurs navires qui mouillaient le long des côtes, protégeant l’accès au port, ou les navires des pirates. Fort heureusement, leur navire n’avait pas été attaqué.

Le bateau s’arrêta, et Shunya avait trouvé une petite chambre dans une auberge. Avant de s’élancer sur les routes de Terra, elle voulait découvrir un peu Nexus, la glorieuse cité-État contre laquelle les assauts ashnardiens se brisaient continuellement. Elle s’était rendue à la bibliothèque publique, obtenant quantité d’informations sur l’Histoire de Nexus, se renseignant surtout sur la magie. Elle avait pu accéder à l’université de Nexus, comprenant l’académie magique, et avait pu avoir accès à la bibliothèque universitaire, obtenant quantité d’informations sur les pratiques magiques. À Nexus, il y avait un ordre des guérisseurs. C’était une profession libérale, mais Shunya, étrangère, sans diplôme nexusien, n’avait pas pu se faire engager par eux. À défaut, elle avait réussi à obtenir un poste dans les dispensaires publics, ce qui l’amenait à travailler dans les bas-fonds, où elle soignait essentiellement des toxicomanes. La drogue faisait des ravages dans les profondeurs de la ville, l’ensemble provoquant une dichotomie troublante. D’un côté, il y avait Nexus la belle, un enchaînement de belles rues, de superbes maisons finement entretenues, avec de grands arbres entretenus... Et, de l’autre, il y avait les sinistres bas-fonds, une succession de ruelles sinistres, de bouges miteux, où même la garde hésitait à se rendre. Mais Shizuka devait aider les autres, c’était sa mission.

Ce soir, elle rentrait du dispensaire, en passant par l’une des grandes places publiques de Nexus, espérant faire un détour par l’un des nombreux belvédères permettant de voir la baie de Nexus. Le port était planté entre des falaises, et les couchers de soleil étaient saisissants. Il y a quelques jours, elle s’était tenue au sommet d’une falaise, où elle pensait pouvoir tranquillement observer le coucher de soleil, mais en était partie quand, les joues rouges, elle avait vu un couple en train de faire l’amour.

*Bon... Il vaut mieux que je ne traîne pas, si je veux voir ça...*

Elle remontait des marches, tandis que les boutiques commençaient à fermer, lorsqu’elle sentit, à proximité d’elle, une petite tempête magique. Shizuka s’arrêta sur place. Cette perturbation n’était pas normale... Shunya tourna la tête vers une boutique d’objets enchantés, et s’y dirigea rapidement. La perturbation venait de là, et elle entra rapidement.

Il y avait une femme prostrée sur le sol, tandis qu’une espèce de sortilège avait explosé dans la boutique.

« Oh non ! »

Shizuka, qui portait des vêtements classiques de ville, vit qu’une femme était allongée près du comptoir. Son ventre était en train de saigner, et Shizuka s’approcha rapidement.

« Ne bougez pas, je suis guérisseuse ! Vous avez des plaies à hauteur du ventre ! »

Elle ignorait ce qui avait bien pu se passer. Sur le coup, ses projets d’aller voir un coucher de soleil étaient envolés au loin. Quelqu’un avait besoin de son aide. Rien d’autre n’avait d’importance.

Bon pour la blouse ça va bien mieux maintenant. En revanche j’ai toujours mal au ventre à cause de cette plaie et la partie droite de mon corps qui refuse de bouger. J’espère juste que ça n’ira pas plus loin. Techniquement, seule la blessure devrait m’inquiéter mais à cause de la forte perte de mobilité que j’ai, je suis incapable de me soigne moi-même. Je déteste compter sur la chance ou les autres personnes extérieures à mes activités. Je n’arrive pas à prendre appui suffisamment facilement pour me sortir de ce pétrin. Pourquoi est-ce que je n’ai pas vérifié une fois de plus le contenu de cette bague ? Les soins médicaux et les frais de réparations vont être encore suffisamment salés pour me restreindre à… Flûte un client. Ou pire un badaud.

Pire qu’un badaud, c’est une guérisseuse. Donc en plus du goût amer de l’échec personnel viens s’ajouter la saveur de la honte publique. Qui plus est, elle pourrait être capable de quémander ses services après m’avoir soignée. J’ai déjà eut à faire à ce genre de praticiens peu scrupuleux par le passé et même si je me suis bien débrouillée, il faut que je reste méfiante :

- Je n’ai pas besoin de vos services. Humf… Je sais me débrouiller dans ce genre de situation

J’essaie de me relever et ce n’est pas facile. Non je ne veux pas d’aide même aussi généreuse et peut méchante envers moi-même. Je suis certes têtue mais je connais parfaitement mes limites sans avoir à demander assistance en permanence. Après tout, je suis la mieux placée pour connaître mes qualités et défauts.

Bon sang de bonsoir, ça va être plus compliqué que prévu. Je n’arrive pas du tout à sortir de là où je suis. Quelque chose me bloque sûrement, mais quoi ? J’espère que ce n’est pas un fragment de bois logé dans mon ventre… Non peu probable. La sensation serait plus douloureuse et proportionnellement plus difficile à cacher comme je le fais. De plus le sang se répandrait plus vite.  A part quelques hypothèses faciles à écarter, je ne vois qu’une seule explication : Une surcharge. La magie que j’avais contenue dans ce bijou à dut se loger en moi après m’avoir projetée. Et vu que je n’ai pas vidé une seule fois ma réserve, ça a dut créer cette surcharge que je ne peux maîtriser.

Comment sortir de ce pétrin…

La jeune femme n’était pas inconsciente, et répondit de manière assez agressive à l’aide volontaire de Shizuka. La fierté était toujours un comportement qui l’avait étonné. Elle avait déjà rencontré des blessés qui refusaient son aide, ne s’estimant pas en situation de devoir demander quelque chose. Elle avait vu ça auprès de chevaliers, quand ils étaient blessés. Certains le faisaient par sexisme, horripilés à l’idée qu’une femme puisse les soigner, tandis que d’autres le faisaient pour des motifs qui lui échappaient encore... Comme cette femme. Craignait-elle que Shizuka ne s’en serve pour lui demander quoi que ce soit, ensuite ? Comment diable les gens pouvaient-ils en être arrivés à un tel niveau de suspicion à l’égard des autres ? Shizuka ne souhaitait que faire le bien autour d’elle, c’était sa seule motivation. Noble, désintéressée. Elle ne dit donc rien, tandis que la femme essayait de se relever.

*Mes sens magiques sont aiguisés... Elle a du essayer un sortilège, et il y a un surplus de mana en elle...*

Cette situation pouvait engendrer de redoutables conséquences. La femme pouvait se transformer en tempête magique, ou exploser de l’intérieur. Dans tous les cas de figure, ses hématomes n’étaient que la surface des choses, des blessures superficielles, par rapport à la douleur qui couvait dans son corps, prête à exploser. Non, Shizuka ne pouvait pas rester inactive. La vie de cette femme était en jeu, et il lui incombait donc d’agir ! C’était son métier, sa vocation, sa destinée, même.

« Écoutez, vous avez besoin de moi. J’ignore ce que vous avez fait, mais il y a une surcharge de magie dans votre corps. Si vous restez ainsi, votre corps risque d’avoir de graves et d’irréversibles lésions ! »

Shizuka connaissait la procédure à appliquer dans ce genre de situation, le traitement à effectuer. Elle allait devoir réaliser un sort magique, et, à cette idée, elle se concentrait, réunissant sa magie en elle. Sa marque violette, dans son dos, se mit à luire, alors que ses yeux semblaient également résonner d’une aura violette.

« J’ai besoin de votre coopération pour extraire la magie qui est en vous... Si vous vous défendez, je n’y arriverai pas. »

Shizuka posa alors ses mains sur le corps de la femme, et ferma les yeux. Elle ignorait comment elle s’appelait, elle ignorait qui elle était, ce qui lui était arrivé. Peut-être avait-elle une famille ? Des parents aimants ? Un mari qui l’attendait chez eux ? Des enfants ? Des amis ? Elle ne méritait pas de mourir, et, à vrai dire, personne ne le méritait. Shizuka, yeux clos, rentrait dans le monde de la magie, un monde fait de liens, de connexions, et ouvrit son sixième sens, ce sens magique si pratique. Elle vit ainsi que tout le corps de la femme était sur le point d’exploser, et se concentra, pour drainer la magie. Yeux clos, Shunya se concentrait, mais, si cette femme se refusait, elle ne pourrait jamais rien retirer.

De tout son cœur, elle espérait donc que la magicienne serait suffisamment clairvoyante pour comprendre où était son intérêt.

Je déteste l’erreur. Je hais la échec. J’exècre défaite. D’autant plus si quelqu’un à vu dans quel état j’ai osé me mettre après une chose pareille. Si cette femme ne s’était pas interposée, j’aurais eut le temps d’aller récupérer de quoi régler ce problème. Hélas, elle m’empêche de bouger correctement pour aller chercher de quoi vider ce maudit surplus, tout en se présentant en bonne samaritaine. Je déteste être aidée pour une erreur que j’ai moi-même commise. C’est tellement humiliant que je ne sais même pas si je vais pouvoir continuer à ouvrir ma boutique tellement le voile de la honte recouvre la scène de cette mauvaise pièce.

Pas le choix, je suis contrainte de devoir faire abstraction de mes choix personnels.

Le seul point positif, bien que maigre, c’est que je peux l’observer faire et en profiter pour mettre cela en pratique plus tard. D’autant que ses marques, où ce que je suppose en être vu le type de luminescence que je vois, attise ma curiosité. J’aurais préférée cependant que je puisse admirer cela dans une situation plus… Confortable. Si seulement j’avais hérité du potentiel magique de mère, je n’en serai pas là. Mais avec des "si", on pourrait déformer l’univers tout entier :

- J’accepte vu que c’est, non sans regret, la seule solution. Mais faites vite dans ce cas

Oui. J’admets ne pas être dans ma meilleure humeur et c’est fortement regrettable. Donc si j’ai bien compris la situation, je dois forcer la libération de mes canaux magiques sans en utiliser en me focalisant sur les courants de cette femme pour lui faciliter la tâche… Rien de bien compliqué si ce n’est qu’avec la douleur au ventre ça va être un poil plus corsé qu’énoncé. Je ferme les yeux et je me concentre du mieux que je peux pour guider l’extraction de ce surplus. Je sens que ça marche déjà mieux que lorsqu’elle avait lancé ça toute seule. En une pincée de minutes ça devrait aller, je pense.

- Vous me direz ce que vous voulez en récompense. Et ne me dites pas que vous ne voulez rien

Je suis vexée, blessée et humiliée. Elle a donc intérêt à prendre ce que je compte lui donner. Au quel cas, elle pourrait regretter son geste tant que le gain ne sera pas supérieur au travail effectué

En l’état actuel des choses, la mauvaise humeur de cette femme n’était pas une raison suffisante pour la laisser tomber. Shizuka était sur place, et son insistance, à sa grande surprise, finit par payer. Shizuka était d’un naturel timide, très renfermé, et ne s’affirmait vraiment que quand il était question de soigner les gens... Comme en ce moment. C’était assez curieux à comprendre, et elle n’avait jamais réussi à trouver une réponse à ce comportement paradoxal. La femme finit par s’avouer vaincue, ce que Shizuka sentit. Elle s’était ouverte à la magie, et les propos de cette dernière lui parvenaient donc de très loin. Shunya le sentit. La résistance céda, et la magie s’évapora lentement du corps de la femme, suintant de tout son corps.

Un observateur extérieur aurait vu une femme assise à côté d’un autre, ses mains tendues vers sa poitrine, tandis qu’une sorte d’aura lumineuse enveloppait la femme couchée, de petites rivières de lumières serpentant vers celle debout. Et, en observant bien, à travers les vêtements blancs et légers de la femme, on aurait pu voir une série de traces violettes qui brillaient sous sa peau. La magie était à l’œuvre, Shizuka faisant preuve d’une grande concentration pour réussir ce sort. La magie irradiait autour de Shizuka, avant de se concentrer progressivement devant elle, formant, petit à petit, une intense boule blanche. Une boule de magie pure. De la sueur s’échappait du front de Shizuka.

*Ne te déconcentre pas, pas maintenant !*

C’était un exercice épuisant pour l’esprit, qu’elle avait déjà répété à de nombreuses reprises. Tekhos n’était pas un endroit où la magie était très prisée. Pour les Tekhanes, la magie était souvent un tour de passe-passe fait par des illusionnistes, ou tout simplement l’expression de phénomènes naturels que les autochtones ne comprenaient pas, et appelaient donc magie. Pour autant, l’apprentissage de Shizuka avait été complet, et elle avait donc appris à utiliser la magie. Ce genre d’exercice, de concentration, avait toujours été difficile pour elle, comme pour n’importe quel élève, car elle n’en avait jamais vu l’intérêt. Des années plus tard, et de manière totalement anecdotique, elle était justement en train de pratiquer cette technique, et c’était aussi dur qu’à l’école.

Shizuka se concentrait donc, le temps défilant rapidement. La magie pompait beaucoup sur l’esprit, et elle commençait à sentir une migraine. Une grimace étira ses belles lèvres, alors qu’elle sentait le surplus de mana s’échapper du corps de la femme, pour se matérialiser entre elles. Il y avait de puissants courants d’air dans la boutique, faisant remuer les cheveux de Shunya dans tous les sens. Plusieurs bocaux vacillèrent sur eux-mêmes, et Shunya finit par rouvrir les yeux.

Elle avait réussi. La magie en trop était sortie du corps de la femme, mais tout n’était pas terminé. Il y avait devant elle un surplus magique, formant une boule incandescente incontrôlable, qui était à l’origine de ce courant d’air. La magie était quelque chose de très capricieux. La boule se tordait et se distordait, instable, menaçant d’exploser, provoquant ainsi une tempête magique qui les tuerait certainement. Se concentrant encore, Shizuka la contrôla, et la boule se mit lentement à tourner sur elle-même.

*Allez, allez, allez, fous le camp !*

Soudain, la boule se mit à détaler. Elle sortit, et fila droit vers le ciel, montant en cloche, avant d’exploser en hauteur, au-dessus des toits de Nexus, ne dérangeant personne d’autre que les oiseaux, et surprenant quelques piétons qui sentirent de brusques courants d’air pendant quelques secondes, comme si une tempête venait d’éclater. Shizuka, elle, ne put même pas se permettre un sourire, avant de tomber sur les fesses, respirant lourdement, les joues rouges, marquées par l’effort.

« Pfiouh ! soupira-t-elle. Vous... Vous allez mieux ? »

Ça progresse comme il se doit. Non sans difficulté car c’est un exercice relativement épuisant pour l’esprit. Faire évacuer de la magie ainsi à deux, en évitant d’omettre le fait que l’un fait la moitié du travail que l’autre ne peut faire, a tendance à provoquer divers effets secondaires. Migraine, transpiration, souffle court, circulation sanguine accélérée et fatigue spontanée sont des exemples banals parmi tant d’autres. Dans le pire des cas, une mauvaise manipulation de ces canaux déclencherait l’évanouissement, la mort, ou pire encore la perte totale de son lobe de magie. Sur Terra, quelqu’un qui a l’habitude d’user de ses pouvoir quotidiennement serait comme un footballeur aussi professionnel que passionné par le sport qui aurait perdu ses jambes. Impossible de courir sur le terrain comme il le faisait. L’inertie totale ne saurait tarder après un choc pareil.

Qu’est-ce qu’il se passe… ? Pour une première fois c’en est une belle apparemment. Ce que j’avais enfermé dans ce bijou finit par apparaître entre elle et moi sous une forme sphérique. Jusque là, c’est à peu près normal. Non ce qui me choque vraiment, c’est la densité même de cette sphère. Comment avec le peu de magie que j’ai en moi j’aurais put ranger autant de ces matière aussi abstraite qu’immatérielle ? Je n’ai jamais renfloué un objet déjà enchanté avec mes propres canaux. Serait-il possible que certains de ces objets favorise la duplication de ce qu’ils renferment ? Très intéressant ! Et également très dangereux. Néanmoins, une erreur m’aura peut-être permis de faire un pas de plus dans mes recherches.

Ça y est, elle a filé. Le concentré sphérique est partit dehors non sans faire trembler la pièce et une partie de l’extérieur au moment de l’explosion. Je devrais peut-être remercier la jeune femme devant moi pour ça… Je ressens à nouveau le coté qui était endolorit, mais avec des sensations de picotement. Des "fourmis" comme j’ai entendu dans l’autre monde :

- Je peux à nouveau bouger... Je suppose que je vous dois la vie

C’est ridicule de penser qu’une parfaite étrangère qui passait par hasard ici m’aie sauvée la vie juste comme ça. Je pencherais plus pour un signe du destin qui voulait que je fasse cette erreur pour faire une découverte fascinante. Si c’est le cas, il aurait put trouver autre chose de moins dégradant et humiliant qu’une défaite à vue de badaud. J’ai du mal à bouger avec cette sensation de picotement très dérangeante. Je ressens à peine les mouvements que je fais. Mais inutile d’insister, je ne veux pas que l’autre me voit :[/color]

- Et vous ? Vous me semblez bien épuisée après tout cela…

Je me cache bien de lui montre mon propre épuisement. Avec ce que j’ai subis lors de mon enfance volée, je peux dire que c’est une épreuve "presque" comme une autre

Ce rituel, car c’en était bien un, l’avait littéralement épuisé. Shunya n’avait pour autant pas envie de dormir, non, elle se sentait plutôt comme le sportif exsangue venant de réaliser un nouveau record sur un 100 mètres. De la sueur coulait le long de son corps. Shizuka sentait son cœur battre la chamade, et se concentrait pour que sa migraine naissante disparaisse. Elle n’aimait vraiment pas ça, et c’était d’ailleurs la raison qui expliquait pourquoi elle n’aimait pas pratiquer la magie. L’usage de la magie influait sur les capacités cérébrales, et, partant de là, si on forçait trop, on avait une migraine épouvantable. Shunya avait besoin d’un petit remontant, et, donc, d’eau. Elle avait toujours avec elle des pastilles spéciales, pour ce genre de choses.

La femme lui demanda comment elle allait, et Shunya se fendit d’un petit sourire poli.

« Oui, mais ne vous en faites par pour moi... »

Elle était fière de voir qu’elle avait réussi son sort, et que la femme était soignée. Ceci était sa plus grande fierté. Quand on était une guérisseuse, on apprenait à se sacrifier pour les autres. C’était le sens du devoir, de la dévotion, des notions que Shunya comprenait très bien, et appliquait sans aucune hésitation. Cependant, sa migraine persistait, et elle se mordilla les lèvres, rougissant. Demander un service n’était pas quelque chose qu’elle aimait faire, mais elle se voyait mal rentrer chez elle, avec une telle migraine. Elle regarda autour d’elle.

« Hum... Est-ce que vous... »

Shunya rougit encore, tout en se sermonnant. Trembler pour si peu, c’était vraiment stupide ! Mais c’était plus fort qu’elle, elle était ainsi... La guérisseuse enchaîna :

« J’ai... J’ai attrapé une migraine, alors je me demandais si vous... Enfin... Si vous auriez de l’eau... J’ai un produit contre la migraine, mais il faut le diluer dans l’eau... »

Le changement de comportement entre l’entreprenante guérisseuse et la timide jeune femme était assez flagrant.

Oublions tout ce qui vient de se passer… Et concentrons-nous sur des choses moins dérangeantes.

D’après les apparences, il est vrai que cette guérisseuse ne se porte pas trop mal. Les apparences sont parfois trompeuses, donc je peux tout à fait avoir tord en disant cela, mais je doute être réellement la seule à être épuisée. Là maintenant, nous sommes deux à être les fesses par-terre à récupérer notre énergie. Ce qui en revanche est le plus perceptible, c’est qu’elle semble… Gênée. Il est vrai que pour l’instant ma tenue de travail, partiellement brûlée et déchirée, n’est pas de la plus grande pudeur. Encore qu’il ne s’agit que de la partie concernant le nombril et un peu le bas. Les manches ont étonnamment bien survécues alors que mes mains étaient placées en plein cœur de ce déluge.

Si elle articulerait mieux je pourrais davantage apporter mon aide… Bien que cela restera un acte mineur d’une faible importance. Donc elle veut… Que je lui apporte de l’eau ?? :

- Huuuhum… Oui  bien sûr que j’ai de l’eau

Ho ne n’y crois pas. Elle désire simplement de quoi diluer son médicament contre la migraine. J’avoue que ça me fait bien sourire en effet. Si je m’attendais à subir un énorme malentendu, j’aurais essayé de calmer plus efficacement le petit fou rire qui demeure un simple rire pour le moment. De l’eau… A part que j’essaye de ne pas trop rigoler pour ne gêner personne, bien que je peux avouer sans regret que ça fait du bien de se décrisper ainsi, je ne pense pas pouvoir m’exécuter. Depuis quelques secondes, j’essaie de bouger mes jambes mais seulement une seule des deux est capable de se mouvoir sans sensation ultra-désagréable :

- Cependant, il y a comme un léger problème

Je désigne avec mon index la jambe encore endolorie par le choc, bourré de ces maudits picotements insupportable, histoire d’appuyer mon commentaire :

- Ma jambe refuse de bouger sans d’horribles sensations qui me gênent. Donc si vous voulez vraiment votre liquide salvateur, il va falloir m’aider à marcher jusqu’à l’arrière-boutique pour rejoindre l’extérieur

J’espère juste ne pas avoir dissimulé de façon trop hâtive le portail me permettant de rejoindre la Terre. Techniquement, tout devrais bien se passer. Mais au cas où, je vais éviter de l’emmener trop loin. Elle serait capable de sentir sa présence. Ce qui serait fâcheux avouons-le sans se mentir.

Shizuka n’avait pas l’habitude de demander. Elle avait en effet toujours un peu honte quand elle devait formuler une demande, quand elle devait demander quelque chose. Son éducation de guérisseuse avait été faite dans une école aux règles strictes  où il ne fallait pas trop oser la voix. Ainsi se déroulait la formation d’une bonne guérisseuse. Il fallait savoir conserver son calme, sa maîtrise de soi, et Shizuka était donc très calme, très renfermée, à tel point que le simple fait de demander l’eau l’embêtait. Cependant, elle avait vraiment assez mal à la tête, et elle ne supportait vraiment pas ça. Elle fut donc soulagée quand la femme lui avoua qu’elle avait de l’eau, mais que l’obtenir ne serait pas aussi facile, car elle avait mal à la jambe. Shizuka hocha la tête.

« Oui, bien sûr! »

Sa jambe n’avait rien.  Ce devait probablement être une autre conséquence du sort magique qu’elle avait fait. Ses muscles étaient ankylosés, et il n’y avait rien à faire. Il fallait juste attendre. Shizuka souleva donc la femme, la laissant glissant sa main le long de sa nuque. Les joues rouges, la guérisseuse restait muette, tout en s’avançant vers l’arrière-boutique. Cependant, pourquoi fallait-il rejoindre l’extérieur ? Shizuka réalisa rapidement la stupidité d’une telle réflexion. Nous étions à Nexus, il ne devait pas y avoir de robinets ici, mais probablement un puits. Shizuka alla donc dans l’arrière-boutique, aidant cette femme à marcher, et vit une porte dans un coin, menant dans une espèce de cour intérieure, avec de la pelouse. Shunya put ainsi noter que le ciel s’était obscurci, et qu’il commençait à faire froid.

« Nous... Nous y sommes... Est-ce que votre jambe va mieux ? »

Shizuka était bien trop gênée par la proximité de cette femme  pour avoir senti un quelconque portail magique. De plus, elle n’était pas une magicienne, mais une guérisseuse. Elle ne pouvait pas vraiment sentir ce genre de choses, et, quand bien même ça aurait été le cas, ça n’avait aucune importance. Elle relâcha donc la femme, puis rejoignit le puits, et tourna la manivelle, faisant revenir un seau rempli d’eau. Elle alla dans l’arrière-boutique, chercha un petit gobelet, et le remplit d’eau, puis mit la gélule dedans. Ce faisant, elle retourna à l’extérieur de la boutique, et huma l’air frais, tandis que la gélule était en train de fondre en gémissant. Shizuka se mit à la boire. Le liquide était immonde, mais c’était souvent comme ça avec les médicaments. Shunya termina de le boire, et soupira. Il n’agirait pas tout de suite, mais, au moins, l’envie de vomir n’était plus là. C’était donc une victoire.

« Au fait... Je m’appelle Shizuka Shunya. Je... Euh... Je suis une guérisseuse qui vient d’Edoras. Désolée, j’aurais du vous le dire plus tôt... »

Elle baissa la tête, légèrement rouge, sans pouvoir vraiment se l’expliquer pourquoi. C’est juste que ça lui faisait bizarre de se présenter, maintenant. Elle n’osait rien dire sur le coup, attendant que la femme en fasse de même... Ou ne la congédie, ce qui, à vrai dire, lui semblait logique. Shizuka ne voulait aucun remerciement pour ce qu’elle avait fait, et surtout pas de l’argent. Aider son prochain ne nécessitait pas une rétribution. C’était sa logique, son mode de pensée, et elle comptait bien s’y tenir.

Elle accepte de m’aider à marcher. De toute façon, elle n’a pas trop le choix si elle désire vraiment se débarrasser de sa migraine. Je serais prête à parier un mètre de mes cheveux qu’elle aurait accepté même si ça aurait uniquement pour mes besoins personnels. D’après mes observations, elle pourrait bien être le genre de personnes qui voient leurs prochains comme des gens qu’il faut aider dés que l’occasion se présente. Non pas que ce genre de comportement me gêne ou m’agace,… Loin de moi cette idée saugrenue. Non je dirais plutôt que je ne le comprends pas. C’est vrai, après tout. Passer sa vie à aider les autres c’est bien, mais le faire uniquement dans un but aussi dénué d’ambitions n’est pas forcément une chose très intéressante. Certes, de mon coté j’aide également avec mes enchantements et certes, je ne connais, pour ainsi dire, presque pas cette personne. Donc je préfère ne pas pousser plus loin la réflexion :

- Ça picote un peu moins. Je devrais pouvoir marcher d’ici peu de temps. Merci

Hum, je n’avais même pas remarqué que nous étions déjà arrivées dehors… Et maintenant que c’est le cas, je peux dire que je grelotte pas mal. Le trou de ma tenue au nombril se fait plus que sentir maintenant que je ressens le vent. Le soleil se couche de plus en plus sur les draps lugubres de la nuit. Il fait également un peu plus humide qu’à midi… Voilà qui n’est pas arrangeant. Croisant les plis de ma tenue de travail pour bloquer cette arrivée d’air gênante, je constate que je n’ai pas besoin d’indiquer à cette petite intruse où il faut aller chercher quoi.

Quelle est ce gobelet ? Il me semble qu’il ne fait pas partie des récipients qui ne me servent pas à être enchanté. De mémoire, je l’ai aperçut posé sur l’évier avec… Ho non, elle a prit un morceau du lot que j’avais préparé la semaine dernière ! Il ne faut pas que… Trop tard. Vu la grimace qu’elle a faite, je crois qu’elle a dut sentir un goût salé où il n’y en avait pas. A moins que son médicament en contienne ? J’espère pour elle car sinon cela à dut être un vrai calvaire que de boire cette mixture avec un arrière goût salé imprévu. Son soupir doit vouloir dire bien des choses. Elle va mieux ? Moins bien ? Je sens que la réponse ne va pas tarder à se montrer ! :

- Hécate. Hécate Cryptis. Je suis enchanteresse mais je présume que ne t’apprends rien…

Il faut dire que c’est écrit à l’entrée de… Ho mon dieu ! J’ai usé sans le vouloir le "Tu" au lieu du "Vous". Comme c’est embarrassant… Je sens une chaleur de honte s’immiscer dans mes joues empourprées. Voilà que par réflexe je tourne la tête pour éviter de croiser le regard de cette femme… Non mais quelle idiote je suis ce soir. Serait-ce encore une fois le destin qui me joue des tours ? J’espère que non :

- Dé-désolée… Je ne voulais pas vous manquer de respect Mademoiselle Shunya. J’espère que vous me pardonnez ce petit incident verbal

Il faut garder un minimum de bonne politesse tout de même, allons ! On déglutit un petit coup, on bouge un peu les membres endoloris pour voir s’ils vont bien, on inspire un grand coup et on regarde la demoiselle en face. Voilà comme ça Hécate... C'est bien.

Sa migraine s’était évaporée, et Shizuka se sentait toute euphorique, maintenant. Il fallait croire que son médicament était vraiment très efficace, car, jadis, quand elle l’avait utilisé, la migraine ne disparaissait jamais si rapidement... À moins que ce ne soit lié à l’air ambiant de Nexus ? Shizuka était une femme assez sceptique quant à l’usage de la magie, mais elle savait que cette dernière existait à Nexus, et pouvait influer ses humeurs. Elle secoua lentement la tête, ayant une soudaine et inexplicable bouffée de chaleur. Que lui arrivait-il ? C’était vraiment curieux. Les courants d’air provoquaient sur son corps de délicieux frissons, qui la laissaient extatique, dans une situation des plus troublantes. Hécate Cryptis, puisqu’elle s’appelait ainsi, lui parla, et, sur le coup, Shizuka ne nota même pas qu’elle venait de la tutoyer.

Elle l’observa, ne pouvant s’empêcher de la trouver belle... Et, si Hécate rougit, Shizuka rougit également, car son cerveau venait de lui communiquer quelques images sensuelles qu’elle préféra refouler, ne voulant pas qu’elles s’imposent à son esprit.

*Qu’est-ce qui te prend de penser à ça ?!* se sermonna-t-elle.

Hécate était plutôt belle, avec sa longue chevelure et sa tenue de travail fine. Cependant, Shizuka ne restait qu’une invitée, et n’était nullement une allumeuse.

« Oh, ne... Non, ça ne me dérange pas, bien au contraire... Vous... Euh... Tu peux me tutoyer, je... Je n’y vois aucun inconvénient, vraiment... »

Shizuka soupira, aspirant de l’air bruyamment, se dandinant un peu sur place. Si elle était aussi gênée, ce n’était pas à cause du tutoiement, mais parce qu’elle sentait d’étranges vibrations dans tout son corps. Elle avait une envie irrésistible de frotter ses cuisses l’une contre l’autre, car son intimité lui faisait mal, comme si elle était en feu, et qu’elle avait besoin qu’on la titille... C’était le genre de choses qu’elle avait ressenti une fois, à l’académie, en surprenant sa colocataire faire longuement l’amour avec une autre. Shunya revenait alors de la bibliothèque, et avait vu les deux femmes nues, tandis qu’un sexe phallus était sorti de l’amie de sa colocataire, pour pénétrer langoureusement sa copine. Pour autant que Shizuka s’en souvienne, c’était la première fois qu’elle avait senti son sexe s’humidifier à ce point, une pression si irrésistible qu’elle avait du se toucher, et gémir, gémir longuement... Elle avait poussé des soupirs de plaisir, jusqu’à sentir un puissant râle la saisir...

Et, en l’état actuel des choses, elle ressentait un désir similaire l’envahir. C’était intense, ardent, vif, et ça ne voulait pas partir. Le mieux serait pour elle de se dissimuler dans les toilettes, mais elle ne voulait pas paraître pour une femme impolie. Elle avait toujours les joues roses, et chercha quelque chose à dire, pour ne pas attiser les soupçons d’Hécate. Si jamais l’enchanteresse réalisait ça...

*Je ne suis vraiment qu’une sale traînée, pour éprouver un tel désir maintenant...*

Elle posa donc une question :

« Hum... Et ton affaire... Elle marche bien ? »

Hum. Elle fait fi de mon erreur assez facilement. Encore mieux, elle accepte que l’on se tutoie pour continuer à converser normalement. Je dois bien l’admettre, les subtilités de langage, ainsi que la façon dont on exprime son respect à son interlocuteur, diffèrent entre ce monde-ci et l’autre. Et voir cette jeune femme, Shizuka donc, accepter aussi facilement un tutoiement pourtant imprévu est un peu déroutant. Surtout avec toutes les formules de politesses que m’a inculqué mère durant mon enfance volée. Dans un sens, tant mieux. Ça fera une lourde barrière d’éclatée entre elle et moi, même si je n’ai aucune idée de la durée de notre rencontre.

Que se passe-t-il ? Shizuka à l’air de ne pas aller beaucoup mieux. Elle reste rouge, mal à l’aise et un peu chancelante à sa manière. On dirait qu’elle ressort d’une mauvaise diligence avec l’estomac à la place du cœur et inversement. Pourtant, son visage n’est pas marqué par des traits significatifs d’une quelconque maladie ou un coup de froid. Un coup de froid… Cette hypothèse n’est pas si étrangère à la situation maintenant que j’y pense. La chaleur de l’après-midi laisse place à la fraîcheur de la soirée dans ce seul espace où l’air circule sur mon lieu de travail. Et compte tenu du fait qu’elle doit être encore moins habillée que moi, cela reste probable :

- Mon affaire ? Tout va pour le mieux depuis la fin des vacances. A part aujourd’hui mais c’est un cas… Particulier

…C’était quoi cette question ? Ça ressemble fortement à ce que l’on peut dire quand on cherche à briser le silence, la glace entre deux partis durant une guerre froide ou encore pour dissimuler une certaine gêne. Je réfléchis peut-être trop, sûrement même, mais je pense que d’une certaine façon je la dérange. Mes yeux ont d’ailleurs beaucoup de mal à se détacher de chacun de ses mouvements, du même que mes oreilles figée sur le moindre bruissement d’air révélant ses paroles. Hécate, arrête de la regarder comme si c’était une œuvre d’art dont tu recherche les défauts et reste calme :

- Maintenant que tout va pour le mieux pour nous deux, j’aimerais me rhabiller. A cette heure-ci, je suis censée avoir déjà fermé boutique donc vous… Enfin tu vois sûrement ce que je veux dire, Shizuka

Je ne la repousse ni ne l’incite à sortir d’ici, mais je veux juste lui faire comprendre qu’elle reste une intruse qui s’est quand même un peu imposée sur mon lieu de travail. Néanmoins, je n’oublie pas ma dette et je compte bien lui offrir quelque chose. Et je sais déjà quoi.

- Attendez-moi dans… Désolée, attends-moi dans la pièce réservée aux clients. Je n’en aurais pas pour longtemps

J’attends d’être sûre qu’elle soit à l’endroit convenue pour me préparer… A marcher dans un premier temps. Je ne voudrais pas qu’elle me voit boiter pitoyablement vers ma salle d’expérimentation des enchantements, dont je referme la porte de sortie pour pas que l’air rentre... Il n’y a personne ? Donc je m’approche du porte-manteau où je dépose mes affaires et commence à lentement me déshabiller. Pas très pratique avec un bras un peu mou mais ça devrait faire l’affaire. J’ai mon temps de toute façon. Voilà, je dépose ma tenue à jeter sur le porte-manteau. Hmmmmmes sous-vêtements*… Non Hécate tu ne te regarde pas dans le miroir qui n’existe pas. Quelqu’un attends derrière !

(* = Lien des sous-vêtements en question)

« Maintenant que tout va pour le mieux pour nous deux, j’aimerais me rhabiller. A cette heure-ci, je suis censée avoir déjà fermé boutique donc vous… Enfin tu vois sûrement ce que je veux dire, Shizuka »

Shizuka rougit en baissant la tête, comprenant très bien ce qu’elle voulait dire. Elle voulait être seule. Shizuka se sentit rabaissée, mais elle ne pouvait pas lui en vouloir, elle comprenait... À quoi s’attendait-elle ? À ce qu’elle l’invite à manger pour la remercier de lui avoir sauvé la vie ? Shizuka commençait assez à connaître la mentalité nexusienne pour savoir que la gratitude ne faisait pas partie de leur raisonnement. Gentiment, Hécate lui demandait de partir. Le seul problème, c’est que Shizuka avait chaud entre les cuisses. Elle allait devoir utiliser sa magie pour se calmer, mais, pour cela, il fallait qu’elle soit seule. Il s’agissait probablement d’une réaction secondaire liée à la concentration magique intense que Shizuka avait du faire dans la boutique. Elle ne voyait aucune autre explication logique. Ensuite, elle pourrait partir.

Hécate lui conseilla de l’attendre dans la salle d’attente des clients. Shunya hocha la tête :

« D’a... D’accord. »

Elle avança lentement, mains jointes devant elle, baissant la tête, reprenant son souffle, jusqu’à se retrouver seule. Elle n’en demandait pas plus, et ferma les yeux. S’assurant qu’elle était bien seule, elle ferma prudemment la porte, et s’assit en tailleur sur le sol. Le sexe était, comme toute chose en ce monde, une énergie, quelque chose qu’on pouvait contrôler... La particularité de l’énergie sexuelle était son intensité. Il n’y avait rien de plus intense, ce qui faisait qu’il était en pratique difficile de la contrôler, surtout quand, comme Shunya, on était encore vierge. Pour autant, elle ne pouvait pas se permettre, chez une invitée, ce genre de choses. Elle se concentra donc, la magie se mettant à vibrer autour d’elle. Sa marque de guérisseuse s’illumina d’une lueur violette, et elle récita une mélopée, se livrant à une introspection.

Elle avait éteint la lumière, et rouvrit les yeux. Ce sort très pratique créa une sorte de projection de son propre corps autour d’elle, comme une sorte d’hologramme tridimensionnel. Elle voyait son cœur, ses poumons, et continua à se déplacer. Il lui avait fallu des mois et des heures et des heures d’entraînement pour maîtriser ce sort. Elle observait son corps, et repéra rapidement la substance étrangère... Visiblement, depuis qu’elle avait pris son médicament, il y avait également eu des traces d’une autre substance, qui avaient formé un aphrodisiaque. Shizuka fut soulagée... Tout en se demandant la provenance de cet aphrodisiaque.

*Hum... Le plus probable est que je l’ai obtenu dans la coupole de cette femme... Comme c’est une guérisseuse, son verre devait contenir des résidus magiques...*

C’était la théorie la plus probable. Se concentrant un peu, Shizuka réussit à éliminer cet élément, et mit ensuite fin à son sort. Elle était légèrement épuisée, mais elle se sentait, pour le coup, mieux. La vague était passée, et elle se releva. Elle avait encore en tête les mots de la femme.

*Tu n’as plus rien à faire ici, Shizuka. T’as accompli ta B.A. du jour, tu vas pouvoir pousser un hurlement de joie à cette idée. La solitude, tu le sais bien, c’est le lot des héroïnes.*

Elle sourit, et ouvrit la porte de la salle d’attente.

« Hé... Hécate ? Je... Je pense que je vais rentrer chez moi... Pour que vous puissiez profiter de votre... Enfin... De ta soirée. »

Maintenant qu’elle avait éliminé les résidus d’aphrodisiaque, elle avait de nouveau recommencé à la vouvoyer.

Je n’ai plus qu’à m’habiller présentement avant de rejoindre cette timide maladive. Je ne vois que ça comme explication rationnelle à cette façon de se tenir, de parler et rougeoyer à la moindre occasion. Le coté maladif des contacts humains doivent la gêner et par conséquent, il serait presque plus normal qu’elle n’a pas réagit lors de cet… Incident fâcheux arrivé plus tôt. Bon trêve de blabla intérieur, il est temps de passer à l’habillement extérieur !

Pour commencer, on enfile les bas à rayures que j’avais pris soin de commander à la boutique de cosplays. Je ne me souviens plus vraiment à quel personnage ils sont censé appartenir, mais peu importe. Ils sont beaux malgré les déchirures volontaires, confortable en vue de leurs matière mélangeant naturel et synthétiques, tout en ayant des couleurs harmonieuse, bien qu’asymétriques, avec le reste de mes tenues habituelles. Ensuite, la jupe noire sans grande particularité. Sauf si on compte la petite chaîne en métal décorative qui peut très bien servir de ceinture si besoin est. Après ma chemise de lycéenne à manche courte… Hmmm ma préférée. Une chemise blanche avec le col et le bout des manches avec des rayures noires, plus une cravate rose-violacée juste là pour le style. Je suis résolument fan de ce haut et…

- Non attends ! J’ai quelque chose pour v… Pour toi !

Elle aurait mal pris ce que j’aurais dit ? Ou mal compris ? Compte tenu du fait qu’elle n’est pas du genre à se mettre en valeur, via sa timidité présumée, je pense plus qu’elle imagine que je comptais qu’elle sorte d’ici. Au départ oui, quand elle est rentrée dans ma boutique dans l’espoir de me soigner. Mais maintenant, j’ai une dette à rembourser et il n’est pas question qu’elle parte sans que je m’en acquitte un minimum.

Je me dépêche d’enfiler le reste de mes habits, ou de mes accessoires vu que tout le reste est déjà enfilé. Aaaahhh comme c’est stressant de devoir retenir quelqu’un tout en s’habillant. C’est là que je me dis qu’en réalité je ne sais pas du tout m’habiller. Ce qui est faux, je rassure tout le monde…  Plus qu’à prendre mon sac et j’accours dans l’espace commercial en évitant de piller sur les morceaux de bois ou de verres mal placé, et je lui prends rapidement la main. Il est hors de question qu’elle parte maintenant !

- J’ai dit au départ que je comptais te remercier. Alors j’aimerais que tu fasses un tour dans ma réserve pour voir ce qui pourrait te plaire.

Je suis aussi déterminée que ma voix ou mes yeux le laisse ent… Snif ? C’est quoi cette odeur ? Un doux parfum semble venir de cette jeune femme subitement. Un parfum délicat et terriblement enivrant. A tel point que je me sente obligée de fermer les yeux pour en savourer chaque respiration. Lentement… Ho mais qu’est-ce qui m’arrive ? Je m’emporte peut-être un peu trop par rapport à d’habitude et je sens que le sang me monte à la tête… Et stagne aux joues si j’en crois la montée de température.

- Hmm comment j’ai put ne pas remarquer un tel parfum… Ho excuse-moi…

Mais quel malaise ! Sans m’en rendre compte j’effleurais les bras de cette femme. Heureusement que je les aie vite remis dans mon dos… Même si mon regard tourné sur le coté et mes joues rouges trahissent la gêne subite que j’ai ressentie. Minute, ça ne serait pas dut par… ? Non impossible !!!