[HRP – Je me demande pourquoi le Roi n’utilise pas directement son pouvoir d’omniscience pour retrouver la sorcière x)]
WALLIN
Wallin en savait assez. Il lui fallait maintenant aller au campement médical, et sauver Lysia. Le guerrier savait où ce campement se trouvait, car il l’avait déjà vu, par hasard, en traversant Meisa. Il était assez éloigné d’ici, mais il ne pouvait pas permettre aux hommes du Boucanier de mettre la main sur elle. Il ignorait dans quel enfer Josselin s’était fourré, mais, visiblement, ce dernier s’était attiré des ennemis puissants. Wallin s’était redressé, prêt à partir, quand il entendit des bruits, des hurlements, et des sons de combat à proximité. Un gang rival ? Ses instincts se mirent à frissonner, et il sentit, le long de son échine, un frisson la remuer. C’était la magie qui était à l’œuvre à proximité, et avec laquelle Wallin réagissait toujours. Il eut à peine le temps de le réaliser qu’il aperçut un nouvel individu dans le souterrain de l’auberge, se plantant face au Boucanier. Les wyverns s’étaient agités en sentant le sang et les batailles, leurs instincts prédateurs s’étant réveillés, ce qui amenait les solides gardes du Boucanier à devoir les maintenir. Wallin hésita pendant quelques secondes, entre continuer à faire son curieux, ou aller immédiatement secourir la fille de Josselin. La curiosité l’emporta finalement quand l’homme se présenta comme le Roi, désirant savoir ce que le Boucanier savait, concernant cette peste.
«
C’est... C’est le Roi ! -
Comment a-t-il fait pour rentrer ? »
Les lieutenants du Boucanier semblaient perturbés, tandis que ce dernier avait croisé les bras sur sa poitrine, ne disant rien, se contentant de fixer le Roi. Un pirate n’obéissait pas aux autorités étatiques, Wallin était bien placé pour le savoir. Ces rats de mer s’abritaient derrière un quelconque sens de l’honneur illusoire qui considérait que les pirates étaient des individus libres, ne répondant à aucune autorité.
«
Et si je te disais d’aller gentiment te faire enculer, face de pet ? Tu me dirais quoi, hein ? Tu peux pas me tuer, c’est moi qui ait les infos’. Tu te pointes chez moi en conquérant, mais t’as l’air d’oublier une chose... Que tu sois le Roi de ce pays de merde, un vulgaire bouseux loqueteux qui chie dans son froc, ou même le putain d’Empereur déconfit du putain d’empire d’Ashnard, ça change foutrement que dalle ! Pour moi, t’es qu’un blaireau qui se pointe chez moi en croyant pouvoir obtenir ce qu’il veut. T’as cru quoi, gros ? Qu’il suffirait de froncer les sourcils genre ‘‘daddy-en-colère’’, pour que je pisse dans ma culotte, et que je te déballe tout ce que je sais ? »
Les wyverns étaient toujours aussi agités, amenant les gardes du corps du Boucanier à souffrir en silence. Wallin pouvait le voir, à la manière dont les gouttes de sueur venaient, ici et là, émietter leur front.
«
T’as pas les moyens de m’faire causer, et ça, tu le sais, gros. Nexus m’a déjà torturé, et y a un élément que t’as pas, face de cul, pour croire que tu peux m’pisser à la gueule : le foutu temps. Chaque jour qui passe voit ta population de merdeux crever la gueule ouverte. Mais je peux te donner des infos’, ouais... Mais rien n’est gratuit dans ce bas-monde, et il me semble que la sûreté de Meisa justifie amplement quelques piécettes. Vous croyez pas, les gars, hein ? »
Le Boucanier fit lentement craquer ses doigts. Wallin se rembrunit. Il était en train de perdre son temps, et la vie de Lysia était en jeu ! Peu importe ce que le Boucanier savait, ce rat d’égout n’était qu’un pion. Il devait retourner aux fondamentaux, à ce que Josselin lui avait dit. Il fallait retourner voir Lysia. N’en déplaise à Sa Majesté, Wallin avait d’autres personnes en vue. Il s’écarta donc, et s’éloigna de l’auberge, sans tenir compte des hommes surveillant l’auberge, qui gisaient lamentablement sur le sol, et s’avança le long de l’artère menant vers la place centrale de la ville. Il avait du s’agir d’un coin assez inanimé de la ville, auparavant, probablement avec des terrasses bondées, des artistes de rues, des enfants qui jouaient dehors avec des chiots... Tout était fermé, triste, sinistre, et pillé. Il avançait le long des rues dallées, à petites foulées, se rappelant ce qu’il avait vu dans les maisons des riches bourgeois.
Face à la maladie, à la menace de mort, les gens devenaient paranoïaques. Il n’y avait que dans les contes que les survivants se rapprochaient. Wallin connaissait assez la nature humaine pour savoir qu’elle était fondamentalement égoïste. Les survivants qui n’étaient pas contaminés avaient, soit cherché à s’enfuir, soit se recroquevillaient chez eux, se barricadant, attaquant à vue ceux qui se rapprochaient. Et, comme l’Ordre avait dressé la quarantaine autour de Meisa, personne ne pouvait sortir. C’était une mesure radicale, mais nécessaire pour éviter que l’épidémie ne devienne pandémique. En somme, Lysia ne pouvait compter sur personne d’autre que sur lui... Et Wallin n’avait rien trouvé de mieux à faire que perdre son temps devant l’auberge, à écouter les élucubrations du Boucanier.
Près des amoncellements de cadavres, Wallin pouvait entendre les grognements des créatures nécrophages, ces monstres qui vivaient dans les souterrains, et sortaient la nuit dans les cimetières vastes et mal entretenus. Des goules et des graveirs, créatures sombres et massives, qui étaient en train de dévorer les cadavres. Ils étaient insensibles à la peste, mais dévoraient peu de cadavres... Wallin les connaissait, car on les rencontrait parfois à la lisière des champs de bataille, où ils dévoraient les morts. On ne les chassait pas, car cela faisait des corps en moins à amener aux charniers.
Tant que les goules ne s’intéressaient pas à lui, il n’avait aucune raison d’aller les voir.
SHIZUKA SHUNYA
Le cœur de Shizuka battait le tambour. Elle n’avait jamais été aussi paniquée, avec une féroce envie de vomir... Ce qu’elle aurait probablement fait si elle avait plus mangé aujourd’hui. On avait voulu la tuer ! La tuer,
elle ! Shizuka ne se considérait pas comme une personne spéciale, mais elle ne voyait pas pourquoi on voudrait tuer une simple guérisseuse, sans histoire. Dans les yeux de ces monstres, elle avait vu quelque chose qu’elle se refusait à essayer de comprendre... Le
plaisir ! Comment ? Comment pouvait-on ressentir
ça ?! Shizuka ne le comprenait pas. Cet homme n’aurait eu aucun remords en lui ouvrant la gorge. Au contraire, ça l’aurait excité, et, s’il l’avait pu, Shizuka était sûre qu’il l’aurait violé, et qu’il aurait eu du plaisir, non en faisant l’amour avec une femme, mais en la sentant se tordre sous lui, implorer sa pitié. La pauvre guérisseuse était déboussolée, et ne réagit que quand elle sentit la main de la femme qui l’avait secouru caresser sa joue.
*
Que... Qu’est-ce qu’elle fait ?*
Shizuka essaya de parler, mais elle ventilait tellement qu’aucun son ne sortit de ses lèvres. Son cœur lui semblait sur le point d’exploser, alors que les tueurs se repliaient prudemment.
«
Shizuka ! »
Clignant des yeux en entendant ce nom, la guérisseuse tourna la tête, et sentit deux mains se poser sur chacune de ses joues. Elles appartenaient à Monica, qui se blottit ensuite contre elle, lui faisant un câlin. Surprise, ébahie, Shizuka cligna des yeux. En temps normal, elle aurait rougi comme une pivoine, mais elle venait d’échapper à la mort, ce qui avait le don de remettre les choses en perspective. Elle baissa la tête, et posa ses mains sur le dos de Monica, se mettant alors à la tenir très fort.
«
J’ai eu tellement peur, j’ai cru qu’ils allaient nous tuer ! »
C’était très certainement ce qu’ils auraient fait, en d’autres circonstances. De manière assez ironique, c’était à Shizuka qu’il revenait de soutenir Monica, de la rassurer, alors que, généralement, c’était elle qui la poussait, en lui sortant des allusions que Shizuka ne comprenait pas, ou se refusait à comprendre. Elle vit que la femme était en train de s’occuper de la patiente assagie, essayant un sort magique pour qu’elle reste en vie. Le sort de stase... Shizuka le connaissait, et elle savait le pratiquer, mais elle évitait de le faire. À l’académie, on lui avait expliqué que ce sort avait des effets secondaires indésirables, et qu’il consistait à ralentir la circulation sanguine et le rythme pulmonaire. C’était dangereux, et nécessitait une connexion permanente entre la guérisseuse et le patient, ce qui, concrètement, conduisait à affaiblir le guérisseur. Dans une telle situation, un tel sort n’était pas envisageable, d’autant plus qu’il ne soignait pas les patients.
«
Mais qu’est-ce qu’ils nous voulaient, ces enfoirés ? Ils croient qu’on ne souffre pas assez, peut-être ?! -
Je... Je ne sais pas, Monica... »
En réalité, Shizuka avait un début de piste. La conversation avec cette femme lui avait rappelé l’obstination dont le Roi avait fait preuve en essayant de la convaincre de partir à l’enquête pour découvrir l’origine de la peste. Elle avait plus ou moins, sous l’effet de cette dure journée, altéré cette conversation de sa mémoire, mais cette dernière lui revenait en force. Était-il possible que, finalement, le Roi avait eu raison ? Cette fille devait visiblement savoir des choses, connaître des informations, et, par un curieux coup du hasard, c’était sur Shizuka, celle qui avait fait preuve d’un certain scepticisme, que les informations arrivaient. Elle avait toujours du mal à croire qu’une personne pouvait se trouver derrière cette épidémie, même si ce n’était pas impossible. Durant sa formation, elle avait été à l’une des universités de Tekhos, où elle avait assisté à un séminaire sur le bioterrorisme. Les guérisseuses étaient formées pour ça, et on lui avait expliqué qu’il existait des groupes terroristes actifs qui cherchaient continuellement à répandre des épidémies. Juridiquement, tout comme Tekhos disposait d’une compétence universelle pour agir face à la menace de bioinfestations formiennes, face à une attaque bioterroriste impliquant des agents chimiques et/ou infectieux, l’armée tekhane pouvait envoyer des vaisseaux. La peste constituait un cas particulier, car l’autorité tekhane se heurtait à celle de l’Ordre. De manière générale, l’Ordre Immaculé luttait aussi contre toutes les formes d’épidémies virales. Ils réagissaient plus rapidement que les Tekhanes, et étaient mieux acceptés par la population. De plus, l’Ordre ne se résumait pas qu’à l’Inquisition, et disposait d’écoles religieuses très compétentes. Les Sœurs de l’Ordre étaient des guérisseuses au talent universellement reconnu, car elles puisaient leur force dans la foi, et avaient un contrôle parfait de la magie blanche.
*
Mais personne ne peut contrôler une maladie comme la peste... Même les Ashnardiens ne seraient pas assez fous pour lâcher la peste bubonique sur leurs adversaires...*
Ashnard ne cherchait pas à tout détruire, mais à tout contrôler. Et, honnêtement, il n’y avait aucun intérêt à contrôler des régions ravagées par la peste. La mort attirait les créatures nécrophages comme les goules, les graveirs, et, même sans tenir compte de ces bestioles, il fallait aussi supprimer tous les habitants, pour éviter que la peste ne se répande. Le cerveau de Shizuka s’emballait, en effet, sous l’effet de la panique, quand elle entendit encore des bruits de combat. Ils venaient de dehors, et elle tourna la tête.
«
Ils remettent ça... -
N’y va pas, nous ne servirons à rien… -
Mais on pourrait soigner des blessés ! protesta Shizuka.
-
Ou se faire tuer... »
Monica avait raison d’avoir peur, et Shizuka aussi... Cependant, elles ne savaient pas se battre, et elle savait l’armée de Meisa affaiblie. Si leurs protecteurs tombaient, personne ne serait là pour les sauver... De plus, Shizuka entendait des bruits sauvages et violents. Comme si une grosse bête se trouvait dehors. Aussi, elle décida de prudemment se rapprocher de l’entrée. Comme c’était une tente, il y avait une ouverture. Elle glissa prudemment sa tête par l’ouverture, et blêmit en voyant, outre les bandits, un immense monstre verdâtre avec des pectoraux massifs. Ses veines saillaient de son corps, et il se ruait vers les défenseurs, un bataillon de femmes en armure.
L’immense monstre vert s’avançait rapidement, sans que les attaques des Meisaennes ne semblent le perturber. Il en repoussa une. Shizuka n’était pas une femme capable de se battre, mais elle maîtrisait bien la magie. Sa marque s’illumina dans son dos, et elle ferma les yeux, récitant alors une curieuse mélopée. La magie se mit à brûler autour d’elle, formant comme une aura violette, avant de lui permettre d’en savoir plus sur ce monstre.
«
C’est une goule ! » s’exclama-t-elle.
La goule avait été transformée par des processus génétiques, et par de puissants mutagènes. Les goules étaient des créatures maléfiques, et craignaient donc la magie blanche... C’est sur cette idée que Shizuka espérait les aider, quand un sort jaillit de sa gauche, et frappa la goule, brûlant sa peau. En tournant la tête, elle vit un homem qui se rapprochait, portant une sorte de manteau rouge sur le corps avec un capuchon. Il tenait une épée dans le creux de sa main, et une arbalète de poing dans l’autre. Il décocha un carreau, qui alla se loger dans la gorge d’un tueur, la transperçant, tandis que la goule transformée se mettait à hurler. L’homme à la capuche lui avait envoyé un léger sort de soin, et réitéra, désormais avec une fiole comprenant un élixir. Probablement de l’Hirondelle, cet élixir qui servait à régénérer le corps. L’élixir alla s’abattre sur la goule, la faisant hurler davantage. Des furoncles et des pustules recouvrirent son corps, et elle cassa bientôt de s’agiter, contraignant les bandits à une nouvelle retraite stratégique.
«
Je m’appelle Wallin, se présenta l’homme.
Visiblement, vous avez quelques problèmes de sécurité... »