« Merci ma Reine. »
Andromaque sentit un léger frisson qu’elle reconnut. Au sein de la Horde, et, plus précisément, au sein de la lignée des Reines, une tradition voulait que la fille d’une Reine ne vienne pas directement de son ventre. En effet, chaque Amazone était la fille de la Reine. Par conséquent, le fait que la Princesse soit la fille biologique de la Reine induisait forcément une distinction. Des erreurs du passé, remontant à des millénaires, avaient amené à faire en sorte que la Reine ne tombe pas enceinte, car elle avait en effet une propension plus forte à favoriser sa propre fille, ce qui avait entraîné jadis des problèmes, des contes dont on ne parlait pas forcément aux jeunes cadettes. Cependant, Andromaque devait bien admettre que, même si Sélène n’était pas sortie de son ventre, la manière dont elle la regardait était différente de celle dont elle voyait les autres. Sélène n’avait jamais bénéficié d’un traitement de faveur, dans la mesure où Andromaque n’avait pas cherché à la couver par rapport aux autres. Au contraire, elle avait été bien plus sévère avec elle, afin d’en faire un modèle.
Et Persée... Persée aussi évoquait un écho particulier dans le cœur d’Andromaque. La Reine et Mythilène étaient les seules à savoir que Persée était la fille d’Andromaque, à une époque où Andromaque avait couché avec plusieurs Amazones pour qu’elles tombent enceinte. Il y avait eu plusieurs fœtus, et Mythilène avait fait avorter les autres Amazones. C’était une pratique un peu barbare et cruelle, mais nécessaire, car il ne pouvait y avoir qu’une seule Reine. Pour les faire avorter, on utilisait un filament de poison assez spécial, qui tuait le fœtus. Tous les fœtus étaient morts, sauf celui d’une Amazone, qui avait donné naissance à Persée, bénie de la Déesse. Tasha, sa mère, était morte en mettant Persée au monde, confirmant qu’elle était bénie de la Déesse. Elle était l’une des Amazones les plus talentueuses de la Horde, et la voir de retour soulageait donc la Reine, même si cette dernière savait se maîtriser.
Persée, Andromaque et Sélène s’isolèrent dans la tente, Sélène tirant le drap pour la fermer. Des bougies brûlaient dans les coins, éclairant la pièce. Il y avait un petit fauteuil et une bibliothèque près d’un bureau, avec de nombreux livres. On ne les trouvait nulle part ailleurs que dans la Horde : il s’agissait des mémoires des Reines, une compilation ancestrale des autobiographies des différentes Reines, un important savoir. Fréquemment, il fallait que plusieurs Amazones recopient le contenu de ce savoir ancestral, afin d’éviter que les cahiers, trop usagés, ne s’effritent. Il y avait aussi une table, dans un coin, avec, dessus, une énorme carte de Terra, qu’Andromaque et les autres Amazones du conseil se servaient pour diriger la Horde, en fonction des points de repos, des différents temples d’Artémis... Il y avait également, au milieu de la pièce, l’énorme peau de bête d’un massif grizzly, qu’Andromaque avait tué il y a des années. Un combat redoutable, qu’elle avait fait dans la forêt, en compagnie d’une autre Amazone, pour sauver une caravane. Le grizzly s’était reçu une dizaine de flèches dans le corps, et Andromaque avait réussi à l’achever de justesse, enfonçant sa lance dans sa gorge, le transperçant. Le cadavre du grizzly s’était écrasé sur elle, manquant l’étouffer, avant qu’on ne puisse le renverser.
Sélène restait dans un coin, tandis que la Reine se mit face à Persée. Si cette dernière venait la voir en personne, c’est qu’elle avait un objet particulier à lui remettre. Persée, de manière très cérémonieuse, alla même jusqu’à se mettre à genoux en lui tendant une belle épée.
« Ma Reine... Je vous ai rapporté ceci, qui vous revient de droit. »
Andromaque fronça les sourcils. Elle reconnaissait les runes parcourant la lame, des arabesques évoquant la magie amazone.
*Serait-il possible que... ?!*
Elle n’arrivait pas à y croire, et, lentement, sa main attrapa la poigne de l’épée, la soulevant. Immédiatement, les runes se mirent à luire d’une intense énergie, et l’épée sembla comme s’animer. La lame se mit à étinceler, reconnaissant la descendante de la Première Reine des Amazones, Harmonie la Nymphe, qui, en ayant été enfantée par Arès, avait donné naissance aux Amazones. La lame étincela, provoquant des bouffées de vent qui firent virevolter les cheveux d’Andromaque, avant que les runes, progressivement, ne se calment, continuant malgré tout à briller. Andromaque donna quelques moulinets.
« Cette épée... Je la reconnais... Lysippé fut la dernière à la tenir... Lysippé-La-martyre, morte en repoussant des Elfes Noirs avec cette épée sur le parvis du Temple d’Artémis... On dit que son corps baignait au milieu d’une marée de cadavres. Son sacrifice a permis de sauver des centaines d’Amazones, et son épée n’avait jamais été retrouvée... »
Les souvenirs de crête histoire remontaient à l’esprit d’Andromaque, qui continuait à parler d’une voix absente, ses yeux figés sur l’épée :
« Cette épée, dit-on, a été offerte par Artémis à Harmonie, quand il a appris qu’elle était enceinte d’Arès... Un cadeau pour la naissance de sa fille, forgée par Héphaïstos lui-même. Cette épée ne réagit qu’au contact de la Reine, de celle qui a été bénie par les Déesses pour diriger la Horde. »
L’épée n’avait rien produit au contact de Persée, car, bien qu’elle soit sa fille, cette dernière n’avait pas été bénie au sein du temple pour devenir la Reine.
« C’est l’épée des Amazones, Persée... Aussi longtemps que vivra la Horde, cette épée la protègera. Elle donne à la Reine des Amazones le pouvoir d’Artémis, car la lame a été forgée avec le sang d’Artémis dans la forge divine d’Héphaïstos. La Reine Lysippé savait qu’elle ne survivrait pas face aux Elfes Noirs se rapprochant du temple, et l’épée des Amazones lui a permis d’occire des centaines d’ennemis, jusqu’à ce qu’elle finisse par succomber. »
Andromaque revenait peu à peu à la réalité, et planta l’épée sur le sol, devant Persée.
« Relève-toi, Persée ma sœur. »
Elle attendait que Persée obtempère. Le cœur d’Andromaque bouillonnait de joie et de fierté. Ce que Persée venait de faire était l’une des plus belles choses qu’on pouvait offrir à la Horde.
« Tu es l’élue d’Artémis, Persée. Il n’y a désormais plus de doute. Artémis t’a donné à nous pour que tu rapportes l’épée des Amazones. Je suis fière de toi, Persée. »
Elle félicita Persée en se rapprochant d’elle, et posa chacune de ses mains sur ses joues, puis l’embrassa chaudement. Un tendre et long baiser, où elle montra à Persée tout le talent qu’elle avait dans ce domaine. Elle l’embrassa donc voluptueusement, puis retira ses lèvres, en lui souriant légèrement.
« Tu mérites toute ma gratitude, Persée, et je connais une très bonne manière de l’exprimer... »
Elle l’embrassa encore, faisant signe des yeux à Sélène de se rapprocher, qui se glissa dans le dos de Persée, la caressant également.
« Tu es notre gloire, Persée, murmura Sélène dans son oreille, l’embrassant ensuite dans le cou. Notre gloire... »