Rinako avait l’air de tenir à voir sa mère... Il devait sûrement s’agir de ce prisonnier qu’Elaine avait du inspecter. Elle l’avait fait en compagnie de Nika et d’Angel, sous bonne garde, pendant qu’il était anesthésié. Pour quelle autre raison voulait-elle tant voir sa mère ? Elaine ne répondit pas, préférant ausculter Rinako. Comme toujours, son petit corps se remettait très bien. On pouvait la croire fragile, en raison de sa petite taille, de cette allure innocente et tendre sur son visage, mais Elaine savait à quoi s’en tenir. Rinako était très forte, et, d’un point de vue médical, elle était, comme on disait, apte au service actif. Elaine se redressa donc, cédant sous les insistances de Rinako, hochant la tête de haut en bas.
« Je vais aller la chercher, ne t’en fais pas. »
Au moment où elle allait y aller, Rinako lui fit une autre demande, sur un ton un peu plus silencieux, plus proche de la confidence :
« Elaine !... Dit aux autres que... que j'ai pas de père... J'en ais jamais eu et j'en aurai jamais. »
Ses sourcils se froncèrent légèrement devant cette demande. Elaine comprit toutefois que ce que ça voulait dire. Elle n’était pas encore totalement idiote, et hocha donc la tête, de haut en bas. Elle lui aurait bien ébouriffé les cheveux, parce que Rinako avait de très beaux cheveux, mais elle savait que la Celkhane n’aimait pas ça. Au lieu de ça, Red Armor se mit à sourire, un beau sourire, innocent, tout en lui faisant un bref clin d’œil. Elle se releva ensuite.
« Bon ! Restez là, vous deux ! Je vais aller chercher ma maman... Et tes nouveaux gants, Tifa. Ryouka a travaillé toute la nuit, il faudra que tu la remercies.
- Ne t’en fais pas, Lelaine... Je la remercierai. »
Elaine sembla satisfaite, et sortit de l’infirmerie, laissant ensemble les deux femmes, chacune boudant dans son coin. Un observateur externe aurait sans aucun doute trouvé la scène comique. Tifa observait ses doigts, silencieuse. Ryouka avait probablement encore accru leur résistance. Mais elle ne pouvait rien y faire. Tifa grandissait, et sa force devenait de plus en plus forte. Comme si elle avait deux marteaux-piqueurs dans les poings. Impossible de retenir une telle force... Elle avait déjà déchiré une vingtaine de gants, amenant à chaque fois Ryouka à bosser pendant des heures pour en fabriquer de nouveaux, à l’aide de la nanotechnologie novaquienne, la récompense faisant ensuite par de longues étreintes nocturnes, où Ryouka jouissait un peu partout sur, et dans, Tifa. Elle serra ses poings, ses jolis poings. Elle avait des doigts de fée, mais ils étaient meurtriers, pouvant réduire en charpie des maisons entières...
Tifa soupira, perdue dans ses pensées, quand la voix fluette de Rinako parvint à ses oreilles. Ce fut rapide, presque un murmure, mais suffisamment audible pour qu’elle l’entende :
« Pardon de t'avoir arrosée. »
Surprise, Tifa se retourna vers « Winnie » (une référence typiquement terrienne), ne s’attendant pas à la voir s’excuser... Certes, le ton n’y était pas, et ça semblait plutôt être une formule bancale plus qu’autre chose, mais, pour Tifa, c’était suffisant. Elle hésita un peu, comprenant très bien ce que Rinako ressentait. Tifa se redressa donc, serrant les poings, se rapprochant de Rinako, sans s’asseoir à côté d’elle.
« Je suis l’une des plus jeunes filles de l’organisation... Tu vas sans doute me prendre pour une râleuse, mais je sais ce que tu ressens. J’étais la ‘‘bleue’’, la gamine qui ne fait rien comme il faut, celle qui s’emporte toujours, incapable de suivre les ordres... Je suis du genre à m’emporter, et avoir deux marteaux-piqueurs, crois-moi, ça n’aide pas à se calmer. »
Tout en parlant, elle faisait quelques pas d’entraînement, d’abord avec ses pieds, fendant l’air avec sa jambe gauche, puis se mit en position de combat, tapant devant elle. Elle finit par se retourner, plantant ses poings sur ses hanches.
« Je te présente mes excuses si tu as cru que je te maternais, Rinako, ce n’était pas mon intention. Crois-moi, Nika m’a assez fait chier à me critiquer pour que je ne commette pas la même erreur. J’essayais simplement, de manière maladroite, de te dire que je ne t’en voulais pas de m’avoir laissé tomber comme une vieille chaussette. »
Elle se massa les cheveux, ne sachant pas trop comment poursuivre...
« Pour être honnête, si j’ai rejoint cette bande de tarées, c’était pour qu’on me forme, et que je puisse un jour me venger des salopards qui ont tué ma famille... Alors, tu as retrouvé le tien, tu lui as niqué sa sale gueule... Ça devrait te faire un poids en moins, non ? Quoique... À ta place, je ne sais pas que ce que je ferais... Mais peu importe... »
Elle secoua la tête, avant de lui sourire, révélant ses belles dents, et tendit sa main vers Rinako.
« On fait la paix ? »
À cet instant, la porte s’ouvrit, et Tifa sentit une présence chaleureuse et sereine entrer. Dans sa longue robe bleue, Isabelle Desforges était une créature incroyable. Tifa se sentait trembler à chaque fois qu’elle voyait ses yeux bleus, traduisant une sérénité incroyable, et une sorte de paix intérieure qui était surhumaine.
« Bonjour, Tifa, dit-elle d’une voix douce et à la fois imposante, avant de regarder Rinako. Bonjour, Rinako. Ma fille m’a dit que vous étiez réveillées, et que tu désirais me parler, Rinako. »
Isabelle resta face à elle, ses belles ailes blanches flottant au-dessus de son visage.
« Tu as toute mon attention. »
Par sa prestance, Tifa avait toujours trouvé Isabelle assez intimidante. Si Elaine était adorable dans sa manière d’être casse-pieds, elle, elle redonnait à la notion de sacrement toute son importance. Confesser ses fautes et ses erreurs devant Isabelle était une véritable confession, car on n’avait pas le sentiment d’avoir enfreint une norme, et on ne craignait pas une sanction, on craignait quelque chose de pire encore : avoir enfreint la confiance sans bornes qu’Isabelle portait à ses Héroïnes.