Dans l'agence résonnait le bruit de ma machine à écrire. Cela faisait longtemps que nous n'avions pas eu de nouveauté ni d'affaires intéressantes. Des petites disparitions, des cas d'adultères... même les Dopants n'étaient pas de sorties. Résultat, je m'occupai simple de la paperasse et des rapports des affaires à classer en retard. Je pris deux petites secondes pour reprendre mon souffle, regardant l'agence. L'entrée donnait sur un grand salon, avec l'accès au garage et à l'antre de Philip juste à gauche en entrant, juste avant le poste de radio et un billard, alors qu'à droite se trouvait le canapé où s'installaient les clients. En passant l'arche juste en face de l'entrée, on arrivait dans le bureau proprement parlé : une table, plusieurs armoires contenant des caisses concernant les affaires élucidées par l'agence et mon bureau au fond à droite. À gauche se trouvait mon lit et de quoi faire ma toilette le matin : j'étais habitué à dormir dans l'agence lorsqu'une affaire était plus compliquée, me demandant de rester tardivement. Au centre du grand bureau se trouvait une table haut avec deux chaises surélevées, et sur les meubles se trouvait tout ce qui pouvait rendre le lieu agréable : des plantes, des bibelots et surtout une cafetière.
Philip était installé dans le canapé à droite de l'entrée, lisant son Medium, un livre aux pages blanches lui permettant de lire les livres contenus dans la bibliothèque de la terre. Il devait sans doute lire un sujet sans intérêt, car bien qu'ayant en lui toute la connaissance de la terre, il ne savait pas tout par coeur. Donc durant son temps libre, il lisait des livres, au hasard. De mon côté, je continuai mes rapports, en soupirant, jusqu'à ce que j'en puisse plus. Je me levai en grommelant :
« Raaaaa, j'en ai assez ! Depuis maintenant trois jours, pas un client. Et les quelques clients qu'on a eus nous donnaient des contrats tellement inintéressants ! Comment tu veux que je me concentre lorsque tout autour de moi m'ennuie ! »
Philip m'observa faire les cent pas, tenant toujours son livre en main, avant de le fermer et de se redresse sur le canapé. Il me regardait avec un petit sourire, comme lorsqu'il découvrait quelque chose de nouveau et voulait me le faire partager :
« On a plein de moyens de s'occuper, tu sais, Shoutarou. »
Aussitôt, je compris où il voulait en venir. Je me tournai vers lui, incrédule, espérant me tromper, mais son petit sourire en disait long.
« On en a déjà parlé, Philip, et c'est non. Les relations avec les hommes ne m'intéressent pas. Franchement, c'est une idée fixe depuis que t'as découvert ce concept de bi-curious !
- Oh allez Shoutarou ! Je m'ennuie aussi, et ça nous ferait passer le temps ! On est déjà un même détective et un même Kamen Rider. Pourquoi ne pas faire un tout court ? »
Il parlait sérieusement en plus, légèrement, comme si c'était trivial. Il ne se rendait pas compte comme c'était embarrassant et à quel point cela ne m'intéressait pas. Je tournai les talons, rejoignant mon bureau, lui me suivant de près comme espérant une réponse positive. Je ne dis rien et m'asseyais dans ma chaise devant ma machine à écrire. Sous son regard insistant, je lui répondis :
« Écoute Philip, que les hommes t'intéressent, c'est ton problème. Que tu te demandes ce que ça fait d'être pénétré, c'est aussi le tien. Ne me mêle pas à ce genre d'histoire, je ne tiens pas à connaître les sensations de l'orgasme prostatique...
- Extraprostatique, Shoutarou. Et tu rates quelque chose, je te le dis : il paraît que c'est l'orgasme le plus fort qu'un homme puisse connaître.
- Oui, sauf que ça implique toujours de me faire enfoncer un truc dans le rectum. Et ça, non ! »
Je soupirais, mettant fin à la discussion. Prenant une des chaises devant le bureau, Philip s'installa près de moi et reprit sa lecture. Je me frottai les yeux et repris de tape sur le petit clavier en métal. Tout ce que je souhaitai, c'est que quelque chose d'intéressant arrive cet après-midi, au risque de me voir péter les plombs à force de rester inactif.