La mission ne présentait en soi aucune difficulté particulière, et était même plutôt simple à comprendre. Un puissant seigneur avait perdu sa femme, une jeune femme éplorée. Il avait essayé de consommer le mariage, et elle avait fait preuve d’une étonnante résistance, et avait fui dans la forêt. Il voulait la retrouver, et avait de l’or, suffisamment pour mettre rapidement sa tête à prix. Mille pièces d’ors. Mille pièces d’ors pour la petite Adelyn Crawford. Cahir ignorait ce qui s’était passé, mais il se doutait qu’elle avait du faire plus que de repousser la queue de ce vieux pervers pour mériter une telle somme... Ou alors, il était follement amoureux, mais, vu la manière dont on avait demandé de la récupérer, Cahir pensait qu’il voulait plutôt se défoncer sur elle.
Elle était partie il y a une ou deux heures, ce qui lui conférait une légère avance, mais, concrètement, la chance serait presque le seul moyen qu’il avait de la retrouver. Quand le nouvelle était tombée, Cahir était dans la salle principale du donjon, le banquet. Il avait rejoint les troupes de Grandchester afin de se faire un peu d’or. Officiellement, ce n’était pas un soldat, car il ne faisait pas partie des troupes régulières, mais de mercenaires. Grandchester avait dans la région plusieurs problèmes. Des meutes de loups avaient envahi cette profonde forêt, ainsi que des bandits, qui s’attaquaient aux caravanes marchandes, aux messagers, ou détroussaient des fermiers. Grandchester ne pouvait pas laisser cette situation perdurer, et Cahir avait donc été embauché. Hier, il avait fait partie d’une troupe essayant de débusquer le repaire principal des bandits, mais ils n’avaient rien trouvé, à part quelques prédateurs dangereux. Or, si Grandchester leur offrait le souper, il ne les payait que si on tuait des bandits. Cahir avait de plus en plus besoin d’argent. Il n’avait aucune envie de rester dans la région. Elle était, certes belle et magnifique, mais il ne se sentait pas chez lui, ici.
Ceci dit, il ne se sentait chez lui nulle part, en réalité, vu qu’il n’avait pas le droit de retourner là où il avait grandi, et voué sa vie. Mais ça ne l’empêchait pas d’avoir besoin d’argent.
L’un de ses principaux rivaux était un chevalier itinérant très présomptueux, qui portait, à juste titre, le nom de
Narcisse. Beau et fier, Narcisse était un guerrier maniant habilement l’épée, et qui n’aimait pas Cahir. Il n’y avait pas qu’eux deux qui s’enfonçaient dans la forêt, bien sûr, mais Cahir se méfiait de lui.
Il était très probable que la jeune noble soit morte. La forêt n’avait rien d’angélique, surtout la nuit, où les fauves sortaient. Les loups étaient à l’affût, les brigands se rapprochaient des villes afin de chercher des ivrognes à détrousser, organisaient des cambriolages, et les prédateurs naturels sortaient. Ils rôdaient dans la nuit, et n’effrayaient pas Cahir. Il avait laissé son cheval dans les écuries du fort, et cherchait à se mettre dans la tête d’une femme effrayée fuyant son mari. Où irait-elle ? Elle ne suivrait certainement pas les routes, mais il la voyait mal filer directement le long des arbres et des buissons. Il suivait donc un sentier étroit et escarpé, attentif au moindre bruit susceptible de trahir une présence hostile, comme le craquement d’une branche d’arbre.
*
Tiens, tiens...*
Contre les racines d’un arbre, il vit une sorte de morceau de tissu blanc. L’apatride fléchit les genoux, et attrapa le morceau de tissu. C’était un tissu doux et soyeux. Quelque chose de féminin. Il aurait presque pu sentir l’odeur de cette femme. Il n’avait jamais vu, personnellement, Adelyn Crawford, mais on s’accordait à dire qu’elle était d’une grande beauté. Une chose qu’il aurait sûrement l’occasion de voir d’ici peu. Cahir reprit sa marche, un peu plus rapidement. Elle était passée par là.
La forêt se ressemblait terriblement. Tous les arbres semblaient se confondre, et, avec les feuillages, il était difficile de se repérer à travers la position des étoiles. Cahir se fiait plus à son instinct qu’autre chose, luttant contre une paranoïa grossissante qui était en train de monter en lui, le faisant imaginer des formes silencieuses et menaçantes partout. Il luttait contre cette angoisse primitive, se concentrant sur sa piste, et continua à avancer. Il aperçut un ruisseau avec des rapides, et le remonta vers la cascade. La zone était un peu plus dégagée, les étoiles éclairant cette partie de la région. Il put ainsi voir une série de rochers au loin, avec la cascade, et se rapprocha lentement.
Le guerrier entendit alors un hurlement féminin suraigu, émanant des rochers, et se dépêcha d’y aller. Il y avait de nombreux buissons, et il entendit également des voix masculines menaçantes.
«
La ferme, salope ! »
Cahir s’avança le long d’une pente descendante, pénétrant dans la grotte, et arriva rapidement dans une sorte de grande pièce. Un feu de camp éclairait la pièce, et il vit trois bandits, des marchandises, et, au milieu d’eux, une femme terrorisée, avec une belle robe blanche en lambeaux, de beaux cheveux bouclés. Un air de terreur lui déformait le visage, mais, même malgré ça, on pouvait deviner sa grande beauté. Une femme terriblement belle, qui fit déglutir Cahir.
*
Ça y est, je l’ai trouvé...*
L’apatride se rapprocha prudemment. L’un des hommes prit la femme par les cheveux, la forçant à se mettre à quatre pattes. L’un des trois avait son sexe fièrement brandi, et se rapprocha de la femme, dans son dos. Il n’avait probablement qu’une seule envie : glisser son membre turgescent dans son corps. Cahir se dissimulait entre plusieurs stalagmites, se rapprochant, la main sur la garde de son épée. L’un des hommes souleva la robe de la femme, permettant de voir ses sous-vêtements, et donna une grosse claque sur ses fesses. Ils rirent bruyamment, et Cahir s’avança lentement, se rapprochant toujours un peu plus.
«
Putain, les gars, pensez à tout ce fric qu’on va se faire quand on revendra son cul de salope au bordel ! »
Cahir ne comptait pas les laisser violer cette femme sans réagir. Il dégaina lentement son épée, une lame tranchante en verredragon, l’un des aciers terrans les plus tranchants qui soit. Il avait pour lui l’effet de surprise, et les gourdes près du feu de camp permettaient de voir que ces hommes étaient fortement alcoolisés. L’apatride s’élança d’un coup, et l’un des trois hommes, celui qui le vit en premier, écarquilla les yeux. La lame se mit à siffler, froide et mortelle, et atteignit l’homme à la gorge, dessinant une profonde ligne rouge en diagonale. L’homme poussa un bref hurlement, et s’effondra mollement sur le sol, sa gorge se mettant à lâcher des giclées de sang partout.
Sans tenir compte des remarques des bandits, Cahir fit tournoyer sa lame, et atteignit un autre bandit au ventre, qui poussa un hurlement. La lame s’enfonça de plusieurs centimètres dans son corps, déchirant ses vêtements sans difficulté. Ils n’avaient aucune armure. Il ne restait plus que l’homme avec le sexe qui pointait fièrement. Il recula, heurta une faille dans le sol, et tomba par terre. Cahir fit à nouveau tournoyer sa lame, et l’abattit en plein sur son ventre. L’homme se crispa, tout son corps semblant se tendre. Sa tête se souleva, décollant du sol, il vomit du sang, en tendant ses mains moites et tremblantes vers la lame... Avant de lentement mourir.
Cahir retira sa lame, puis regarda la femme, et la rangea.
«
Ne craignez rien, ils ne vous nuiront plus, gente dame. »