Un sort qui avait foiré. Encore un.
Shahin, pourtant très correct magicien, peinait la plupart du temps à user des sorts de changeforme. Sa transformation en humain était très partielle (sans pour autant semble suspecte aux terriens lorsqu'il se rendait dans leur monde) et ses transformations animales étaient généralement de cuisants échecs aux retombées plus ou moins minables. Et cette fois encore, ça n'avait pas manqué ! Le matou mal léché, qui était bien décidé à se transformer totalement en tigre à volonté, était parvenu à mettre la main sur un sort de haute volée qu'il avait prit le temps nécessaire d'étudier et de tester avant de finalement se lancer. Et ça avait fonctionné ! Toute sa puissance magique y était passée, le terranide avait été vidé de ses forces physiques et psychiques mais était devenu un tigre à part entière. Une bête sublime et massive, aux muscles puissant roulant sous un pelage soyeux. Son appendice caudal était toujours là, tout comme sa capacité de réflexion.
Seulement voilà, comme toujours, il y avait eu une couille dans le pâté, un poil pubien dans la soupe.
Complètement à plat après son exploit, le matou avait commencé par devoir récupérer ses forces physiques et s'était fait bêtement capturer par des braconniers, qui parvinrent à le revendre à prix d'or à une riche famille. Ne pouvant pas se défendre le faible Shahin s'était plutôt décidé à jouer le jeu et s'improvisa tigre dressé de compagnie pour le plus grand bonheur de ses maîtres. Le terranide n'appréciait pas sa situation, mais y trouva rapidement des avantages : la bouffe était bonne et en quantité, le traitement plus que royal et son coin (tout une pièce aménagée pour lui seul !) était un véritable palace comparé à tout ce qu'il avait pu connaître jusque là. Tout semblait rouler, si il n'y avait pas eu cette môme, cette foutue pleurnicheuse.
Car Shahin, en réalité, appartenait à l'enfant du couple. Une gamine mignonne mais agaçante, qui avait tendance à penser que le prédateur féroce à qui elle racontait sa triste vie de pauvre petite fille riche n'était rien de plus qu'une peluche vivante. Sha' -qu'elle avait renommé Chaminou, cette gourde- faisait contre mauvaise fortune bon coeur et se laissait papouiller sans conviction, se promenait à ses côtés lorsqu'elle le désirait et venait de temps en temps réclamer un peu d'attention, histoire de faire illusion.
Et parce qu'elle avait tendance à le grattouiller longuement derrière les oreilles, ce qui le rendait dingue et ronronnant comme un gros moteur.
De temps à autres, il la reniflait. C'était dans sa nature, après tout ! Et Héléna sentait bon, assurément. C'était une demoiselle propre et coquette, mais il y avait autre chose. Quelque chose qui plaisait à Sha' sans qu'il parvienne à trop savoir pourquoi. Alors il s'était décidé : dès la prochaine fois qu'elle l'appelerait, il percerait à jour le mystère de cette effluve entêtante qui le ravissait.
Elle sonna quand il était parvenu à s'endormir. Un peu grognon, le gros chat ne bougea pas tout de suite, avant de se décider à la rejoindre. Son corps massif et musculeux passa la trappe qui séparait sa pièce de la chambre de sa maîtresse et, de son pas félin, il se dirigea vers le lit ou elle l'attendait dans une délicieuse petite nuisette. La gamine n'était pas encore une femme à proprement parler, mais son corps avait tout à fait de quoi plaire au mâle qu'était le matou. Docile, il se rapprocha d'elle et posa d'abord sa grosse tête sur les cuisses d'Héléna qu'il avait fixé un temps comme un gros quartier de viande fraîche. Posé là sur son séant et la gueule contre la peau douce des jambes de l'humaine, Sha avait réclamé ses papouilles en quelques mouvements de tête un peu impérieux, avant de ronronner à sa façon. Qu'elle s'amuse avec lui, la bête en avait pour l'heure l'envie.
Et l'odeur, la si bonne mais diffuse odeur, lui chatouilla les naseaux. Elle était si proche de lui ! Il devait en avoir le coeur net. Alors, tout à fait instinctivement, l'animal suivi son odorat et fit filer sa gueule vers la source, qui se trouva être l'entrecuisse de la jolie princesse. C'était là, oui ! C'était là que ça sentait si bon ! Son souffle chaud inspirait généreusement puis se relâchait sur le paradis précieux de l'humaine, sollicitant ses chairs.
Shahin s'étonna lui-même de ne pas avoir compris avant ce qui avait ce délicieux fumet. Héléna, tout simplement... Était vierge. Et comme toutes les filles dans ce cas, elle dégageait "quelque chose" de particulier à l'odeur. Quelque chose qui poussa Shahin, mu par des instincts primaires dus à sa transformation devenue longue, à donner un coup de son épaisse langue râpeuse. Un peu comme une caresse, en vérité.
Mais assez appuyée pour qu'elle ne passe nullement inaperçue, ni ne soit cataloguée comme anodine.