Notice Titrale : Le titre est une référence aux oeuvres de Goethe et Schubert "Der Erlkönig", soit "Le Roi des Aulnes" (Ou roi des Elfes selon une étymologie discutée). L'Erlkönig est un personnage folklorique germanique et surtout scandinave. Lui (ou sa fille, selon les versions) est une version boisée de la sirène : Il attire par ses mots doux, sa voix enjôleuse et ses promesses, avant de tuer violemment.
Le Erlkönig est un personnage que le grand Goethe a placé dans l'un de ses poèmes, qui fut adapté en Lied par Schubert (Un Lied (signifiant "chant" en teuton) étant l'ancêtre de la chanson moderne : Formation musicale d'une voix à cinq, très peu d'instrument, et une chanson de 3 à 10 minutes alternant strophe et refrain. Schubert et Strauss excellaient dans l'art d'écrire des Lieder.). Dans ce Lied, donc, un père chevauche avec son enfant, celui-ci commençant à céder à une maladie. Plus il se sent mal, plus il voit le Erlkönig, qui semble n'être qu'une hallucination due à son mal.
"So Brauch' Ich Gewalt !" signifie "Je vais devoir être violent !" C'est la dernière parole du Erlkönig, après avoir passé toute la chanson à chercher à le charmer, il fini en le menaçant, avec un crescendo "Si tu n'es pas consentant... Alors, je vais devoir être violent !". C'est l'aboutissement de l'Erlkönig, après avoir laissé pensé qu'il était un type super sympa, referme son piège sur lui.
Le gosse meurt dans les bras de son père en arrivant au village, alors même que son père refusait d'entendre ses suppliques.
-Répertoriez tout. Ne laissez rien.Siegfried poussait violemment une table sur son chemin, renversant sans vergogne les documents qui s'y trouvaient. Ses soldats investissaient le lieu comme un cancer rongeait un corps. C'était un capharnaüm monstrueux. A l'annonce de l'arrivée des SS, les bibliothécaires et les lecteurs s'étaient vus donner l'ordre de déguerpir du lieu, d'où la désorganisation manifeste de tout les ouvrages, abandonnés sur les plans de travail, en vrac, avec des tas de blocs-notes, de feuilles volantes, et de livres plus ou moins anciens, avec du matériel de lecture et quelques lampes douces.
Le nazi s'arrête devant un bureau où trônaient trois volumes d'un manifeste d'agriculture et de pêche, dont l'un était ouvert sur une page légèrement illustrée. Siegfried se penche dessus, tentant de lire l'écriture fine et effacée, lorsque survient un vieil homme en complet brun, lui ôtant la main de la page.
-Ce livre a 800 ans ! Et que font vos hommes !?Du danois. La pratique du norvégien et du suédois de Siegfried lui serviront pour pratiquer ce langage dont il n'a que quelques bases. Loin de relever l'affront consistant à le toucher, le baron répond sans se démonter.
-Ordre du Reich. Tous les livres sont à nous désormais. Requisition. (C'est de l'allemand, oui oui.)Le papier tendu par le nazi est attrapé par le gestionnaire, qui prend un air outré.
-Mais... C'est en allemand !
-Considérez-vous en Allemagne désormais. Willkommen, Herr Thorning. Vous feriez bien d'apprendre ma noble langue au plus tôt. Erik !Un soldat lève la tête, redresse son calot, et accourt vers son supérieur comme un clébard qu'on aurait sifflé.
-Traduis pour le monsieur. Mes félicitations : Le Reich a besoin de vous. Tous ces livres vont être enregistrés et certains iront tout droit dans nos archives. Et votre travail, c'est de rendre la tâche plus facile. Je compte sur vous et vos employés pour aider ma troupe. Rajoute que je ne suis pas du genre à économiser mes balles parce que je suis dans une bibliothèque : Les réfractaires seront fusillés sur l'instant. Il lui tapote sur l'épaule et s'éloigne tandis que l'autre fini de transmettre l'invective dans la langue du vieux bibliothécaire.
-Alors ?
-C'est une mine d'or, Hauptsturmführer. C'est exactement ce que le Reichsministerium nous demande.
-Servez-vous alors. Les bateaux partent demain pour Kiel. Chargez-les au maximum, ils s'occuperont de tout trier à Berlin.L'ancien en costume revient vers Siegfried, pensant avoir un responsable avec lequel il peut parlementer, sans se rendre compte qu'il est l'archétype du soldat qui obéit aux ordres d'en-haut.
-Monsieur... Vous ne pouvez pas faire ça ! Ces livres sont la propriété de l'Etat Danois ! Ils sont notre patrimoine !Siegfried n'a jamais été très Lüger
©, contrairement au stéréotype du soldat allemand basique. Depuis son incorporation, il se reconnaît plus dans la fiabilité et la robustesse du Walther
©.
… dont le canon échoue sur la tempe du bibliothécaire, après que celui-ci ait été saisi par le col, et la face écrasée contre son bureau.
-Erik, dis au monsieur que c'est mon seul avertissement, et que cela vaut pour lui et tout ceux dont il a la charge. Rajoute qu'en jouant les héros, ils se mettent en danger eux, mais aussi leurs précieux livres, leur patrie, et, bien entendu... leur famille. Et rajoute aussi que je suis quelqu'un avec bien peu de patience.Silence mortel après que le soldat eut fini de déclamer son texte en danois, un bref sourire aux lèvres, amusé du sadisme de son supérieur, dont les habitudes commencent à être coutumières pour toute la troupe.
-... Verstanden ?
-Ja... Ja.
-Mes amis, il se met à parler allemand ! Comme quoi, avec une arme, on fini toujours par obtenir du résultat.Il lâche la flanelle douce qu'il tient entre ses doigts, et, la chemise libre, le documentaliste peut se redresser, visiblement paniqué. Siegfried lui assène un coup de crosse à la joue, l'envoyant valser sur quelques mètres avant de misérablement s'écrouler sur une table, emportant avec lui ses inestimables pièces de collection octocentenaires de chasse et de pêche.
-Pardon, mais je déteste sortir mon Walther© pour rien.La bête est rangée, et Siegfried s'éloigne vers l'extérieur. Une petite cigarette est de rigueur.
ᛋᛋ
Entrez, entrez, allez-y... Le professeur était là bien avant eux. Pour une fois, il faisait son cours dans un amphithéâtre plutôt qu'en classe. 30 élèves, à qui il demandait de s'installer aux deux premiers rangs, juste devant le tableau. Sur son bureau, très large, étaient disposés plusieurs livres d'un autre âge. Archaïsme fascinant. Ces grimoires, extraits d'archives séculaires, millénaires parfois, sentaient bon la poussière et l'âge. Par les pages jaunies, usées, aux bords élimés, c'est toute l'histoire du monde qu'on effleurait. Les couvertures étaient parfois complètement détachées. Pour éprouver la sagesse de ses pages, il suffisait de connaître leurs petites sensibilités : un air de mauvaise qualité, une lumière trop puissante, ou simplement, le toucher de la peau, impure, dont les pores dégagent une toxicité nocive à ces parchemins témoins de la mémoire du temps.
D'où les précautions prises par le nazi : L'intensité des néons a été baissée, comme pour la projection d'un film, et, détail amusant supplémentaire, il porte des gants en fin coton blanc, qui font franchement tâche avec le costume-cravate hyper classe.
Siegfried ferme la porte derrière eux, puis descend les escaliers pour aller s'installer. Une classe qu'il appréciait généralement. Calme et sérieuse. En tant que professeur de Droit (entre autres matières qu'il enseigne dans l'établissement), il appréciait particulièrement la discipline et l'ordre. En tant que SS, aussi, remarquez.
Bonjour à tous. Aujourd'hui... Je vais profiter que l'on soit en avance sur votre programme pour vous faire un petit cours qui n'est pas développé dans vos livres. Je suis un immigré, vous savez tous que je ne suis pas né ici. Et je souhaite à beaucoup d'entre vous de pouvoir vous expatrier, temporairement ou définitivement. Le problème, c'est qu'en étudiant votre pays, beaucoup en viennent à oublier que le monde ne fonctionne pas pareil que vous. Aussi, je vous ferais aujourd'hui un cours sur les différents systèmes de droit généralement considérés comme mineurs, ce qui est une aberration. Certains ont amenés des amis avec eux. À ce qu'il parait, un cours avec Siegfried est toujours intéressant, mais quand il demande à une classe de venir spécialement en Amphi, c'est qu'il a quelque chose de spécial à montrer. C'est presque une attraction. Un petit groupe de 3 apparaît même au sommet de l'immense salle pour s'installer en haut, mais le professeur leur fait signe de descendre et de s'installer au niveau de sa classe. Ils s'exécutent. Par rapport aux autres profs psychorigides, l'européen à l'accent teuton fait figure de légende de l'université.
À l'image du droit asiatique, notamment le droit japonais, le système de droit romano-germanique a pondu nombre d'enfants bâtards. Un peu comme un conquérant coureur de jupon. Beaucoup de pays étaient fascinés par l'Europe et, comme l'a fait votre pays au sortir de l'ère Meiji, des nations en ont fait appel aux juristes occidentaux pour codifier leur droit, ce qui nous mène à une sorte de monstre hybride entre un droit coutumier local et un droit écrit romain. C'est ainsi qu'ont procédé les scandinaves. D'où les ouvrages que j'ai amené. Il ouvre un à un les livres étalés sur la table, précautionneusement, découvrant une langue que beaucoup ne connaissent pas ici. Des... Runes ? Ha. Faites comprendre à des japonais les origines de l'Allemagne, des invasions barbares, des frontières permanentes entre les peuplades romaines et les teutonnes à l'intérieur même d'un continent qui semble pourtant homogène d'un œil externe.
Un texte était même écrit à la fois en futhark et en latin. On remerciera certains traducteurs du bas-moyen-âge.
Ces ouvrages ont une grande valeur historique, aussi, ne les abîmez pas. Vous pouvez vous approcher. Cette page, par exemple, est une recopie du XIIIeme siècle d'un texte plus vieux qui a été perdu désormais. Il relate le règne de Harald du Danemark, de son fils Sven, et de leurs conquêtes. Il faut savoir que chez les vikings, les lois sur la conquête et la propriété étaient très strictes. Pour faire simple, dans les familles seigneuriales, l'aîné héritait des terres, et tous les fils suivants ne possédaient rien. On leur donnait un bateau, une armée, et allez conquérir ! Le règne d'Harald a été marquée par plusieurs guerres, la conversion de son royaume au christianisme et, bien évidemment, des modifications territoriales importantes. Je vous laisse tenter de déchiffrer l'écriture, pour ceux qui y reconnaîtrait quelques mots en fonction de l'écriture latine à côté... Il s'écarte tandis que certains se rapprochent. C'est un cours de droit ou un prétexte pour faire passer un moment sympa à ses élèves ? Parler de Scandinavie, pourquoi pas, s'était-il dit. Il a dû batailler avec les responsables municipaux pour obtenir la faveur de pouvoir sortir ces livres. Il a dû négocier avec certains, faire pression sur d'autres. Il fait même chanter un membre du conseil de la ville. Chacun son truc.
Bref sourire en voyant les étudiants essayer d'assimiler les runes. Ses yeux se froncent. Une chevelure... pas noire du tout. Une face singulière, qu'il n'avait jamais vu. Un physique entièrement particulier. Beauté froide et pure. Il en est soudain gelé de l'intérieur, la fixant bêtement. Un élève lui pose une question, et il n'entend pas. Siegfried, surhomme, mythe du Reich, vient de prendre une claque.