(N.B : Je refais un topic pour refaire la fiche parce que de grandes modifications sont faites, et donc je demande une nouvelle validation.
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Quelle journée de merde...
Une cigarette vissée sur les lèvres, il regardait en bas. Assis sur le petit bout de corniche qui le séparait d'un bâtiment qui était en train de brûler. Les flammes se reflétaient dans ses yeux, comme une image de la culpabilité qu'il devrait avoir. Quelle culpabilité ? Celle d'avoir fait brûler ce bâtiment. L'auteur de ce crime, le pyromane dont personne ne comprenait les motifs, c'était lui. Celui que l'on nommait Oreza Elda, un simple humain de vingt-trois ans qui avait déjà brûlé plus important que ce petit bâtiment. Un homme qui ressemblait à un gamin, ce qui l'arrangeait bien au final.
Il se leva.
Il partit.
Il a un rituel depuis des années : retourner sur les lieux de son premier incendie important. Du moins celui dont il se souvient. Ce lieu, qui fût reconstruit par la suite sous la forme d'un immeuble titanesque, il s'agit de son ancienne demeure. La maison de ceux qui avaient été ses parents. Il touche la paroi de l'immeuble, sans plus d'émotion. C'est un rituel, pas une commémoration. Il ne se souvient plus pourquoi il avait foutu le feu à sa propre baraque : il se souvient juste de son absence totale de compassion ou d'autre quelconque émotion lorsqu'il avait entendu ses parents et sa petite sœur hurler dans les flammes, alors que lui s'en allait. Il ferme les yeux, hausse les épaules et s'en va.
Il n'avait plus vraiment de but.
Une vitre lui laisse apercevoir son reflet. Son reflet si juvénile, qui lui semblait être figé dans le temps depuis qu'il avait brûlé toute sa famille vive. Non, décidément, rien n'avait changé. Ses yeux d'un bleu profond n'avaient pas perdu de leur absence totale d'éclat, ses cheveux d'un bleu naturel n'avaient eux non plus jamais changé. Ils avaient un peu poussé, mais il s'en occupait avec son cher couteau. Sa peau était toujours aussi pâle, elle aussi. Une seule chose avait changé chez lui : ses avant-bras étaient noircis et tuméfiés. Il pouvait toujours les bouger normalement, mais ils étaient brûlés. Discrètement, il souleva le bas de sa chemise. Sa musculature s'était plutôt bien développée, à force de vivre dans la rue et de courir. Plus vite que n'importe qui un tant soit peu normal, d'ailleurs. Il vivait sa vie, en sorte.
Vivre, c'est un bien grand mot pour lui. Il ne vit pas vraiment en réalité, il survit.
Les jours paisibles sont finis : survivons.
C'est ce qu'il avait dit à sa petite amie en lui tendant la main, c'est cette main qu'elle avait repoussé en reculant, puis en courant. Lorsqu'il y repensait, il se disait qu'il avait eu de la chance. Elle ne l'avait pas dénoncé ce jour-là. Elle était juste partie, elle avait disparu de sa vie. Elle ne pouvait pas supporter le fait d'être en couple avec un pyromane qui venait de tuer toute sa famille, sans doute. Seul, donc. Il s'était retrouvé tout seul dans la rue, à devoir survivre comme il pouvait. Il n'avait heureusement pas trop de mal à rester en vie grâce à ses talents naturels. Ce qu'ils semblaient appeler son "charisme naturel" et ce qu'il considérait comme son arme principale afin de survivre.
Il en était peu de cette qualité, il faut le dire.
Car il n'est pas qu'un pyromane sans émotions ni regrets. Loin de là même l'idée qu'il soit un grand criminel comme on les connaît, destinés à la tentative de destruction du monde. Non, ce jeune homme est d'un naturel extrêmement gentil, à la limite de la naïveté même. Très attachant et attaché, il ne conçoit personne réellement comme une menace. Il veut le bien de tout le monde, et la seule manière qu'il a trouvé pour l'obtenir est de combattre le feu par le feu. Galant et aimant, il est l'un des derniers gentlemen de cette génération au sort moral si triste. Il sait se montrer docile comme cassant, et il a su faire regretter à certaines personnes d'avoir fait pleurer une femme. Il a juste une deuxième maîtresse de sa vie, en dehors de la femme elle-même. La flamme et son corps ardent, qui l'hypnotise et l'appelle. Il la côtoie et l'amadoue, tout en continuant de se chercher.
Depuis si longtemps qu'il essaie de se trouver.
L'amnésie l'a frappé. Un jour, comme ça, le sieur Oubli est apparu devant l'abri de fortune du sans-abri qui vivait maintenant de son charme. Il le prit dans ses bras, et le jeune homme en oublia jusqu'à son nom. Il avait commencé à remettre les pièces du puzzle en place : retrouver son passé, étape par étape. Il arrivait à tout retrouver. L'incendie de la maison de ses parents, le rejet de sa petite amie, son baptême du feu dans une maison de passes clandestines, sa demande d'emploi dans cette même maison de passes. Tout sauf une chose. Peu importe comment il tentait de s'en rappeler, il ne pouvait voir que des lèvres bouger. Il ne pouvait entendre qu'un doux murmure.
Encore aujourd'hui, il n'arrive pas à se souvenir de son nom. Sur les lèvres des fantômes de ses souvenirs, il ne savait pas lire. Il n'arrivait pas à entendre les voix si calmes qui prononçaient son nom avec un sourire. Il avait une vague idée de ce qui s'y disait, mais sans plus. Abel ? Non, pas Abel. Elda ? Sans doute Elda, oui. Oreza Elda. Voilà qui devrait être son nom. Il ne savait pas quand est-ce qu'une autre crise d'amnésie allait le reprendre. Il alla donc se faire faire des papiers à son nom. Sans-abri, sans-papiers, mais natif tout de même. Il eut le droit à sa carte d'identité. C'est ce qui explique son dernier trajet.
Les mains dans les poches, il traverse la foule. Il ne regarde pas les visages, non. Il regarde légèrement à côté, au niveau de l'épaule droite. Il ne veut pas voir ce qui ne doit pas apparaître. C'est devenu son devoir, mais il ne veut pas. Il préfère repenser vaguement au passé. Il avait brûlé, tué, trouvé, abandonné. Comme ces deux épées, qu'il avait utilisé auparavant. Il avait tué. Il avait pillé les corps. Au final, il avait reposé les épées où il les avait trouvées, au fond d'un puits. Rien de tout cela ne lui importait. Il avait appris le maniement de l'épée, mais il ne voulait plus tuer par nécessité.
Il avait croisé une drôle d'héroïne aussi. Dans le genre super-héroïne, avec le costume moulant. Pour le peu qu'il s'en rappelle, elle s'appelait Huntress. Chacun avait trouvé son bonheur dans cette rencontre : lui avait rasé un entrepôt entier d'armes, et elle avait réglé ses comptes personnels avec le propriétaire de la chose. Leurs chemins s'étaient séparés après une brève engueulade, et ils ne s'étaient plus jamais revus. Un souvenir douloureux à Oreza : il ne veut pas se souvenir de sa bravoure inutile et immature qui avait créé une discorde entre eux. Elle était là pour une affaire sérieuse, et lui avait tué pour rien.
Peu après ce petit incident, il avait trouvé comment refaire sa vie. Il avait enfin collecté assez d'argent. Une petite chambre d'appartement modeste à deux pas du quartier de la Toussaint, soit. Mais cela restait une demeure pour lui. Après sept ans d'errance, il avait enfin un toit sous lequel s'abriter. Il était resté trois jours ainsi, sans aucun meuble, dans sa chambre vide. Allongé à même le sol, les bras croisés derrière la tête. Il lui fallait le temps de réaliser que sa période de sans-abri était terminée. Il avait trouvé le courage de se lever uniquement en regardant l'argent restant après l'achat de la chambre.
Bien assez pour aller fêter ça en allant boire un coup.
Il tourne à droite. L'appartement en question n'est plus qu'à quelques mètres. Un petit regard à gauche, vers le bar où il avait fêté son arrivée dans un milieu fixe et sûr. Ce bar où avait commencé sa nouvelle vie. Ce bar miteux, où il avait été traîné de force dans l'arrière-salle. Un homme étrange le regardait, un homme qui ressemblait quelque peu à l'ex-SDF. Il se souvenait encore de la discussion qu'il avait eu avec. En particulier les paroles qui avaient laissé le pyromane sans voix.
Toi, né de la chair humaine... L'homme est maintenant une race de pouvoir.
Toi, fils d'homme, tu dois faire face au pouvoir que tu détiens. Et tu dois faire face à ta destinée également...
Bien que tes jours soient paisibles, l'inévitable jour se rapproche.
Je suis ton jugement.
J'ai séparé la langue de tes pères et brisé leur pouvoir arrogant. Tant que le Seigneur ne vit pas en toi, toute créature vivante porte les ténèbres en son coeur.
Si tu souhaites réellement devenir toi-même, alors soulève-toi et combats tes ténèbres internes... le démon en toi.
Si tu as la volonté de défier ta destinée de combat, fils d'homme, prononce ton nom...
Il s'était assis face à cet homme, et l'avait regardé droit dans les yeux. Une goutte de sueur avait perlé à sa tempe, alors que sa bouche s'ouvrait et se refermait. Il avait prononcé son nom, d'une voix claire et déterminée. Il ne savait pas trop vers quoi il s'avançait, mais il s'agissait d'agir pour le bien de tous ici. Très clairement. Alors il devait le faire, peu importe ce qu'il devait se passer. Une balle, dans un barillet. Un tour du barillet. La crosse qui lui faisait face. Le défi était assez clair pour le pyromane : roulette russe.
Sans réfléchir, il avait placé le canon contre sa tempe et appuyé sur la gâchette. Un petit clic avait retenti, et il avait posé le six-coups sur la table. L'homme en face de lui semblait quelque peu estomaqué par l'aisance avec laquelle le jeune homme avait appuyé sur la gâchette en sachant ce qui l'attendait. Puis il se leva, et posa sa main gauche sur l'épaule droite du pyromane. Celui-ci n'osait pas bouger, il attendait. Il sentit quelque chose changer en lui, et un chiffre apparut à côté de l'épaule de l'homme. Un zéro rouge qui flottait et grésillait. Une dernière fois, la voix de l'homme résonna dans l'arrière-salle.
Tel qu'Il le proclama... ce monde, créé en sept jours, sera détruit sous le son de sept cors.
Toi qui as une volonté, crains les nombres que tes yeux verront.
Crains le temps restant...
Le zéro brûla, l'homme s'effondra. Il était tombé raide mort. En y repensant, le pyromane a un petit frisson de dégoût. Il avait tué, mais jamais personne n'était mort devant lui sans que ce soit de sa faute. Il avait appris bien vite à connaître ces numéros qui apparaissaient chez certaines personnes. Il y en a sept en tout, de six à zéro. Ils représentent le nombre de jours restants à vivre pour une personne lorsque son espérance de vie passe sous la barre de la semaine. Cependant, il l'apprit bien assez tôt, un destin peut être changé. Sa mission était maintenant de sauver des vies.
Il doit changer le destin.
Une plainte bruyante. Un cri d'enfant qui résonne jusqu'aux oreilles du jeune homme aux cheveux bleus, qui regarde devant lui. Une petite fille est agenouillée dans la rue, en pleurant devant un objet. Il se rapproche, en examinant l'objet. Une sucette cassée. Avec un sourire, il s'approche de l'enfant en fouillant dans ses poches. Il tapote l'épaule de la fillette, qui lève ses yeux emplis de larmes vers le pyromane. Avec un sourire, celui-ci lui tend une autre sucette, qu'elle prend aussitôt malgré toute recommandation de ses parents. Oreza, lui, continue à marcher en direction de chez lui. Une voix retentit derrière lui, joviale.
- Merci, monsieur, euh...Petit rire du pyromane. Il ne se retourne pas, il tourne juste la tête vers la jeune fille, avec un sourire radieux.
- De rien. Tu peux m'appeler Oreza. J'habite à la chambre 203, passe un coup d'interphone si tu as envie de parler un jour. Ou même pour ravoir un bonbon ou quelque chose du genre.Il continue son chemin, vers sa chambre. Il vit une existence de justicier dans l'ombre, en sorte. Qu'à cela ne tienne : depuis toujours, il a souhaité être un héros. Il n'est jamais trop tard pour en devenir un.