Il reposa le peigne, et sourit à son propre reflet, vérifiant que sa dentition était aussi impeccable que d'habitude. Il y aurait combien de spectateurs? Deux-cent, trois-cent mille? Dans ces eaux-là, oui. Il réajustait le col de sa chemise blanche, mais ne la déboutonna pas, la laissant ouverte sur ses pectoraux saillants et ses abdominaux prononcés, pour le plus grand plaisir de ces dames. La chemise était à manches longues, aussi déboutonna-t-il les manchettes pour se sentir plus à l'aise. Il roula des épaules pour vérifier que le vêtement n'entrave pas ses mouvements, et, satisfait, il s'assit sur le banc pour enfiler un jean sombre délavé, qu'il resserra avec une ceinture de cuir noire, de laquelle il suspendit de petites chaines d'argent. Chaussettes, puis chaussures de sport dont il noua et dissimula les lacets au niveau du tendon d'Achille, à la manière des footballeurs. Seul dans le vestiaire, il s'en grilla une au calme, avant de faire son entrée en scène. Dieux, qu'il aimait les entrées en scène soignées! Et les organisateurs aussi. Il prit un chewing-gum pour ne pas trop sentir le tabac, enfila une mitaine de laine noire sur sa main gauche et seulement sur cette main, puis sortit dans le couloir. Tous les autres étaient déjà prêts.
C'était une grande première, un évènement mondial qui se déroulait à Tekhos. Des gens de toutes origines, Nexus, Ashnard et bien d'autres royaumes, venus des monts et des mers, de plaines ou d'îles volantes s'étaient tous rassemblés à Tekhos pour s'assurer la postérité. Le Bloody Circus, un championnat de combats singuliers organisé par la ville-Etat. Les raisons étaient multiples, commerce, promotion de leur supériorité,et magouilles politiques dont Kyô se foutait comme de sa première bière. Tekhos avait mis là tous les moyens pour marquer les mémoires, et ça se voyait: cérémonie d'ouverture, vestiaires privés et gradins colossaux. En périphérie, un paquet de boutiques qui couvraient l'évènement et sponsorisaient certains participants, un réseau de transport mis en place spécialement pour l'occasion et bien évidemment, des gens qui se suicident sur les voies, pour que tu te souvienne d'eux comme
le connard qui t'a foutu à la bourre de quatre heures. Le stade était divisé en trois arènes octogonales, bordées de murs haut de trente mètres qui étaient surmontés de barrières énergétiques, qui elles grimpaient à six virgule quatre kilomètres de haut. Chaque arène était équipée d'un générateur aléatoire d'environnement, qui permettait de remodeler les arènes pour chaque combat.
Le principe était simple comme bonjour, deux combattants entraient et s'affrontaient dans l'arène jusqu'à ce qu'un vainqueur ne soit déclaré. Le tout était retransmis via des drones de surveillance à de grands écrans holographiques situés sur les barrières, à l'entrée du stade et divers endroits de la ville, en plus du réseau de télévision. Parce qu'on était à Tekhos, les femmes étaient avantagées: elles avaient le droit d'utiliser des armes et des armures. Les hommes quant à eux devaient porter une tenue sans protections, et se battre à mains nues. La magie était bien sûr autorisée quel que soit le sexe, mais Kyô ne s'en était toujours pas servi. Les conditions de victoire étaient au nombre impressionnant de trois: Forfait, incapacité à continuer le combat, ou décès.
Le tournoi commençait aujourd'hui, mais les éliminatoires avaient duré toute la semaine précédente. Ils avaient tous été lâchés en ville avec un bracelet-émetteur, et devaient se battre au hasard des rencontres. Les 32 restants étaient les qualifiés. A partir de là, le tournoi durerait quatre jour. Il s'agissait toujours d'élimination directe, et les jours se répartissaient ainsi: première manche, seconde manche, troisième manche, puis demi-finales et finale. Il s'agissait d'un tableau pyramidal tout simple, et Kyô était le n°3, il s'était inscrit sous le pseudonyme Enslaved. Les participants patientaient dans le couloir, attendant d'être appelés pour être présentés au public. Une chose était certaine, néanmoins. Tous les combattants présents étaient capables de maintenir leur aura, les rendant très difficiles à évaluer. Il y avait de l'expérience.
Une voix féminine artificielle se fit entendre, et ce n'était pas la première fois. On l'entendait aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur:
"Participant n°3, et le deuxième favori du public, Enslaved!"Il s'avança et entra dans le téléporteur, lequel le dématérialisa et le rematérialisa sur la scène surélevée placée judicieusement au milieu des trois arènes. Des feux d'artifices rouges s'envolèrent alors qu'il s'avançait, les pouces calés dans ses poches avant sur une
musique qu'il avait choisie spécialement pour son entrée. Une fois tous les effets de lumière passés, il leva son poing droit en l'air, la tête penchée en avant et légèrement tournée vers sa gauche. Puis il rejoint les autres concurrents, attendant que tous les autres ne soient présentés.