Asami marchait tranquillement dans la nuit, la cadence lente de ses pas marqués par le bruit de la neige qu’elle écrasait délicatement. Elle revenait de la maison d’une amie, chez qui, après cette soirée, elle se dit qu’elle aurait du dormir, mais bon, ce n’était pas prévu, et elle se consolait à la vue de ce spectacle : La faible lueur de l’éclairage publique sublimait la neige, la révélant partout où elle était sans gâcher par excès la magie de cette tranquillité, et, déjà bien heureuse du début de cette nuit passé en bonne compagnie, la jeune fille profitait pleinement de cette atmosphère enivrante. Tout cela était légèrement gâché par la relative froideur de cette nuit, ce qu’Asami n’avait pas prévu comme le prouvait sa jupe et ses collants qui ne savaient la protéger de la morsure de l’hiver, et ce froid l’envahissait malheureusement, ce qui la faisait grelotter. Elle en vint même à faire ce geste ô combien symbolique des belles nuits enneigées, celui de souffler longuement sur ses mains jointes. Elle se concentra sur ses mains, y voyant son souffle se glacer, et s’y émerveillant comme une enfant, elle perdit son chemin des yeux pour un long moment.
Cependant elle fut tirée de cette scène mignonne par un homme qui sortit d’un immeuble en face. Asami dut avouer avoir légèrement peur, en pleine nuit, de voir cette personne voilée d’un long manteau, se remémorant presque instantanément toutes ces histoires sordides qu’on pouvait lire ou entendre dans les journaux, selon leur format...Mais il s’arrêta simplement sur le pas du bâtiment dont il sortait, et dégaina un portable qu’il se mit à tapoter, rassurant par la même la jeune fille. Elle en détourna alors son regard, son cœur reprenant peu à peu un rythme plus normal, ayant plus ou moins honteusement, se dit-elle rétrospectivement, paniqué pour rien. Mais quelques instants plus tard, alors qu’elle passait presque en face de l’homme, elle entendit un lourd bruit de chute accompagné du bruit typique de la neige qu’on écrasait, cependant bien plus fort que celui de ses pas. Se retournant brusquement vers l’homme - Devinant qu’il s’agissait de lui, elle n’avait vu personne d’autre jusqu’ici - elle faillit se précipiter vers lui pour l’aider, lui demander si tout allait bien, mais dès qu’elle posa les yeux sur sa silhouette, elle réprima un cri de surprise car celle-ci n’était pas seule. Un autre homme était au dessus de lui, un look bien moins « classe » que celui à l’imper’, proche d’un gangster typique, couvrant même sa bouche d’un tissu, et le plus choquant était qu’il l’agressait.
Alors qu’Asami ne paniqua au début « que » pour une simple agression - peut-être voulait-il lui voler son portable, son portefeuille - et hésita que faire, ces quelques instants d’inaction suffirent pour qu’elle entende des voix, qui l’incitèrent à se diriger vers eux, ces paroles lui laissant peut-être penser qu’elle pouvait raisonner cette situation, en fait elle ne savait pas vraiment elle-même, et la rapidité à laquelle tout cela s’enchaînait ne lui laissera pas le temps de s’en rappeler. Mais après seulement quelques pas, elle se tétanisa, manquant de glisser sur la neige frêle, et laissa échapper un cri malgré qu’elle voulait à ce moment se faire aussi discrète que possible, même disparaître si ç’avait été possible : Le « gangster » avait mordu l’autre homme, non pas au milieu d’une lutte, ni même pour montrer sa détermination ou une quelconque autre idée, mais simplement pour le tuer. Il avait littéralement arraché son cou de ce qui étaient de réels crocs, et maintenant il le transperçait de ses mains, de véritables griffes. Asami sentit ses jambes défaillir, mais elle était si tétanisée qu’elle ne put même pas s’effondrer sur le sol, et tout ce qu’elle arriva à faire fut de monter ses mains à son visage, le cachant des larmes qui coulaient de ses yeux devant l’horreur qu’elle voyait.
Ce devait être un cauchemar, ce n’était pas possible autrement, tout cela était si atroce, si irréaliste, et pourtant si horriblement réel, et la jeune fille souhaitait presque plus se réveiller d’un sommeil ignoble que pouvoir fuir cette scène qui la terrorisait. Ne pouvant détourner ses yeux, n’osant le faire et étant bien trop choquée pour finalement réussir à réellement faire quoi que ce soir, pour son grand malheur, car elle voyait tout cela se dérouler sous ses yeux, le cannibalisme ignoble du « gangster » qui au final était bien plus une bête, un monstre, et de chaudes larmes coulaient jusqu’à ses mains, ce flot ne semblant vouloir s’arrêter. Le meurtrier finit par abandonner le corps de sa victime, ensanglanté, et lança quelque chose qu’elle ne put distinguer, sa vision se troublant de sanglots. Alors qu’il semblait ne plus avoir rien à faire ici, il sembla partir, ce qui ravit Asami, bien qu’au fond son visage était toujours empreint de terreur et son corps de tétanie, se disant que peut-être elle avait échappé à un sort funeste, mais après seulement quelques pas, il se figea et la regarda presque instantanément. Elle crut mourir à cet instant, car au fond elle pensa que c’était désormais ce qui l’attendait, mais cette réalisation fut peut-être le déclic qui lui permit de courir aussitôt vit-elle le monstre se diriger vers elle, mais elle fut vite rattrapé, ce qui ne l’étonna malheureusement pas réellement, bien que le temps qu’il avait mis pour le faire était excessivement court, surhumain.
Il l’arrêta en pleine course, la propulsant contre un mur et l’y plaquant, y raclant légèrement son visage et y essuyant une partie de ses larmes, faisant voler ses cheveux comme son écharpe tant cela fut rapide. Elle sentait le bras du meurtrier sur sa gorge, manquant de l’écraser, et n’osait même pas bouger les siens, à quoi bon, puisqu’elle savait ce dont il était capable : Elle n’avait aucune chance. Fermant les yeux de peur, ou plutôt n’osant les rouvrir après qu’ils se soient fermés lors du choc, elle s’attendait à une vive douleur, ses larmes coulant sur son visage comme jamais, et ses lèvres tremblant de peur alors que s’en échappaient de pitoyables sanglots, mais l’attaque de l’homme ne vint pas, et ce fut sa voix qui la sortit de cette incertitude quant à son destin. Il lui demandait qui elle était. Qu’est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ? Il ne voulait certainement pas la tuer s’il lui demandait ça, mais la situation actuelle n’aurait pu la rassurer de cela. Dans un mouvement qui lui arracha un léger cri largement étouffé par la pression sur son cou, il renforça celle-ci et lui parla à nouveau, cette fois bien plus longuement, et elle mit un moment avant de comprendre ses phrases, ne parvenant à se concentrer dans cet état, et après un léger moment de silence, il relâcha progressivement son emprise sur elle. Que lui voulait-il enfin ? Et puis était-ce seulement sage de le suivre ? Mais il semblait ne pas vouloir sa mort, alors elle ferait sans doute mieux d’obéir.
Pitoyablement, elle fit quelques courts pas pour s’éloigner du mur, sanglotant toujours, et se résolu à lui accorder sa confiance, enfin au moins, décida que lui obéir était sûrement la plus viable des solutions. Elle s’approcha de lui, timidement, apeurée, fuyant son regard, le visage baissé, et glissa lentement sa main le long de son bras, n’arrivant presque pas à le distinguer de sa vision troublée, et finit par atteindre ses gants. Comme il le lui avait demandé, elle se saisit de sa main, glissant ses doigts dans les siens, et les serrant de crispation.
« S’il vous plaît...Ne me faites pas de mal... »
Elle avait dit cela d’une voix sanglotante, en tout point pitoyable, bien que douce, mais cela était du à son brin de voix et non à sa façon de parler qui, comme tout chez elle actuellement, ne saurait laisser une once de place à la gaieté. Réalisant son piteux état, la partie du visage faisant face à son agresseur légèrement teintée de sang et de blanc, sa douce peau malmenée par le « plaquage » qu’il avait opéré sur elle, elle entreprit de sa main libre de l’essuyer de sa manche, n’ayant dans cette situation que peu de considération pour la propreté de ses affaires, et en profitant pour effacer de son beau visage ses larmes, leur flot s’étant légèrement calmé alors qu’elle perdait l’air pleurnicheur qu’elle arborait depuis maintenant quelques instants.