Visite chez une gemme rare [PV Eyia]

Hades sourit imperceptiblement alors qu'il rejoignit la surface une fois de plus, cette fois ci dans la monde des humains. Il ne lassait jamais de la surface, bien qu'il soit condamné à régner pour l'éternité sur le royaume souterrain, les enfers... Il se rappela une fois de plus avec un air nostalgique les longues années de discussion avant que Zeus, Poséidon et lui même ne se mettent d'accord sur l'attribution des domaines. C'était le bon vieux temps, où ils vivaient ensemble. C'était aussi la guerre d'un autre côté, avec les incursions des Titans au plus près du mont Olympe et les batailles quotidiennes. Combien de millénaires s'étaient écoulés depuis lors, combien de siècles, d'éternités à juger les âmes des défunts et à les guider vers le lieu de leur dernier repos. Les Champs Elysées, le Tartare, la Plaine des Asphodèles... c'était avant les nouvelles religions. Maintenant, les enfers servaient de purgatoire, un simple lieu de transit entre Enfer et paradis, plus de jugement si ce n'est pour les quelques rares âmes croyant encore aux dieux grecs et romains. D'où son ennui profond qui l'avait poussé à quitter sa demeure afin de faire un tour au hasard dans un des mondes. Et ses pouvoirs l'ont téléporté ici, en bordure de Seikusu, près de Kyoto au Japon.

Revenir en ce lieu lui fit remonter des souvenirs, plusieurs conquêtes récentes afin de... passer l'ennui il y avait quelques années de cela. Peut être trouverait-il de quoi se divertir une fois de plus? A peine eut-il fini cette pensée qu'une odeur lui parvint aux narines, lui rappelant les grottes de son royaume et les innombrables richesses qu'elles contiennent, lui rappelant la corne d'abondance, autrefois si souvent utilisée lorsque les fermiers le priaient de faire en sorte que leur récolte soit exceptionnelle. Il ferma les yeux, cherchant à déterminer l'origine de cette fragrance. Aussitôt les sensations envahirent son esprit, et il entraperçut une bâtisse excentrée par rapport au centre ville, dans une banlieue calme de Seikusu. Dedans, il sentait des richesses, des Pierres, et pas n'importes lesquelles, rubis, émeraudes, diamants, grenats, toutes sortes de pierres de toutes les couleurs possibles et imaginables, et en quantité assez importante pour attirer sa curiosité.

Et puis il y avait la présence, la propriétaire de la bâtisse. Il ne savait pas trop quoi penser d'elle, pas assez d'information. Il pouvait toutefois sentir un lien profond entre elle et ses gemmes, elle retombait directement dans la juridiction d'Hades, et pourtant il savait n'avoir aucun contrôle sur elle. C'était... imprévu, intéressant, intrigant même, et il décida de ce pas d'aller en savoir plus. Il regarda autour de lui, et laissa échapper un petit bruit de mépris à la vue de tous ces humains s'affairant, ignorant complètement son apparence surréaliste. Il devait admettre que ce n'était pas de leur faute, il avait l'habitude de voyager sous une légère illusion masquant son inhumanité, mais il se souvenait que dans les anciens temps, alors même que la technologie des hommes était tellement peu avancée, ils savaient observer leurs alentours, et une telle illusion n'aurait donc pas suffi. Les temps changent, et l'humanité avec eux. Il fit un simple geste de sa main gantée et le monde sembla s'ouvrir devant lui. A la seconde d'après il avait disparu, le trou dans l'espace temps s'étant aussitôt refermé après son passage.

Il réapparut devant la villa et aussitôt put sentir l'Essence de la propriétaire des lieux. Il sut qu'elle n'était pas humaine immédiatement. Elle avait l'aura de l'Ancien Monde, et ça voulait dire qu'elle était au moins aussi vieille que lui. Restait la question de savoir pourquoi il ne l'avait pas repérée plus tôt. C'était une bonne question, mais il savait qu'il ne la lui poserait pas. Ça serait admettre une faiblesse ce qu'il répugnait de faire. Les dieux ont leurs péchés, et l'orgueil faisaient partie de ceux d'Hades. Il savait qu'elle avait dû le sentir arriver, il était lui même trop connecté aux richesses du monde souterrain pour qu'une être comme elle puisse ignorer son arrivée.

C'est pourquoi il ne changea pas l'illusion autour de lui même. Une telle illusion, aussi faible ne tiendrait pas un quart de seconde devant son regard, et elle pourrait le voir tel qu'il était, la peau d'un brun sombre éclairée au niveau du visage par un tatouage tribal orange au niveau des yeux, les cheveux blancs cascadant autour de son cou et lui arrivant au niveau du torse et des habits semblant tout droits sortis d'un univers médiéval fantastique, mêlant les rouge, noir et blanc dans une tenue à la foi princière et rappelant très légèrement celle des bouffons royaux d'autrefois, avec ses chaussures rouges pointues. Des plumes de corbeaux étaient accrochées à divers endroits de sa veste, aux épaulières et au niveau de sa taille principalement. Après tout, les corbeaux étaient bien chargés, entre autres, de guider les âmes vers son royaume. Des psychopompes, voila le terme qu'employaient les mortels. Amusant, mais au final hors de propos. Il portait également des protège avant-bras des mêmes couleurs que son costume et des gants noirs. L'ensemble pouvait paraître pour le moins hétéroclite, mais il aimait bien cette tenue et il la portait donc souvent. Il avait laissé armes et autres artéfacts dans son royaume, si ce n'était sa Kunée, ces quatre cornes trônant sur sa tête. Il ne se séparait jamais de son symbole de pouvoir, son heaume d'invisibilité.

Il s'approcha nonchalamment de la porte et toqua simplement. Autant ne pas déroger aux règles les plus simples de la courtoisie, ça serait bien mal commencer cette conversation.

Que faisait-elle, la petite reine aux cheveux blancs ? ... Rien. Enfin, si. Elle jouait avec une de ses ombres. Ombre qui la massait longuement, afin de détendre sa maîtresse au dos noué. Avec une huile de rubis, mielleuse et piquante, elle caressait son dos sans rien dire. Eyia appréciait le silence. Il n'y avait que le chant du vent que l'on entendait, et les bruits doux que produisaient les glissement de ces mains sur sa peau. Un délice. La souveraine s'en délectait. Entre ses dents, un lapis-lazuli taillé comme une perle, dont la saveur la laissait complètement rêveuse. Délicieux. Elle s'en délectait, comme une enfant se délecte d'un bonbon piqué en cachette dans la cuisine. Le lapis-lazuli était une pierre au goût frais, un peu laiteuse. Ses muscles se détendait au fur et à mesure que la gemme fondait sur sa langue. Les mains de l'ombre se hasardèrent en bas de son dos, et elle grogna de plaisir. Oui, délicieux était bien le mot. Elle n'aurait su en trouver un autre. Eyia se releva un instant, appuyée sur ses coudes, face à la fenêtre. Elle était nue, comme à son habitude. La peau était la seule chose qu'elle aimait porter. Et puis, ici, il ne faisait guère froid. Tout était parfaitement réglé pour qu'elle se sente aussi bien sur Terre que chez elle. jamais elle n'aurait toléré la moindre imperfection.

D'un coup de langue, elle goba la pierre. Qui glissa le long de sa gorge. Elle aurait pu fondre, tant c'était bon. La souveraine s'étira, fit signe à son ombre de cesser de traitement. Et, alors qu'elle allait l'embrasser, commençant ainsi toute une série d'autres délices ... On toqua à la porte. Peste ! Trop occupée à savourer ces massages, elle n'avait pas porté la moindre attention au monde environnant. Et n'avait pas senti l'aura s'approcher de sa demeure. D'un signe de main, elle fit signe à son ombre de trouver une tenue adéquate - à savoir une charmante robe douce au toucher, et épousant divinement ses formes divines - et quitta son lit. La robe fut bien vite enfilée, tandis qu'elle sifflait entre ses dents.

En bas, une ombre nue, au corps noir comme le charbon, ouvrait la porte, accueillant cet étranger silencieusement. Un simple signe de la tête, qu'elle inclina légèrement. Si l'ombre susdite ne possédait guère de conscience, elle parvenait à reconnaître un dieu facilement. Et Eyia apparut, derrière elle, faisant signe à sa domestique de déguerpir. Elle le laissa entrer, puis une ombre referma la porte. Clac.

"Que venez-vous faire chez moi ?"

Le ton n'était guère accueillant, pas plus que les sourcils froncés qu'elle arborait. Un dieu. Chez elle. C'était presque irréel. Elle le jaugea du regard, un moment. Il était plutôt beau garçon. Elle ne l'enverrait donc pas paître pour le moment.

Hades inclina la tête en remerciement alors qu'Eyia le laissa entrer. Elle était plutôt jolie, mais d'une beauté éthérée. Le contraste de sa peau diaphane et cheveux blancs avec ses lèvres rouges rubis était agréable à l'œil, et sa robe était tout à fait appropriée pour souligner ses formes. Cependant, malgré la légère attirance physique, Hades se concentra sur le visage de la femme. Elle semblait... agacée peut être, peut être l'avait-il interrompue dans une de ses activités? Ou alors elle s'était simplement levée du mauvais pied ce matin là.

"Que venez-vous faire chez moi ?"

Il savait qu'elle reconnaissait sa nature de dieu, et pourtant elle s'adressait à lui ainsi. Ça dénotait d'une certaine puissance. Elle n'avait pas peur de lui, et malgré le léger coup que cela portait à son ego, il devait admettre qu'au fond elle avait raison. Il n'avait nulle intention de lui faire quoi que ce soit qui puisse l'incommoder. Maintenant il restait à le lui faire comprendre. Un léger sourire apparut sur ses lèvres et il hocha de la tête pour la saluer, histoire de montrer le respect étant dû à une être telle qu'elle était. Il ne savait pas tout, il savait qu'elle n'était pas une déesse, mais elle en était assez proche pour qu'il se montre courtois.

"Bonjour à vous. Je dois avouer que ma présence ici est un... bienheureux hasard dirons-nous. De temps en temps l'ennui me pousse à quitter mon royaume pour visiter les mortels et essayer de me divertir, et en arrivant aujourd'hui dans cette ville, j'ai senti votre présence. La suite, je pense que vous pouvez l'imaginer de vous même."

Il regarda rapidement autour de lui, son sourire toujours aux lèvres, avant qu'il ne se tourne vers son hôte une fois de plus.

"Oh, mais où sont mes manières? Je me présente, Hades, dieu des enfers et des richesses souterraines, c'est un grand plaisir que de faire votre connaissance."

Et il semblait ravi en effet, elle pourrait le voir si elle avait l'expérience de déchiffrer des émotions sur le visage de ses interlocuteurs. Elle pouvait aussi remarquer une curiosité brûlante à son égard.

De la curiosité ? Diable, elle n'était pas un animal de foire ! Ah, si un humain avait osé lui faire cette remarque, ses ombres l'auraient écorché vif. Mais il était un dieu. Et l'on ne tue pas un dieu. D'abord parce que c'est impossible, et ensuite parce que même une tentative vous mènerait à la potence. Cette attitude forcée de respect l'agaçait. Mais Eyia se changea vite les idées, en sommant une de ses ombres de leur préparer du thé. Du thé d'oeil de tigre. Epicé et mordant, ce thé pouvait réveiller un mort. Puise elle fit signe à Hades de la suivre, le menant dans le salon. Un immense salon rond, aux murs couverts de fenêtres - qu'une ombre se chargea d'ouvrir - et d'assises confortables. Des siéges cuir, noir luisant, se mêlaient à des méridiennes aux motifs anciens et des poufs remplis d'eau ou de sable aux couleurs criardes. C'était un joyeux mélange de plein d'époques. Toutes celles qu'Eyia avait visité. Car, oui, ces meubles sont d'époques.

Ainsi, donc, la souveraine s'enfonça dans un des sièges, qui avait tout d'un trône royal, avant de le toiser.

"Je suis Eyia. Souveraine du monde souterrain où dorment les gemmes. Gemmes qui sont, en quelque sorte, mes sujets. Je suis appelée 'La reine des pierres' par certains dieux, et ce avec une pointe de mépris ... Qu'ils rient, je m'en moque. Ah, merci."

Son ombre venait de déposer, sur une table basse, une théière et deux tasses de porcelaine. Au fond de chaque tasse, une oeil de tigre. Elle versa l'eau brûlante dessus, puis servit sa reine, et Hadés ensuite. "La pierre va se dissoudre" lui indiqua t'elle à voix basse, avant de disparaitre.

"Je suis ... étonnée qu'un dieu daigne me voir. Aucun, à ce jour, n'y avait encore consenti. Enfin, si ce n'est pour mettre mes nerfs à l'épreuve."

Elle n'était pas une déesse, c'était cela la réalité. Mais cela ne la gênait guère. Elle portait un assez mauvais regard sur les dieux. Enfin, vous allez me dire, le jour où elle portera un jugement positif à l'égard des dieux, hein ... On peut encore attendre.

Hades continua de sourire lorsqu'il vit la femme ordonner à une de ses ombres de préparer un thé, mais ses sens étaient tous en suractivité afin de savoir si ces ombres appartenaient à son propre royaume ou non. Il lui fallut quelques secondes pour déterminer que ce n'était pas le cas, et il se détendit à nouveau. Fascinante ou non, si elle était une nécromancienne il devrait s'en charger... définitivement. Il avait un place spéciale au Tartare pour ceux osant lui voler des âmes. Il fut tiré de ses pensées par un signe qu'elle lui fit indiquant de la suivre. Il n'y avait aucun mal à le faire et il entra peu après dans un magnifique salon, melting-pot de différentes époques et couleurs, du noir mêlé à des couleurs vives, de formes différentes, de matières différentes. Il la vit s’asseoir dans un fauteuil, un trône vraiment, avant de le toiser et de se présenter.

Ça... ne le ferait pas, et il ne la laisserait pas marquer sa supériorité ainsi. Non pas qu'il aime se montrer supérieur aux autres, mais il était un dieu, et il ne pouvait pas montrer de faiblesse. Il sourit simplement et s'assit face à elle exactement à son niveau, il ne voulait pas apparaître hautain et s'asseoir au dessus d'elle ou soumis et la laisser le toiser, apparemment dans le vide. Une fois qu'il fut en position assise, l'air sembla se distordre autour de lui et là où il n'y avait rien apparut un trône de sa propre conception, non pas un de ceux qu'il utilisait dans son palais au Champs Elysées, mais un qu'il avait créé en jouant avec ses pouvoirs sur les gemmes quelques siècles auparavant. (L'apparence du trône) Le siège lui même était en obsidienne, dont il avait modifié la structure cristalline afin qu'il puisse s'y asseoir sans risquer de se couper ou de se percer, tout en gardant cet aspect noir et brillant. Le dossier était constitué d'agate rouge, chacun des motifs y étant engravés étant dans une matière différente, que ce soit diamant rouge ou rubis. Au final, il aimait bien ce siège, il était plutôt pas mal adapté à la situation.

Il repassa en tête sa présentation, apparemment elle n'avait pas une bien grande opinion des dieux, et au final il ne pouvait guère lui en tenir rigueur. De ce qu'il se rappelait de sa famille, c'était une bande de bouffons coureurs de jupons, hautains et arrogants. Il n'avait pas vraiment le droit de mettre les pieds au mont Olympe sauf cas particulier, mais il n'en avait pas non plus particulièrement envie. Oh, bien sûr il y avait des exceptions, mais bon, ça ne faisait pas oublier le reste.

- Eyia, la reine de pierres... Hum, un peu approprié sans doute, mais inexact. Nous savons tous deux que bien que vous ne soyez pas une déesse, vous en êtes bien plus proche qu'une simple reine.

Il sourit. il n'y avait aucune moquerie dans ses propos ou dans son attitude, il exposait simplement ses pensées. Son train de pensées dérailla alors qu'il vit une ombre arriver avec une théière et deux tasses, un oeil de tigre au fond de chaque tasse. Il était surpris et ça se voyait. Il avait beau être le dieu des richesses souterraines, et avoir fait d'innombrables oeuvres avec des gemmes, il ne lui était jamais venu à l'idée de les consommer. En une fraction de seconde, il porta son regard sur la gemme et analysa sa structure atomique, avant de laisser échapper un petit rire amusé. Il allait prendre la parole mais elle parla une fois de plus et il hocha de la tête.

- La plupart de mes collègues aiment en effet mettre leurs interlocuteurs mal à l'aise, leur faire comprendre leur impuissance face aux dieux. Je n'aime pas vraiment ce genre de pratique, sans doute peut être parce que quand je monte dans le monde des mortels ça veut dire que je m'ennuie. Rencontrer des personnes au naturel, telles qu'elles agiraient dans leur vie de tous les jours est tellement plus intéressant que de les forcer à être à cran par une démonstration de force.

Une fois la pierre dissoute, il porta la tasse à ses lèvres et goûta la concoction. Un peu fort à son goût, mais bien mieux qu'il pensait. Il regarda à nouveau Eyia et lui sourit de manière reconnaissante.

- J'ai beau avoir les gemmes sous ma juridiction, je n'avais jamais penser à les modifier ainsi pour pouvoir les consommer. Vous avez mes remerciements pour m'avoir éclairé à ce sujet.

(Pardon pour le retard ... Je suis impardonnable.)



Une des ombres était appuyée sur le trône du dieu. N'y voyez pas une forme de soumission : une domestique dévouée porte une grande attention aux hôtes de sa maîtresse. Eyia couvait du regard sa muette ombre, tout en veillant à ce que son invité ne manque de rien. Elle était attentive. Une reine ne laisse rien au hasard. Croisant les bras sous sa poitrine, cette robe frottant décidément trop à sa fine peau, elle mit un long temps à boire son thé. Elle ne les aimait guère trop chauds. Sa remarque l'amusa. Un mince sourire étira sa bouche rubis, tandis qu'elle sommait d'un regard une autre ombre de lui apporter une de ses confiseries. Vite, vite, sa domestique se pressa. Et lui apporta, rangée au creux de sa main, un rubis. Taillé avec douceur, d'un rond un peu allongé. Eyia le captura entre son index et son pouce, et but de l'autre main son thé. D'une rasade. Le trône qu'il avait fait pousser, elle n'en avait cure. Ils possédaient tous deux des egos de marbre.

"Moi seule sait les rendre comestibles."

Dit-elle doucement. Elle fit tournoyer, entre ses doigts, la gemme. Puis la coinça entre ses lèvres, déjà si rouges. Une ombre esquissa un sourire ; c'était là le point faible d'Eyia. Un rubis à suçoter, qui teintait ses lèvres d'un rouge pur et embrasé.

"Quant au reste ... Je ne suis effectivement pas une déesse, dieu merci. Pitié. Les déesse sont ..."

Pas besoin de mots. La grimace qui poussa sur son charmant minois trahissait bien son ressenti. Les dieux étaient une espèce d'insectes grouillants égocentriques et consanguins, à ses yeux.

"J'ignorais que je partageais mon territoire avec vous. C'est un plaisir. Vraiment. Avons-nous d'autres choses à partager ?"

Un sourire taquin décoché. Eh oui.

(Pas de souci, je sais ce que c'est ^-^)

Hades ne s'ennuyait pas pour une fois. Bien sûr, il avait été à plusieurs dîners mondains et autres occasion où la bienséance et des bavardages polis étaient de mise. Mais il y avait un petit quelque chose de plus qui rendait la situation intéressante, il n'arrivait pas vraiment à mettre la main dessus. Peut être était-ce le fait d'apprendre une nouvelle utilisation aux gemmes ou juste le fait qu'Eyia était si... unique. Il appréciait sa compagnie, même s'il n'était pas sûr que l'inverse soit vrai. Elle gardait plutôt bien ses émotions jusqu'à présent. Il pouvait considérer qu'elle était hostile au moins pour le moment, ses commentaires sur les dieux montrait bien ce qu'elle pensait de ses congénères. Il sourit simplement à sa remarque et hocha de la tête. Même s'il connaissais la structure atomique des gemmes, il n'avait aucune garantie que c'était tout ce qu'il y avait à savoir pour les recréer.

 Il laissa échapper un léger rire alors qu'elle commenta sur les déesses, légèrement amusé. Il ne dit rien mais on pouvait voir assez facilement qu'il était amusé, à la fois par ses mots et sa grimace. Cela ne changea pas lorsqu'elle continua de parler. Il ne sut distinguer si elle était sincère ou sarcastique, donc il partit du principe qu'elle pensait à bien et ignora toute insulte possible. Il répondit à son sourire taquin par un venant de lui même.

- Tout le plaisir est pour moi. Et pour les autres choses que nous avons à partager? Le thé sans doute, une conversation agréable j'espère. Au final je ne suis qu'un simple invité en votre demeure, vous vous montrez être une hôtesse parfaite et j'apprécie ce moment de détente en votre compagnie. J'ose juste espérer que c'est réciproque, ou bien qu'au moins je ne vous suis pas aussi insupportable que les autres dieux et déesses que vous avez rencontré.

Il sirota son thé une fois de plus, son attention toujours fixée sur Eyia. Puis, il reposa la tasse sur sa coupelle et prit une fois de plus la parole, ayant l'air détendu mais sérieux.

- Pour revenir à votre premier commentaire, je ne doute pas que vous seule puissiez les rendre ainsi. Si vous n'y êtes pas opposée, je serais intéressé par le processus. Bien sûr je saurai me montrer reconnaissant. Sinon, il n'y a pas de mal. Malgré ma réputation légèrement sulfureuse, je ne suis pas un tyran et n'ai aucun intérêt à m'attirer votre inimitié.

Ce n'était pas faux, Il appréciait sa compagnie et se la mettre à dos n'entrait pas dans ses plans. Ça et il était patient, un jour ou l'autre il finirait bien par réussir à le faire de lui même.

Eyia plissa les yeux. Mh. Il voulait connaître le secret des gemmes. Enfin, il voulait connaître son secret à elle. Cette idée ne lui plut guère. Il lui en fallait peu, pour qu'elle se mette sur la défensive. La souveraine restait une créature assez instinctive. La raison l'effleurait peu. Voyez-y un défaut ou une qualité, comme ça vous chante : toujours est-il qu'elle se sentit vaguement agressée par cette suggestion. Elle claqua des doigts, et son ombre, celle qui était à côté d'Hades, comprit. Elle s'évapora doucement. Et revint peu de temps après, un plateau à la main. Sur ce plateau, un immense bocal rempli de cheveux bruns, et des feuilles fines. Sa domestique s'affaira à rouler patiemment une cigarette, avant de la tendre à sa maîtresse. Qui reposa son rubis au fond de sa tasse, pour la planter entre ses lèvres. Un bruit métallique, et le bout de la clope crama. Une cigarette de cheveux. Encore quelque chose d'atypique, mais de foutrement bon. Eyia faisait ses nerfs sur ces cigarettes.

Elle poussa un bref soupir, avant de noyer son regard dans le sien.

"Cela m'est impossible. Cependant ... J'ai quelque chose qui pourrait vous intéresser."

Minauda t'elle. Puis elle se leva, lui fit signe de la suivre. Ils montèrent à l'étage. Puis à l'autre étage. Là, l'ombre de la souveraine, celle qui ne cessait de les suivre, ouvrit la porte. Une immense pièce noire, toute noire, dont on ne distinguait pas les murs. Impossible de savoir si ces lieux étaient immenses ou minuscules, si le plafond était bas ou haut. Et, au centre, se trouvait un symbole. Un symbole, dessiné sur le sol, garni d'arabesques farfelues. Eyia s'accroupit, effleura l'ensemble de ce dessin de l'index, et ... Et elle apparut. La divine. La mythique. La pierre philosophale. Elle avait l'allure d'un galet. Son corps était lisse comme une viande froide. Sa couleur évoquait celle de la chair. Et elle était d'une tiédeur inquiétante. Elle apparut entre les doigts d'Eyia, comme si elle avait été là depuis le début.

"La reconnaissez-vous ?"

Sans qu'il puisse s'y attendre, elle la lança négligemment. Hop, comme ça, comme pour un jeu. De toute façon, il était un dieu, il finirait fatalement par la rattraper. Et puis, il la reconnaîtrait fatalement. Tout le monde reconnaissait la pierre philosophale.

"J'en ai déjà mangé. Seulement en dessert, et les jours de fête."

Lança t'elle, taquine.



 

Hades attendait la réponse de la souveraine lorsqu'il la vit claquer des doigts. L'ombre à ses côtés disparut et réapparut peu après, portant un plateau avec des feuilles à rouler et un bocal rempli de cheveux. Il haussa les sourcils lorsqu'il vit l'ombre rouler la cigarette avant de la tendre à sa maîtresse, et il comprit que sa proposition allait être rejetée. Au final c'était une possibilité qu'il savait être non négligeable. Un léger soupir, un regard plongé dans le sien, qu'il soutint sans fléchir, quelques mots et il sut qu'il avait deviné correctement, et pourtant sa curiosité était piquée une fois de plus. quelque chose qui pourrait l'intéresser? Il ne crachait jamais sur ce genre de choses. Il sourit à son hôtesse et la suivit lorsqu'elle se leva et le conduisit dans une pièce sombre, deux étages au dessus. Il avait lui même difficulté à déterminer la taille de la pièce et c'était plutôt impressionnant sachant qu'il avait une très bonne vision dans le noir.

Et il y avait simplement une arabesque sur le sol, sans doute une construction magique, il pouvait sentir la magie qu'elle renfermait. Un simple contact de la reine et elle libéra son prix, un simple galet. Un galet projetant une aura magique, un artéfact sans doute. Un artéfact qui ne faisait pas partie de son domaine de juridiction. Une pierre synthétique aussi puissante, il n'y en avait pas cinquante mille. Cependant, il ne put s’empêcher d'être un peu déçu. Tout ça pour une simple pierre philosophale? Que voulait-elle qu'il en fasse? La mange? Et d'après ce qu'elle dit ensuite, apparemment oui. Elle lui lança la pierre et il la rattrapa sans souci, même pas agacé par son lancer négligeant. Il se tourna ensuite vers Eyia et prit la parole.

- La pierre philosophale... de vous à moi, c'est le genre de caillou que j'utiliserais habituellement comme presse papier. Aucune utilité que j'ai trouvé jusqu'à présent, et elle ne rentre même pas dans mon domaine de compétences puisqu'elle est synthétique. Mais je dois avouer que je suis curieux quant à son goût, si vous ne la consommez qu'en de si rares occasions.

Il tendit la main, la pierre dessus vers elle, un léger sourire au visage.

- Cependant, en tant qu'hôte dans votre maison, et en tant que gentleman, je ne puis accepter de consommer un met si délicat sans que vous n'y participiez vous aussi. Ce serait terriblement malpoli et égoïste de ma part. Est ce que ça vous dérangerait de la partager de la manière qui sied le mieux pour ce genre de confections? Je dois avouer que je suis pleinement ignorant pour ce qui est de l'art culinaire des gemmes.

Aucune insulte voulue, aucune méfiance qu'elle ne pouvait détecter dans sa voix, il était assez sérieux, malgré le léger sourire sur ses lèvres.

... Un presse-papier ? Une des ombres qui se tenait derrière la porte tiqua. Quel outrage. Même Eyia fronça les sourcils, vexée par cette remarque. La pierre philosophale, voyons, tout de même ! Les dieux sont donc vraiment perchés. La souveraine toussa, le regardant, ne cachant pas son effarouchement. Puis elle claqua des doigts, et l'ombre entra. Elle lui confia la pierre, lui murmurant quelque chose d'inaudible. Le nom de la recette. Qu'il ne se méfie pas, elle ne chercherait point à l'empoisonner. Eyia n'était pas une jeune écervelée, juste une reine qui ne cherche que la tranquillité. Elle nota dans un coin de sa mémoire de ne pas oublier d'en ramener une à nouveau, la prochaine fois qu'elle retournerait sur ses terres, et quitta les lieux, accompagnée de son hôte. Cette pièce était en lien direct avec son royaume. Mais elle seule pouvait y accéder. Dieu merci. Ce serait un immense foutoir, dans le cas contraire.

- Il y a bien peu de divertissements, dans cette demeure.

Souffla t'elle, piochant une cigarette qui trônait sur un meuble du palier.

- J'espère que manger une pierre vous séduira, en tout cas.

Un sourire, et hop!, la cigarette s'alluma, d'un coup d'un seul. Qu'il était bon de ne pas être un simple humain, qui cherche ici et là un briquet, paniqué. Une ombre passa à côté d'eux, silencieuse. On en venait à se demander si elles savaient parler. Chose que jamais Eyia ne dévoilerait : c'était un secret entre elle et elles.

- Ce sera prêt dans une heure. Désirez-vous connaitre quelque chose à mon sujet, en attendant ?

A l'instant où il vit son visage, il sut qu'il avait laissé son arrogance parler pour lui. Il avait tendance à faire ça, il était un dieu après tout. Pour n'importe qui, une gemme aussi rare que la pierre philosophale était inestimable, et en tenir une entre leurs mains aurait été le rêve le plus fou d'innombrables alchimistes. Et pourtant il avait simplement ignoré la pierre, la déclarant inutile, un simple presse papier. Oui, il pensait ainsi, et il n'allait pas le nier, mais sérieusement, le dire alors qu'elle lui avait fait un grand honneur... Il inclina la tête resta silencieux, alors qu'elle était en train de piocher une cigarette. Ses mots étaient simples, ne laissant paraître son mécontentement. Elle restait une parfaite hôtesse alors que je manquais déjà à mes devoirs en tant qu'hôte. Des excuses seraient de rigueur.

Elle alluma la cigarette juste d'un sourire, qu'Hades lui rendit inclinant la tête à ce qu'elle venait de dire. Il espérait lui aussi que ce... dinner prouverait intéressant. Il était après tout là pour découvrir de nouvelles choses. Il ne s'inquiéta pas plus que ça des ombres, il pouvait lui aussi conjurer de tels servants, mais ça serait vraiment de trop mauvais gout... Il était chez elle après tout. Et puis elle proposa de répondre à ses question, et il lui sourit.

"Tout d'abord, je... suis désolé. J'ai laissé l'arrogance qui nous est toute naturelle à nous autres dieux parler à ma place, alors que j'aurais du exprimer ma reconnaissance face à l'honneur de voir une pierre aussi rare, pierre que je ne puis moi même pas conjurer."

Ça le peinait d'avoir à s'excuser, mais il reconnaissait en lui même son tort, et il n'était pas vraiment un hypocrite.

"Quant à savoir quelque chose à votre sujet... Mmh, si vous le proposez... Il y a en effet quelque chose qui me... démange dirais-je. Je peux sentir votre puissance et votre ancienneté, mais je dois avouer que je suis dans l'incapacité de déterminer... ce que vous êtes. Sans vouloir vous insulter, bien loin de là."

Quitte à s'abaisser un peu, autant continuer. Ce qu'il ne fallait pas faire pour assouvir sa curiosité...