Gagne ou gagne pas ? (PV)

Un énième soupir s'échappa des lèvres masquées d'Angela. Elle était immobile au centre de l'arène, appuyée contre son arme qui reposait contre le sol. Le soleil était haut dans le ciel. Il était midi passé. Le masque aux dorures délicatement réalisées lui chauffait un peu le visage, mais sans plus. Elle avait prit soin d'en couvrir le revers d'une matière souple, douce et aérienne. Une matière qui l'empêchait de transpirer, et qui ne frottait pas durement contre la partie brûlée de son visage.

Elle changea brièvement de position, chassant un moucheron de son bras, et reprit ensuite la position initiale. Elle observait les spectateurs, ses yeux flamboyants à travers les ouvertures du masque. Ils flamboyaient tout le temps, lui rappelant sans cesse le pouvoir qu'elle avait d'augmenter la chaleur des choses, de ses mains etc. Il faudrait d'ailleurs qu'elle retourne chercher des perles d'obsidiennes.

Personne ne bougeait. L'un de ceux qui possédaient Angela s'avança au centre, près de la guerrière.

« Et bien, personne n'est tenté ? Voyons ! Elle a combattu toute la matinée, vous l'avez vue ! Vous avez tous votre chance ! Personne ne veut tenter de lui tenir tête au moins dix minutes pour gagner treize mille pièces d'or et une nuit avec la mystérieuse Angela ? Non, personne ? Allons bon ! Et si vos gagnez contre elle, vous avez le droit de la garder. La Reine de l'Arène, rien que pour vous. Oui messieurs dames. Si vous gagnez, elle est à vous ! »

Rien n'est moins sûr coco..

Angela réprima un ricanement. S'il croyait qu'elle allait être docile... Ils avaient un moyen de pression sur elle. C'était uniquement pour ça, et parce qu'elle aimait se battre, qu'elle restait. Sinon, elle les aurait planté depuis longtemps.

Toutefois, si elle perdait contre l'adversaire qui oserait l'affronter, elle se dit qu'il serait bien de faire semblant d'être docile. Le temps de s'éloigner d'ici. A ce moment-là, les types qui la retenaient auraient donné les perles d'obsidiennes au vainqueur, et elle pourrait ensuite le dépouiller pour récupérer ces perles et partir. Si elle partait sans réserve, son pouvoir se réveillerait. Elle ne voulait pas s'en servir. Son visage brûlé lui avait servi de leçon.

Tournant la tête pour s'éventer un peu, Angela remarqua que sa peau nue était couverte de sueur et de sable. De sang aussi. Elle s'était en effet battue toute la matinée, et était sortie vainqueur de tout ses combats.

Il n'y avait pas à tourner autour du pot, selon moi. Angela avait beau être masquée, elle n'en était pas moins superbe. Il suffisait de poser les yeux sur ce corps au fuselage insolemment érotique pour en être convaincu. Un derrière athlétique et rebondi, une ligne parfaite, une poitrine assez généreuse et ferme pour être arrogante lorsqu'elle tendait ses tétons d'acier meurtriers dans votre direction. Une lionne aux courbes affolantes et à la gueule couverte d'or, voilà ce que m'évoquait la Reine du sable et du sang.

Je la suivais depuis longtemps déjà. C'était la Reine qui m'avait donné le goût des affrontements de gladiateurs et depuis ce jour là, je n'avais eu de cesse de me démener pour pouvoir assister à tout ses combats, où qu'ils pouvaient se dérouler. J'avais vu son style évoluer et s'affirmer, j'avais vu ses adversaires la malmener durement avant qu'elle ne retourne la situation à son avantage pour s'attirer les vivas d'une foule qu'elle avait chauffée à blanc, foule dont j'étais peut-être le membre le plus excité. D'une certaine façon, Angela était la seule femme qui partageait régulièrement ma vie. Il m'aurait été facile de trouver un moyen de payer ses maîtres pour passer une nuit dans sa couche, pourtant je ne m'étais jamais résolu à le faire. Peut-être qu'il ne fallait pas toucher à ses idoles afin de ne pas les désacraliser, après tout... La seule chose d'un peu personnelle que j'avais faite à son encontre avait été un cadeau. Une superbe dague de guerre très fonctionnelle et d'excellente facture dont le manche se terminait par une tête de faucon finement ouvragée. Je ne lui avais adressé qu'un mot avec ce présent : "Digne de ma reine, je l'espère."
Et après cela, je n'avais eu de cesser de guetter Angela lors de ses combats, espérant voir briller la tête de rapace contre son corps. De mon côté, je m'étais faite forger l'exacte réplique, que j'arborais parfois contre mon aine, comme aujourd'hui.

Je savais qu'elle combattait dans un coin perdu, tout comme je savais pourquoi. Angela serait "mise en vitrine" pour attirer les curieux, qui paieraient certainement cher pour assister à ses combats et pour caresser l'espoir de la défaire lors de cette exhibition bidon. Aussi ne m'étais-je inquiété à aucun moment depuis son premier combat, ce qui m'avait permis de me torturer toute la matinée pour savoir si oui ou non j'allais me désigner. L'or ne m'intéressait pas et la nuit... L'idée de prendre Angela me ravissait, mais j'en étais toujours à me demander si c'était une bonne idée. Et puis, cela insinuait qu'il fallait que je tienne dix minutes ! On parlait d'une experte du combat, tout de même ! Je savais très bien ce que je valais, tout comme je savais ce qu'elle savait faire. C'était plus où moins du suicide. Jusqu'à ce que la matinée s'écoule. Angela devait être un minimum fatiguée et gênée par la chaleur qui devenait écrasante, non ? Alors c'était l’occasion rêvée, le moment où nos forces se vaudraient sûrement un peu.
Du moins l’espérais-je tandis que je me levais de mon banc de pierre, hélant le maître de la Reine.

- Je suis partant !
- Et on encourage le courageux prétendant ! Venez me rejoindre !

Ils encouragèrent. Vivement. Parce qu'ils étaient persuadés que j'allais au massacre et qu'Angela aurait une nouvelle occassion de faire du tricot avec les intestins d'un type persuadé de ses chances à pouvoir la vaincre en duel. En fait, je les comprenais et ressentais tout de même la pression. Mais je ne pouvais plus me défiler, pas vrai ? La foule se déchaînait tandis que je sautais prestement dans la fosse, le regard braqué sur ma belle. Encore plus désirable et redoutable à cette distance.... Dix pas à peine. Planté à côté du maitre d'Angela, je laissais ce dernier me dire que la seule règle que j'avais était de ne pas la tuer si je m'en avérais capable. Pour le reste, il me fallait donc tenir au minimum dix minutes face à elle pour remporter l'accès à ses cuisses. Ca paraissait facile, pas vrai ? Ca risquait d'être dix très longues minutes, pourtant.
L'homme se dérobant en excitant une fois encore la foule et je me retrouvais seul face à Angela au centre de l'arène, mes yeux allant jusqu'à son arme. Ce n'était pas avec mon épée que j'allais pouvoir contrer les assauts d'un truc pareil, c'était certain ! Il allait donc falloir que je change d'équipement.

- Hm... Tu permets ? Déjà que je ne pars pas avantagé, que j'ai au moins un peu de répondant à te proposer...

Je détachais la ceinture qui gardait mon épée et la jetait avec l'arme à quelques mètres de là, ma veste de cuir suivant rapidement le même chemin. Je lui désignais mon revolver à barillet, que j'envoyais également valser. Ne restait plus que ma dague à tête de faucon, qui ne me serait pas d'une grande aide... Heureusement que j'avais prévu ça ! Levant deux doigts brillants d'un éclat bleuté face à moi, je traçais dans l'air une rune arrondie qui resta en suspension et bien visible le temps que j'appose ma paume à sa surface. Aussitôt fait, un éclair de lumière brilla et je me retrouvais armé d'un Guan Dao que j'espérais assez solide pour faire l'affaire. L'assistance laissa passer quelques exclamations de surprise, mais je savais qu'il en fallait plus pour impressionner Angela, ce qui n'était d'ailleurs pas mon but. J'étais conscients du fait que je perdrais la vie si je ne la prenais pas au sérieux. Fort heureusement, je maîtrisais très honorablement l'arme que je m'étais choisi.

- Je te respecte, Angela. Vraiment. Alors autant te dire que je ne vise pas les dix minutes, non... Je vise la victoire. Après tout, ce n'est pas à une pute que je m'adresse mais à une guerrière, pas vrai ?

Je chargeais, sans autre préliminaires que cette rapide déclaration. Ma hallebarde jusque là placée en arrière fila lourdement sur elle pour une taille horizontale visant son côté gauche, que j'allais appuyer d'un mouvement de hanche puissant afin de lui donner un impact supplémentaire. Si la belle parait, je ferais passer rapidement l'arme à mon autre main par mon dos, venant l'attaquer avec le pommeau d'acier qui garnissait le côté du manche opposé à la lame. J'éviterais de m'approcher trop près afin de ne pas risquer un coup de genou où un éventuel coup de sein qui s'avérerait, grâce à la pointe en métal garnissant ses globes, particulièrement dangereux...

Un volontaire, vraiment ? Angela observa le nouveau venu, qui fendait la foule pour se présenter, venant sauter dans la fosse de l'Arène. Elle le détailla rapidement. Il avait un air familier. Peut-être un spectateur récurrent. Le Présentateur du concours en sautait de joie. Il pensait que le nouveau venu n'avait aucune chance, même si la guerrière était déjà fatiguée par sa matinée à combattre.

Elle ne présentait, extérieurement, aucun signe de fatigue si ce n'est la sueur qui couvrait sa peau mise à nue. Elle avait quelques entailles, faites par des adversaires un peu plus coriaces, mais rien de bien méchant. Le sang formait déjà une croûte sur chacune de ces entailles. Mais intérieurement, elle était fatiguée oui. Elle avait tué trois hommes dans la matinée. Elle s'était foulée la cheville aussi, en évitant un assaut. Mais elle n'en montrait rien. Elle faisait face. Et le masque sur son visage cachait toutes ses émotions. Autant la souffrance que la jubilation.

Elle hocha la tête lorsqu'il parla de désavantage, et l'observa quitter sa ceinture, et se délester de ses armes. Son regard se fixa alors sur la tête de faucon qui brillait au soleil. Elle lui rappelait étrangement... Oui, elle lui rappelait la dague qu'un de ses admirateurs lui avait offert. Cette dague était magnifique d'ailleurs. Elle la gardait dans un fourreau, au creux de ses seins. Elle résista à l'envie d'effleurer la tête de faucon qui émergeait à peine de son armure.

Elle sourit en voyant son adversaire "invoquer" une arme. Elle se demandait ce qu'il faisait au départ, mais elle comprit bien vite. Elle admira l'arme qu'il fit apparaître. Elle inclina la tête, signe de respect envers son adversaire, autant pour le courage qu'il déployait à venir l'affronter que pour l'astuce dont il faisait preuve dans le choix de l'arme. Elle le savait gré, aussi, de sa petite déclaration. De ne pas viser les dix minutes, mais la victoire. Elle ne put répondre cependant, qu'il attaquait déjà. Bien. Un point pour lui.

Elle observa la trajectoire de l'arme, et l'évita au dernier moment, laissant l'acier tinter contre le manche de son arme qu'elle avait à peine lever pour parer. Elle ne s'attendait pas à ce qu'un "novice" embraie directement par un autre coup, mais il faut croire qu'il n'était pas si novice que ça. Elle admira le coup de main, et recula d'un pas pour ne pas subir de plein fouet le pommeau qu'elle laissa l'atteindre pour, d'un geste ample, abattre son arme sur le bras de son adversaire qui tenait la sienne.

Elle espérait le désarmer. L'handicaper doucement, sans trop de dégât. Elle n'avait pas pour but de le tuer. Tuer un homme qui n'était pas un gladiateur ne comportait pas de gloire. Et puis, il ne méritait pas de mourir juste pour satisfaire le bon égo des propriétaires d'Angela. N'appelez pas ça de la pitié pour autant. En fait, elle désirait juste contrarier ses "maîtres". Elle comptait l'handicaper suffisamment pour qu'il ne puisse plus la combattre.

Mais rien ne disait qu'il se laisserait si facilement avoir, n'est-ce pas ?

« Tu te débrouilles bien, pour un civil. »

Sa voix avait un ton métallique, étouffé. Elle sortait de sous le masque après tout.

Je n'avais pas espéré de la première passe qu'elle puisse blesser ma belle lionne à la gueule d'or. Je ne cherchais qu'à la "saluer" et à lui signifier que je n'étais pas tout à fait un amateur. Sa réplique fut vive et aisée. Après avoir reculé d'un pas pour ne pas encaisser trop violemment le coup de pommeau, Angela réagit en déplaçant son arme pour qu'elle vienne frapper le manche de la mienne. Bien joué ! Surpris par l'action, je lâchais mon hallebarde mais la rattrapais avec le pied, évitant ainsi qu'elle ne roule dans le sable. En guise de contre-attaque (enfin, surtout pour gagner du temps), je dégainais la fameuse dague à tête de faucon et donnais un large coup circulaire. Juste de quoi l'empêcher de frapper à nouveau, me permettant de me dégager en empoignant le Guan Dao pour effectuer un petit bond en arrière afin de me mettre à distance respectable, non sans m'avérer hors de danger. Pfiou ! Quelques mouvements et j'avais déjà failli être désarmé.
Pourtant, malgré tout, un sourire de satisfaction illuminait mon visage. Le plaisir de la voir, de sentir l'odeur fauve et excitante de sa peau, d'entendre le son étouffé de sa voix. Et ses quelques mots à mon attention.

- Héhé... Merci. Je n'ai pas de mérite, je t'ai vue te battre tellement de fois que j'ai, je pense, une idée correcte de ton style.

Après l'avoir faite tourner dans ma main avec élégance, je replaçais la dague dans son fourreau et admirait un instant la poitrine d'Angela. Plus que l'agréable vallonnement de ses seins, c'était sur la dague que je m'étais arrêté.

- Je suis flatté que tu la porte, vraiment. Mais je me sens insulté, tout de même. Je te considère comme une guerrière mais toi... Non. Tu compte gagner en restant sur la défensive ?

Me mettant en position de garde, je l'invitais à passer à l'action. Quand elle approcherait, je tenterais de la contrer par des assauts donnés de la pointe de mon arme. Et, si elle m'en laissait l'occasion, je foncerais sur elle non pas pour tailler, mais pour trancher d'un coup direct porté vers sa cuisse.