Même à Tekhos, pays réputé pour rejeter la magie, on pouvait trouver des choses utiles pour une magicienne. Il était assez inhabituel que Samara se rende dans cette ville, mais « inhabituel » ne voulait pas dire qu’elle n’y allait jamais. En tant qu’ambassadrice ashnardienne, elle était parfois amenée à s’y rendre, et c’était justement dans le cadre de cette mission qu’elle se tenait à Tekhos Metropolis. Elle était supposée assister un citoyen ashnardien poursuivi par les autorités tekhanes, mais en profitait pour faire du tourisme. Pour ne pas alerter les esprits, quand elle sortait, Samara utilisait une potion qui permettait de blanchir sa peau, et de rétracter sa longue queue, afin de lui donner l’apparence d’une humaine. Ce simpliste sortilège était malheureusement une nécessité à Tekhos, où les Tekhanes n’appréciaient que très modérément les autres espèces. Si Samara pouvait se balader avec sa belle et fine queue dans les coursives des tribunaux, quand elle était dans la rue, il en allait différemment.
Elle se rendait dans une partie assez mal famée de Tekhos, en raison de sa forte concentration masculine. C’était un endroit assez pauvre, presque une sorte de ghetto. Un enchevêtrement de petites rues, d’immeubles délabrés, de magasins fermés, où les patrouilles étaient nombreuses, et où on pouvait voir, au loin, les immenses gratte-ciel de la ville. Elle s’y rendait dans le cadre de sa mission, car elle était supposée retrouver un témoin supposé les aider. Le citoyen ashanrdien était accusé d’être venu sur Tekhos Metropolis afin d’obtenir, en toute illégalité, des schémas tactiques d’armes tekhanes auprès de marchands d’armes. C’était une pratique courante pour les Ashnardiens, mais qui n’en restait pas moins une violation des conventions internationales sur la neutralité tekhane.
Samara s’avançait le long des ruelles, voyant ici et là des toxicos, des prostituées malades, des dégénérés... La lie de toute société, les marginaux. Il y avait beaucoup de délinquants ici, mais aussi bien des ouvriers, des agents de surface, des éboueurs... Tous les postes qui étaient offerts par les employeurs n’ayant pas les moyens d’utiliser des robots pour le faire, ou qui préféraient bénéficier d’allocations en embauchant un certain nombre d’humains. La démone s’avançait sans aucune crainte, ayant toutefois un capuchon sur son visage. Elle ne voulait pas qu’on l’embête, et se dirigeait vers un grand immeuble, où elle devait voir son contact.
C’était un grand immeuble en construction. A l’entrée, un grillge ouvert ici et là permettait d’y entrer, et un panneau devant annonçait la construction d’un grand immeuble d’habitations, afin de redonner à ce quartier un « second souffle ». Il y avait effectivement quelques camions de chantier, des pelleteuses, mais l’immeuble était encore loin d’être terminé. Elle s’y avança sans crainte, avant d’entendre, autour d’elle, des sifflements. Ce n’était pas la rue la plus déserte du quartier, loin de là, mais, dans ce genre de circonstances, les badauds ont plutôt l’habitude de fuir que de venir en secours aux autres.
« On se promène, ma sœur ? » lâcha une voix sarcastique.
Il y eut quelques gloussements. Avec son capuchon, Samara pouvait effectivement, si on n’y faisait pas attention, ressembler à une religieuse. L’image la fit sourire, elle qui abhorrait l’Ordre. Elle resta le dos tourné, entendant plusieurs hommes se rapprocher.
« C’est pas un quartier où il faut se promener seule le soir...
- Heureusement qu’on est là, on te tiendra compagnie. »
Il y eut d’autres ricanements. Samara n’avait aucune illusion sur leur conception de « compagnie », et soupira Si elle se battait, elle récupérerait ses attributs démoniaques : sa peau rouge, ses petites cornes, et sa longue queue. Mais avait-elle une autre alternative ? Un homme l’attrapa à l’épaule, et la retourna fermement. Elle put ainsi mieux discerner ses agresseurs : une petite dizaine. Ils portaient des tatouages, des barres à mines
« Hey, t’es plutôt bien roulée, ma salope ! » s’exclama l’un des hommes.
L’un d’entre eux l’agrippa à la gorge, la plaquant contre le grillage, et écarta sa tenue de pèlerine, révélant son long corset noir. Un regard de désir brûla dans ses yeux.
« Putain de merde, soupira-t-il T’es une vraie pute, en fait ! »
Là, ça faisait un peu trop à entendre. Samara gifla l’homme, à la manière des démones, c’est-à-dire avec de longues griffes. Elle manqua lui arracher la joue, mais l’homme poussa un hurlement de douleur en tombant au sol. Les autres furent surpris, mais n’eurent pas la sagesse d’esprit de fuir. Un voyou armé d’une barre à mine se rua vers elle, la levant fort, et chercha à l’abattre sur elle. Elle évita très facilement le coup, mais s’en reçut un autre dans le cou. Elle n’était pas une démone très portée sur le combat physique, et le coup la fit fléchir. Elle sentit alors quelque chose de froid et de dur s’enrouler autour de son cou, et comprit qu’il devait s’agir d’une espèce de corde.
« On fait la rebelle, hein ? Mais on les connaît bien, ici, les allumeuses comme toi... Mais, ici, c’est pas ces pédés de nanas qui font la loi, c’est nous. Et on va t’apprendre le respect ! »
Un autre homme se posta devant Samara, qui banda les muscles, et le frappa au ventre, le repoussant. Celui serra alors sur sa gorge, et la queue de Samara se mit à glisser entre ses jambes, tandis que sa peau se mit à rougeoyer. Elle s’enroula le long de son torse, et Samara utilisa sa magie pour la faire grossir un peu. Ce fut presque une queue de boa, et elle alla s’enrouler autour de sa gorge, puis de ses bras. Il la lâcha, et se retrouvant à ses pieds, étouffé dans sa grosse queue.
« C’est plutôt moi, moustique, qui vais t’apprendre le respect. »
Elle serra fort, commençant à le broyer, faisant pousser à l’homme d’horribles hurlements de douleur. Celui à côté d’elle eut les yeux révulsés, et elle tendit un doigt vers lui, envoyant un arc électrique qui le frappa au torse. L’homme décolla du sol comme une espèce de fusée, et s’écrasa dix mètres plus loin sur une poubelle, son corps carbonisé par l’impact émettant des volutes de fumée. Samara porta ensuite son attention sur l’homme qui était dans sa queue, et, avec un léger sourire perfide, transforma encore sa queue, faisant apparaître une série de pointes le long de sa queue, qui s’enfoncèrent dans son corps en de nombreux endroits, le tuant sur le coup. Sa queue reprit ensuite une apparence normale, plus fine et plus douce, laissant le corps démantibulé. Terrorisés, les autres loubards tentèrent de s’enfuir. L’Archidémone envoya une boule de feu sur l’un d’entre eux, le faisant brûler. Il poussa des hurlements en flambant comme une torchère, et un autre glissa sur le sol, tombant par terre.
Elle s’avança lentement vers lui, de cette démarche que bien de ses amantes avaient qualifié de « sensuelle ». En l’occurrence, l’homme devait la trouver tout, sauf sensuelle. Elle émit un petit ricanement en voyant sa frayeur.
« Non... Pitié !
- Oui, soupira-t-elle, c’est toujours ce qu’on dit dans ce genre de situations. Je crois donc que je vais suivre la tradition. »
Elle l’attrapa à la gorge, le décollant du sol. Il se tortilla, mais elle utilisa sa magie pour renforcer légèrement ses capacités musculaires, et enfonça ses griffes dans son cou.
« Je pourrais te tuer bien rapidement, petit homme, mais je crois que je vais prendre mon temps avec toi... »