Samara ne tarda pas à en venir au cœur de sa requête. Elle venait tout simplement pour bénéficier du soutien de la Déesse des Sorcières, et ce afin d’asseoir ses relations au sein de la Cour impériale. Un choix assez judicieux, estimait Sha. Elle connaissait la Cour impériale, où il était difficile de se faire une place, surtout quand on n’était pas une militaire. Et cette démone n’avait pas l’air d’avoir une carrière militaire. Partant de là, se faire une réputation risquait d’être difficile. Silencieusement, l’Ombre écouta donc Samara lui faire sa proposition. Samara proposait tout simplement une alliance entre les deux, et Sha fit claquer sa langue, sans répondre sur le coup, avant de lentement lui sourire.
« J’ai tenu à vous rencontrer ici, car j’ignorais quelles étaient vos intentions. Que diriez-vous d’aller dans mon temple ? Je pense qu’il sera un peu plus approprié pour nos négociations que ce manoir... »
Sha tendit sa main vers Samara, afin que cette dernière la prenne. L’Ombre se téléporta alors, et atterrit devant son temple. C’était le plus grand bâtiment de ses terres. Le temple était massif. Certes, il était bien loin d’égaler les structures imposantes du cœur de l’Empire, mais il se défendait quand même.
« Le culte des sorcières n’a jamais eu un seul temple, expliqua l’Ombre. Jusqu’à maintenant... Voici ma maison, Samara. Si vous voulez être ma protégée, autant savoir dans quoi vous vous engagez... »
Samara était une belle démone, et Sha n’était pas insensible à la beauté. Pour autant, elle était suffisamment vieille pour ne pas se laisser abuser par la beauté. La démone était belle, mais elle était aussi belle que dangereuse. Hors de question de lui accorder son soutien si elle n’était pas sûre de sa loyauté. L’entrée du temple était un grand perron avec plusieurs gardes. Des femmes en armures, belles et autoritaires. L’énorme porte d’entrée, à double battant, s’ouvrit dans un grondement, et Sha monta les marches.
A l’intérieur du temple, elle avança à travers un immense hall d’accueil, dominé au fond par une grosse statue représentant une sorcière avec de nombreuses gravures sur le socle. Il s’agissait de paroles écrites dans la langue ancienne des sorcières, un idiome que même les démons ne connaissaient pas. L’Ombre ne s’attarda toutefois pas là, et suivit un couloir avec un confortable tapis qui les conduisit dans un petit salon. Le temple était grand, beau, majestueux et arrogant. A la gloire du renouveau des sorcières.
« Boirez-vous quelque chose, Samara ? J’ai la chance d’être plutôt bien fournie en alcools. Depuis que j’ai accordé une malédiction à un fabricant d’alcools, une distillerie m’offre gratuitement de l’alcool de bonne qualité. »
Sha sortit une bouteille d’un bon cru nexusien. Ashnard et Nexus avaient beau se taper dessus, les vignobles nexusiens étaient réputés. Elle sortit deux verres à pied, et remplit le contenu des verres d’un délicat vin. L’arôme était exquis, et elle tendit la coupe vers Samara, avant de s’asseoir sur un fauteuil. Samara pouvait s’asseoir face à elle, et Sha croisa les jambes, révélant de longues et belles jambes fermes. Elle but un peu, et posa le verre sur une table basse, avant de commencer à soliloquer :
« L’Empire m’a permis de construire ce temple. Les sorcières ont toujours été maudites, ont toujours été considérées comme... Comme des adoratrices du Démon, sans vouloir vous offenser. Partant de là, mon culte a toujours été secret, silencieux, dans l’ombre. Je suis à l’image de mes filles, après tout. Voyez-vous, si j’ai décidé de revenir sur Terra, de reprendre une forme humaine, c’était pour faire renaître mon culte. Partant de là, tout ce qui peut accroître ma puissance, ma réputation, est bon à prendre. Si l’Empire décide de se débarrasser de moi, ils le feront. Et je ne tiens pas à revivre ce que j’ai pu vivre dans le passé. »
La chasse aux sorcières, les massacres, les bûchers... Tout cela était marqué dans la mémoire de Sha, marqué durablement, et elle ne tenait pas du tout à le revivre. Elle enchaîna donc, en venant finalement au sujet de la conversation :
« Je ne demande que la sécurité, dans le fond. Mais ça, je l’ai déjà. Le Conseil Impérial n’est pas non plus complètement idiot. Avant mon passage, cette terre était abandonnée, désolée, laissé&e à la nature et à des clans orcs difficiles à unir. L’Empire serait fou de me chasser, mais on n’est jamais à l’abri d’un excès de folie. Partant de là, votre aide serait souhaitable pour me permettre d’assurer sans problème le renouveau de mon culte. Vous devez néanmoins garder à l’esprit, Samara, que bien des Dieux ne m’apprécient que peu... Ce qui est entièrement réciproque. Ma tendance à maudire leurs prêtres les agace, et le fait que je leur sois bien plus ancienne aussi. Tout comme mon aversion prononcée pour le sexe masculin. »
Sha regarda alors Samara, et enchaîna :
« En clair, je peux être votre mécène. Je peux vous fournir des gardes, de l’appui, vous soutenir, et vous pouvez bénéficier de mon hospitalité... Sous certaines conditions. Votre assistance auprès du Conseil est une bonne chose, mais elle est insuffisante pour que je daigne vous accorder ma protection. »
Voilà qui semblait inaugurer sous de mauvais auspices les négociations, mais l’Ombre se devait au moins d’être honnête, surtout avec une si belle dame. Sha poursuivit donc :
« Plusieurs éléments penchent toutefois en votre faveur : votre sexe... Votre beauté... Mais il faudra plus que ça. Je ne suis pas la Déesse des Femmes, ni la Déesse des Démones, et encore moins la Déesse de la Beauté. Non, je suis la Déesse des Sorcières, de la Malédiction, de la Corruption, et de la Souffrance. Quatre Attributs divins qui me donnent ma puissance. Si vous voulez mon aide, alors vous devrez aussi m’aider. Je doute que vous désiriez être une sorcière. Pour les malédictions, il faudrait vraiment que vous soyez dans un triste état pour les obtenir. Quant à la corruption, je ne peux pas corrompre une démone. Reste donc la Souffrance... Je ne vous demande pas de souffrir pour moi, rassurez-vous. Mais seriez-vous prêts à faire souffrir des gens pour moi ? A les torturer pour le simple plaisir de les faire souffrir ? »
Sha ajouta rapidement :
« La Souffrance est toutefois mon dernier Attribut divin, soit le moins efficace. Vous devrez donc faire autre chose pour moi... »
Sha ne précisa pas le fond de sa pensée, mais son regard en disait long sur ce qu’elle entendait par là.