« … La météo du jour, maintenant. Alors, Chris, à quoi faut-il s’attendre aujourd’hui ? … Et bien, écoutez, Lana, j’ai envie de dire que cette journée s’annonce plutôt bonne sur le sol japonais. De Tokyo à Kyoto, on prévoit des hausses de température assez agréables. Un temps idéal pour… »
Tout avait commencé ce matin, alors que Félicia écoutait les informations à sa radio, dans la cuisine de son bel appartement. Il y avait bien longtemps que Félicia ne vivait plus dans un studio. Elle avait commencé ainsi, quand elle était arrivée à Seikusu, ruinée par son divorce, notamment. Elle se servait un café chaud avec des tartines grillées, la radio débitant les actualités locales. Le réveil affichait 07h35 du matin, et elle bâilla. Être prof, c’était tout de même fatigant… Les stores abaissés de son salon laissaient filtrer quelques discrets rayons de soleil. Elle s’approcha de son grille-pains, quand la radio se mit à évoquer les actualités régionales.
« Aujourd’hui, une superbe exposition archéologique, organisée par M. Nishimura, le magnat des médias, aura lieu aujourd’hui. Des œuvres rarissimes seront exposées. Elles ont été retrouvées dans divers coins du monde par une archéologue de renom, dont les péripéties rocambolesques ont souvent fait fleurir les journaux. M. Nishimura a tenu à ce sujet à préciser que l’archéologue en personne se trouverait sur place.
- Payer pour voir des ossements, faut-il être stupide, commenta Félicia en caressant un chat qui miaulait près de l’évier, buvant avec son autre main du café.
- Parmi les œuvres présentées, on trouvera notamment la dague de Xian. Précisons que, malgré les multiples œuvres faites par les musées, ces biens sont la propriété de Mademoiselle Croft. Ceci n’est pas sans posé problème, car certains États considèrent que ces biens relèvent de leur patrimoine historique. L’État chinois a été jusqu’à proposer à Mademoiselle Croft une somme estimée à plusieurs milliards de yens…
- Oh putain ! » s’exclama Félicia, renversant par mégarde une partie de son café sur la queue du chat.
Ce dernier se mit à fêler en sortant les griffes, bondissant de surprise.
« Pardon, mon minet ! s’exclama Félicia en reposant sa cafetière. Bon… Je sais ce qu’il me reste à faire cet après-midi, moi… »
L’exposition archéologique était ouverte à n’importe qui, du moment qu’on avait l’argent nécessaire pour rentrer. Les tarifs n’étaient toutefois pas prohibitifs, et, après sa matinée au lycée, Félicia profita de son après-midi libre pour aller voir d’un peu plus près cette exposition. Le lieu où elle s’organisait en jetait. Une espèce de château médiévale typique du Japon, où bien des gens venaient. Le lycée de Seikusu devait sûrement organiser une ou deux excursions culturelles, mais Félicia, elle, ne venait pas vraiment pour enrichir sa culture. Nishimura exposait toute sa collection personnelle, avec en clou de la présentation les trésors récupérés par Mademoiselle Croft aux quatre coins de la planète. Cette dernière était une assez belle femme, comme put en juger Félicia en la voyant, même si elle préférait plutôt regarder les systèmes de sécurité de ce palais.
Pour l’occasion, Félicia Hardy portait des lunettes noirâtres, des bottes, et des vêtements assez classieux, rien qui évoquait une professeure de sport. Elle sentait l’excitation battre dans ses veines, retrouvant le bon vieux plaisir lointain du cambriolage, quand elle s’infiltrait dans des manoirs, des suites luxueuses, afin d’y ouvrir des coffres-forts pour s’emparer de quelques précieux butins, quand elle allait dans des musées, des bijouteries, etc, défiant les systèmes de sécurité. Pour le compte de Luke Cage et du Caïd, elle avait été jusqu’à s’infiltrer dans des bases militaires, des laboratoires de recherche secrets. En comparaison, cette espèce de palais semblait être une partie de plaisir.
*Dommage que je manque à ce point de pratique… Caméras de sécurité, lasers, détecteurs de mouvement… Le grand classique… Ce Nishimura a de quoi se payer une bonne installation…*
Le clou de la représentation fut une épée légendaire, Excalibur. Elle était dans une grande vitre sécurisée avec un mot de passe et une carte de sécurité. Lara Croft présenta cette épée comme un bien difficile à récupérer, mais de grande valeur, ce dont Félicia ne doutait pas, sentant la pluie de dollars miroiter à l’idée d’avoir cette épée. Collectionneurs, musées, elle imaginait déjà les enchères monter et les zéros se multiplier pour détenir cette épée, et elle acquit la conviction qu’elle devait la récupérer. Excalibur semblait être la pièce ayant la plus forte valeur au sein de cette collection. Partant de là, c’était celle que Félicia se devait de récupérer.
La représentation se termina, mais Félicia continua à flâner un peu, observant des tableaux de grands maîtres, des sculptures, des statues, recherchant surtout comment le système de sécurité, discret mais présent, s’exécutait. Outre des appareils de sécurité, il y avait aussi des vigiles, qui devaient sûrement patrouiller la nuit. Un défi à la hauteur de la Chatte Noire. Félicia se retira.
Quelques heures plus tard, sous le couvert de la nuit, une forme discrète traversait les arbres. Les lumières de Seikusu brillaient dans le fond, comme mille diamants édentés, et la forme noirâtre, mais moins gracieuse, passa par les bois et les jardins entourant la propriété. Pour s’infiltrer dans le palais, la Chatte Noire passa, après quelques hésitations, par les toits. Elle aurait également pu emprunter les canalisations et le système d’égouts pour rejoindre le palais en passant par les thermes, mais le chemin aurait été plus difficile. La possession de Nishimura était un ancien palais public, qui avait fait l’objet d’une cession pour renflouer les fonds du Japon à la suite des crises financières ayant ébranlé le pays dans les années 1990’s. Il était toujours, dans les archives de la bibliothèque municipale, d’obtenir des plans de ce palais, plans à partir desquels Félicia avait planifié son entrée et sa sortie. En étant trempée, elle avait plus de chance d’attirer l’attention, notamment au niveau des empreintes sur le sol.
Elle rejoignit donc le toit en passant par l’arrière du manoir, se faufilant dans les jardins, esquivant les quelques vigiles qui avançaient. Une véritable petite armée privée. Depuis l’une des tours, Félicia se mit à descendre prudemment, repérant les détecteurs de mouvement, qui effectuaient des balayages. Félicia parvint à les éviter sans trop de difficulté, grimpant par les murs, tout en jetant un coup d’œil à sa montre. Elle avait minutieusement préparé son casse. Il était impossible d’obtenir le passe permettant d’ouvrir la vitre comprenant Excalibur, mais, fort heureusement, Félicia avait d’autres atouts dans sa manche.
Elle descendit donc la tour, entrant dans le bâtiment principal, évitant les rondes des vigiles, ses sens affutés lui permettant de se déplacer à travers les conduits et autres couloirs. Avant de rejoindre l’exposition, elle comptait se rendre près des générateurs électriques alimentant toute cette installation. Elle passa par une porte de maintenance qu’elle avait vu lors de la journée, utilisant pour cela la carte de sécurité qu’elle avait subtilisé à un vigile, utilisant pour cela ses talents de pickpocket. Un léger soupir de soulagement traversa ses lèvres quand la carte fonctionna. Dans certains lieux sécurisés, comme les bunkers du S.H.I.E.L.D., la perte d’une carte de sécurité devait immédiatement être signalée, afin qu’elle soit déclarée hors-service. Ouvrant la porte, Félicia se faufila dans les locaux de sécurité, où elle ne tarda pas à trouver des plans plus précis que ceux qu’on trouvait pour prévenir des alertes incendies, et qu’elle avait pris soin de photographier en même temps qu’elle prenait des photos sur des statues. Elle repéra ainsi l’emplacement des générateurs électriques. L’installation électrique était assez décentralisée, et elle se rendit près des générateurs alimentant le bloc central, y plaçant de quoi surcharger temporairement les générateurs, à l’aide d’un court-circuit.
Ceci fait, Félicia se rendit dans la salle des expositions, toujours aussi discrète, évitant soigneusement les caméras, les lasers, les vigiles, et les détecteurs, tant de bruit, que de présence. Avec sa démarche lente et féline, ses pas étouffés n’émettaient aucun son suffisant pour alerter les détecteurs, et elle parvint ainsi devant la vitre comprenant Excalibur. Cette dernière était entourée de lasers discrets, mais le simple fait de toucher le verre sans avoir entré le code suffirait à déclencher l’alarme. Néanmoins, Félicia était cambrioleuse depuis suffisamment longtemps pour savoir qu’aucun système de sécurité n’était infaillible, surtout celui fonctionnant à l’électricité. Elle inspectait silencieusement l’ensemble. Il y avait une caméra filmant Excalibur, et probablement un détecteur de poids sous Excalibur. Elle regarda à nouveau sa montre. 5… 4… 3… 2… 1…
Quelque part dans les profondeurs du manoir, quelque chose venait de faire *PSSSSCHIIIIITT*, et le générateur principal s’était éteint. Le temps que le générateur de secours prenne le relais, Félicia avait une dizaine de secondes pour agir, selon ses calculs. Rien ne devait être laissé au hard, ou, du moins, le moins possible. La Chatte Noire avait fait suffisamment de simulations auprès de Fisk pour savoir combien la préparation était fondamentale à un casse. Elle s’était renseignée sur le système électrique, notamment sur la société ayant fourni ce système, pour savoir qu’il existait un court laps de temps entre le moment où un générateur principal alimentant une grande installation électrique passe le relais au générateur de secours. Profitant de ce court moment, Félicia bondit vers la vitre. Cette dernière était solidement fermée, mais elle disposait fort heureusement de rossignols, et s’en servit pour ouvrir avec dextérité la serrure, sans la crocheter. Elle contempla la belle Excalibur pendant une ou deux secondes avant de rapidement la prendre, la remplaçant par un bout de bois de taille et de poids équivalents. Elle referma ensuite la vitre, et fila se mettre à l’abri.
Elle eut à peine le temps de se mettre sur un balcon à l’abri que deux vigiles ne tardaient pas à arriver. Ils comprirent rapidement que quelqu’un avait subtilité Excalibur, et le premier courut vers une sonnerie d’alarme, tandis qu’un autre rugissait dans un micro :
« Vol ! Un vol ! Quelqu’un a volé Excalibur ! »
L’alarme se mit à rugir dans les oreilles de Félicia, tandis que des herses de sécurité s’abattirent sur les couloirs permettant de sortir. Sortant des 9mm équipés de projecteurs, les vigiles se mirent à éclairer les recoins. Nullement paniquée, ayant après tout connu bien pire, la Chatte Noire passa par un conduit de maintenance, qui l’amena, après plusieurs couloirs et escaliers, dans les appartements privés de Nishimura et de ses invités. Elle avança le long d’un couloir, avant d’entendre des bruits de pas venant de l’autre côté, un halo de lumière éclairant les murs.
*Et merde !*
Félicia ouvrit alors rapidement la première porte qui s’ouvrait à elle, et déboucha dans une espèce de salon luxueux et éclairé. Sans s’attarder longtemps, elle se dirigea vers une porte entrouverte, apercevant une chambre, et l’écarta très légèrement, avançant vers la fenêtre. Elle ignorait dans quelle chambre elle avait débarqué, mais elle ne comptait sûrement pas rester là, avec son précieux butin.