Ko, on ne souhaite pas la mort de personnes pratiquant notre métier, surtout que deux d’entre eux travaillaient pour moi… D’ailleurs, j’aurais peut-être bien été la cinquième victime, si ta sœur et ta mère n’avaient pas insisté pour que je me repose… Enfin, bref!
Apparemment, la menace avait fait son effet, Atsuko m’avait fait une réponse qui avait tout à fait un sens. Alors que son frère aîné, bien qu’intelligent, agissait par orgueil, la jeune femme, quant à elle, aimait bien mettre de côté ce péché pour pouvoir trouver la meilleure manière d’agir. Bien que je ne sois ni pour, ni contre l’idée d’assister à ce repas-mascarade, voir mes enfants à l’œuvre pour la première fois… J’en étais presque ému. Alors que je les regardais tous les deux, assis et discutant de leurs techniques d’approche, Kotaro se vantant qu’il connaissait bien quelques manières de lui faire du mal… M’avançant vers les deux êtres qui consistaient ma progéniture, je tournai ma tête vers le jeune homme.
Tu veux bien nous laisser un instant, seuls, Atsu et moi? J’ai à lui parler en privé.
Alors que Kotaro hocha la tête avant de partir, je pris sa place sur la chaise rembourrée, me penchant vers ma fille. Si la tirade que je lui avais envoyée tout à l’heure était habituelle, même presque traditionnelle, ce que j’avais à lui dire, c’était la première fois. Entrecroisant les doigts de mes mains, ce qui était loin d’être mon habitude, je soupirai avant, les yeux baissé, de parler, une sorte d’excuse.
Je sais que je suis dur avec toi, plus que Kotaro. Mais tu comprends qu’avec ce que je fais, sur Terra comme sur Terre, que je m’attires beaucoup d’ennemis, des gens qui connaissent votre existence et qui pourrait vous faire du mal… En ce qui concerne Ko, je n’ai aucune crainte pour lui; il est fort, c’est un dur, solide, mais par-dessus tout, sans pitié, il tient de moi. Cependant, ce n’est pas ton cas… Toi, tu tiens de ta mère : douce, généreuse, tu apprécies la vie, et je dois te protéger plus, mais viendras un jour où je ne pourrai plus le faire, à ce moment là, tu devras compter sur toi-même. Écoutes, Atsu, je vous aime, toi, ton frère et ta mère… Vous êtes ce que j’ai de plus précieux dans ce monde. Ne t’inquiète pas, je sais que tu ne reprendras jamais les rennes de l’entreprise, et je ne t’y forcerai jamais. Comme Dylan a sauvé les miettes qui restaient de mon âme, je comprends maintenant que, si tu es dans cette famille, c’est pour que tu puisses sauver celle de ton frère, alors qu’il sera aux commandes… Au fait, ne t’inquiètes pas pour ton héritage, ce n’était que pour faire les choses à fonds, alors que Ko était là… Pour le chevalier, je sais que tu ne voudrais pas le faire, mais fais-le, pour ton frère et moi.
Me relevant, je lui dis d’aller mettre ses plus beaux habits, que notre invité allait arriver dans quelques instants. Faisant de même, j’entrai dans la chambre des maîtres pour y enfiler quelques nouveaux vêtements après avoir retiré ceux que j’avais déjà. Quelques minutes après, Harim vint me voir, me disant qu’il avait recueillit l’invité et l’avait, sous mes instructions assis à la table, où les serviteurs avaient déjà servi le potage de légumes.
Le remerciant d’un sourire et lui donnant congé, je sortis de ma chambre où je lisais tranquillement le registre des ventes, avant d’appeler Kotaro et Atsuko, que le repas et l’invité étaient servis. Entrant dans la salle à manger, je pus constater que le chevalier portait autre chose que l’armure décrite par ceux qui m’avaient si poliment demandé de lui servir une leçon. Tout souriant, je m’approchai de lui avant de serrer sa main avec une fausse ferveur.
Vous êtes le sauveur de ces pauvres esclaves? Enchanté de vous connaître, je suis Hiro Atayoshi, et je vous présente mes enfants, Kotaro Atayoshi et Atsuko Atayoshi! Nous sommes très reconnaissants pour ce que vous avez fait, et honnêtement nous tenions absolument à vous rencontrer, je n’aurais pas accepté un refus de votre part!
Dans un grand éclat de rire, je fis signe à mes enfants de venir le saluer, puis nous nous assîmes à une longue table, moi à l’autre bout, mes enfants d’un côté comme de l’autre, alors qu’un serviteur nous mit un bol chacun empli de potage. Souhaitant un ‘’bon appétit’’ à notre invité, je pris quelques cuillérées de la soupe avant de lever la tête vers le blond.
Ne vous inquiétez pas, je sais que ça parait louche qu’un homme de mon… rang ne vous invite à dîner, mais je ne suis qu’un marchand, qui fait affaire avec presque tous les fermiers de la ville… On peut ainsi dire que j’ai le monopole du lait!... Mais si vous nous parliez de vous?
Plusieurs minutes, et quelques services, passèrent, où nous discutâmes avec le chevalier, riions, mangions, buvions. Soudain, Harim revint vers moi avant de me murmurer quelques mots à l’oreille. Évidemment, il ne m’avait rien dit, sauf qu’il était temps de laisser la place à la relève, d’un petit air faussement mécontent, je pris la serviette de tissu avant de m’essuyer les lèvres du liquide qu’il y avait dans le bœuf, et qui avait atterri sur ma bouche, au lieu de dedans. Me relevant de la chaise, je fixai mes yeux de glace dans ceux de mon invité.
On dirait qu’un de mes fournisseurs est mécontent de son paiement, et qu’il est impératif que je le rencontre dès maintenant… Ahh ces fermiers! Vous deux, comportez vous en bons hôtes, et offrez à notre ami un nouveau verre, je vois que le sien est vide!
M’excusant une nouvelle fois, je sortis de la salle, me dirigeant vers la salle d’audience, où je passais le plus clair de mon temps, quand la nuit était tombée.