[Passons sur l'incohérence, le fait qu'il ait, comme ça, 25 000 pièces d'or à débourser pour une esclave, qu'il connaisse le système de vente d'esclaves et la notion de tarifs alors qu'il vient de débarquer, qu'il ait payé une robe à 10 000 pièces d'or ce qui équivaut au prix d'une bonne esclave... Oui, je suis pointilleux sur les détails, mais ce sont aussi les détails qui font qu'une histoire est bonne ou mauvaise.]
Law finissait son verre, avant de l'abandonner sur sa table, quand un type surenchérissait. Il se dressait sur le rebord du toit, observant le nouvel arrivant. Quelqu'un au port fier, qui se trimbale avec deux pouffiasses visiblement pas malines. Jamais Law n'aurait à son bras ce genre de filles lors de ses sorties, d'autant plus quand il décide de remarquablement bien s'habiller. Est-ce une façon nouvelle d'affirmer qu'on dispose de sac à foutre ? La notion de réputation a-t-elle disparue ?
-Isaac ? C'est qui, ce mec ?
L'impressionnante mémoire du premier lieutenant de Law se mettait en marche. Sa capacité de réflexion dépassait l'entendement, et il ne se contentait pas de regarder la physionomie du type pour trouver qui il était : Il regardait aussi ses vêtements, son attitude, un quelconque signe distinctif, sur lui ou sur l'une de ses chiennes... Il tentait de faire un lien logique, peut-être un trait spécifique : Une teinte de cheveux spécifique, une forme de menton faisant penser à une grande famille ? Il n'y a que dans ces yeux, dont la lueur était d'un particularisme qui aurait pu le mener sur une piste ; mais non. Il pousse un soupir de déception.
-Totalement inconnu au bataillon. Noble, sans aucun doute. Non, fils de noble. Son titre n'est pas encore personnel, seulement dérivé de son ascendant. Il dépense l'argent de papa. Il n'a pas de notion de l'argent, et est probablement mauvais en négociation. Il n'a pas la réalité de son titre.
-On a plus ou moins les mêmes conclusions. Tu as la même idée que moi ?
-Enlèvement pour rançon ?
-Exactement, mon Isaac. Les bestioles comme ça sont des proies rêvées. Tu me mets des hommes pour le suivre, s'il te plaît. Je vais mener la transaction moi-même, finalement.
Tandis qu'une torpeur était retombée sur la foule, attendant que quelqu'un n'annonce un prix plus haut, Law était descendu du restaurant et paraissait dans la foule. Il n'hésitait pas à se mêler à elle, ses gardes ayant eu pour ordre de rester à l'arrière. Et le voilà qui... monte sur l'estrade. Il va serrer la main au vendeur – probablement un collègue qu'il connaît un peu, entre esclavagistes, on se connaît – puis lui tend à l'oreille, en murmurant :
-Je te conseille de ne pas compter longtemps sur le type qui vient de faire l'annonce. Il ne sera plus en état de payer sous peu, je peux te le garantir.
Clin d’œil entendu. Dans le milieu, celui qu'on appelle communément Tyler Raine est connu : Un esclavagiste sauvage, le Roi des Bas-Fonds, et même hors de son territoire, il impose une certaine loi, notamment quand on touche à ce genre de commerce. Et ce qu'il venait de balancer était tout à fait logique : Personne ne se baladait avec autant de pièces d'or sur soi, ça équivaudrait à se balader avec des coffres entiers remplis de fric, ce qui est inconscient et surréaliste. Non, ici, on promet de payer. Ici, tout est censé être en paiement différé. Et si l'acheteur disparaît ou meurt, le vendeur se retrouve sans son paiement. D'où cette réalité de ne vendre qu'à des gens sur qui l'on peut avoir, par exemple, une adresse où aller chercher l'argent. Tout haut, il clame à la foule :
-J'offre... 17 000, comme je l'ai indiqué tout à l'heure.
Il venait de sous-enchérir, en fait. Il proposait moins que Lelouch, mais la parole qu'il venait de glisser au vendeur – et, d'ailleurs, la menace qui pesait sur ce même vendeur si jamais il défiait Law en public – risquait d'être assez persuasive pour qu'il cède, devant toute la foule, au nexussien plutôt qu'à ce nouvel arrivant, cet intrus sur les terres d'un homme qui est le maître, direct ou indirect, de la plupart des transactions louches sur cette partie du monde.
Concurrence déloyale ? Certes. Qu'il appelle la garde, pour voir à qui ira leur faveur. À celui qui verse des pots-de-vins faramineux aux commandants de l'armée, ou à celui qui vient fraîchement de débarquer dans un monde où il n'a pas la moindre influence ?