Sorcière, Magicienne... Quelle différence ? J'étais terrifiée. Ce n'était pas normal, ce genre de choses. Pourquoi fallait-il que ça tombe sur moi ? Je ne vois pas en quoi risquer d'être pendue ou brulée, pour pratique de sorcellerie, pourrait me sauver. J'essaye pourtant de calmer mes pleurs et les spasmes qui secouent mon corps. J'aimerai tant fermer les yeux, et me rendre compte que tout ceci n'était qu'un rêve. Pourtant, Geralt est toujours là quand je rouvre les yeux, avec son regard toujours aussi sévère - lui arrive-t-il de se dérider, parfois, et de paraître gentil ? Je renifle une dernière fois, fais sortir un mouchoir de ma manche pour me tamponner les yeux et m'essuyer le nez. Et bien entendu, une fois la crise finie, je me dis que ce n'est pas en fondant en larmes à chaque fois que je vais devenir plus forte...
J'écoute Geralt, donc, tête basse, car de toute façon, je n'ai pas le choix... Il semble impressionné par ce que j'ai fait ce soir - enfin, ce qu'il pense que j'ai fait. Et moi, et bien, je ne veux pas faire tout ça, tout ce qu'il dit. Je veux seulement retrouver mon frère, et m'enfermer dans un endroit sûr, où je pourrai continuer à jouer avec mes cartes, inventer de nouveaux tours, et surtout, sans avoir besoin d'être dehors, à fuir en faisant confiance à un homme visiblement sans coeur et terrifiant. Aussi, quand il me fait signe de prendre sa place sur la chaise, je n'ai pas d'autre choix que d'obéir... Dieu seul sait ce dont cet homme serait capable si je me rebellai. Moi, peureuse ? Non, si peu...
Je viens donc m'asseoir, et il pose une tasse en terre cuite devant moi. Je la regarde, incrédule, et il me donne mes instructions. J'ai envie de lui dire : "Il est tard, nous devrions nous reposer." ou encore geindre et pleurer : "Je n'y arriverai jamais." Pourtant, il suffit d'un simple coup d'oeil pour le voir debout, à côté de mois, les bras croisés, et ce regard toujours aussi sévère, qui interdit toute objection. J'ouvre la bouche, mais aucun son n'en sort. Alors je reporte mon attention sur la tasse devant moi. Mon regard reste rivé dessus si longtemps que j'en connais la moindre imperfection, la moindre ligne... OU peut-être est-ce ma mémoire qui retient tout cela en un temps relativement court ? Aucune idée. Pourtant, j'ai beau fixer cette tasse, souhaiter l'envoyer dans l'armoire que le sorceleur m'a désignée, rien ne se passe.
Je me souviens qu'il m'a dit que j'avais dit des mots étranges, comme si je parlais une autre langue. Je ferme les yeux quelques instants, et j'essaye de me remémorer avec plus de précision ce qui s'est passé la veille au soir, juste au moment où nous nous sommes retrouvés dans cette ruelle par magie.
Je frissonne à ce dernier mot, et ferme les yeux un peu plus fort. Je ne devrais pas m'obstiner ainsi ; il se moque peut-être de moi, en fait... Je me souviens avoir prié très fort d'être loin. Et c'est tout. Je soupire, persuadée de ne pas pouvoir réussir. C'est quelqu'un qui a du nous transporter à l'extérieur. Je rouvre les yeux sur cette fichue tasse qui n'a toujours pas bougé. Je n'ose pas regarder Geralt et je murmure :
- Je n'y arriverai pas. Ce n'était pas moi, ça doit être quelqu'un d'autre qui nous a fait sortir.
Il ne bouge pas. Et il ne dit rien. Je sens qu'il attend, et je sais qu'il ne vaut mieux pas que je lève les yeux vers lui, c'est juste un coup à être foudroyée sur place. Je frissonne. Je continue à regarder la tasse, et à mesure que le temps passe, j'en viens presque à la détester. Bouge, bon sang, BOUGE !! Je fronce les sourcils, j'ai encore envie de pleurer tellement je suis frustrée de ne pas pouvoir faire ce qu'on me demande. Je me permets un nouveau soupire, appuie ma tête dans le creux d'une main. De ma main libre, je mime une pichenette vers la tasse, et je lui murmure :
- Go.
Et bien sûr, rien ne se passe. Pourtant, je continue, et à la quatrième fois - après un juron en irlandais, Mère me pardonne !! - je prononce le mot différemment. C'est difficile à expliquer, mais je ne sais pas ce que je dis avec précision. Je sais que je ne l'ai pas dit de la même façon, et comme par hasard, la tasse part s'écraser sur le mur en face de moi. Bouche bée, je reste un instant tétanisée, avant de pointer le mur du doigt et de regarder Geralt :
- Vous avez vu ça ??