Peut-être que le chef du village s’était payé sa tête, finalement. Les villageois d’Osid étaient certes mal en point, mais un rapide coup d’œil avait permis au Roi de déterminer qu’il y avait de plus grande probabilité pour que leur problème provienne d’une hygiène négligée que d’un mauvais esprit ou d’une malédiction. Cependant, il avait promis de faire une enquête en bonne et dû forme, et Serenos avait bien des défauts, mais trahir une parole donnée n’y figurait pas. Le chef d'Osid disait que certains villageois s'étaient écarté du village, disparaissant pendant des jours, avant de revenir, complètement sapé de leur force. Ces gens, de jeunes hommes, clamaient avoir été enlevés par des esprits.
Il quitta le village, qu’il avait atteint la veille, dans les environs de midi, et s’engagea sur le sentier qui menait vers un bois au nord du village. Il n'eut pas à s'aventurer bien profondément avant d'être corrigé dans ses préjudices; à peine franchit-il l'orée des bois que ses sens se mirent en alerte, trahissant la présence de magie dans les environs. Le vieux, finalement, n’avait peut-être pas menti.
Sa marche s’arrêta soudainement alors qu’il franchit le seuil de ce qui devait avoir été une barrière et se retrouva soudainement devant un établissement qu’il ne reconnaissait pas. Le ciel et la soudaine présence de la lune lui firent comprendre qu’il n’était plus en Meisa, mais beaucoup plus à l’Est, sur le Continent. S'il n'était pas déjà familier avec ce genre de phénomène, il aurait assurément été pris de panique, ou aurait cru avoir été enlevé par des moyens magiques. C'était probablement dû à cela que les villageois croyaient avoir été enlevé; un vieux passage magique, oublié par le temps.
Il s’avança vers le temple et remarqua d’étranges petites créatures qui flottaient dans les airs, et en les frôlant de son esprit, les identifia comme de petits esprits de joie et de plaisir. Ce n’était pas la première fois qu’il voyait des esprits, mais il ne se souvenait pas de les avoir déjà discerné aussi aisément auparavant. Motivé, mais prudent, il traversa un petit pont, et remarqua que, malgré la propreté des lieux, et le fait qu’il décelait la présence de plusieurs personnes, peut-être une petite trentaine, il ne voyait personne.
Il entra enfin dans le temple et remarqua l’autel de pierre mentionné par le vieil homme, avec un symbole gravé.
« Seryana », reconnut-il en caressant le symbole. « Un esprit supérieur de Terra… »
Et cela expliquait également pourquoi il ne voyait personne mais ressentait leur présence ; le portail ne l’avait pas mené seulement sur le Continent, mais l’avait fait physiquement traverser dans le plan astral. Les divinités, ou haut esprits, comme la Déesse de la Passion, étaient capable d’alterner librement entre le plan astral et le plan matériel. Peut-être qu’à une époque, certaines personnes vénérant cette Seryana avaient habité les environs d’Osid, et que l’énergie de l’esprit divin, ou l’esprit divin lui-même, causait du tort aux nouveaux habitants, pour une raison ou pour une autre. Il n’avait cependant pas souvenir que Seryana était vindicative…
Il haussa des épaules et tira de son sac de voyage l’offrande qu’il avait prévu ; une bouteille de vin, de son cellier personnel, un filn de grande qualité. Il fit couler un peu de vin sur l’autel, par curiosité, voir si cela suffirait à attirer la créature divine.