Certaines plantes ne poussent qu'à certains endroits et à certaines périodes. Certains organes ne se collectaient que sur des espèces endémiques de certaines régions et n'étaient à point qu'à certaines périodes également. Un bon nombre étaient disponibles un peu partout sur Terra grâce au commerce, mais d'autres restaient des spécialités locales quand quelques rares ingrédients alchimiques étaient simplement introuvables partout sauf en leur lieu d'origine pour diverses raisons.
Ainsi, si un sorceleur avait pour charge de rester dans les contrées du chaos et les landes dévastées pour gagner sa vie et respecter la Voie, il n'y avait d'autre choix, depuis la fin des écoles, que de rompre occasionnellement avec son activité de chasse aux monstres pour partir à la recherche de certains biens difficiles à trouver.
Bien sûr, les monstres étaient partout et il était possible de continuer à travailler à côté, mais ces missions commerciales devenaient le cœur de l'activité du sorceleur. Souvent, le manque à gagner était compensé en prenant des contrats plus moralement tendancieux mais bien rémunérés une fois la mission accomplie, rechargeant leurs bourses avant le retour sur la Voie.
Il arrivait que Gerd se rende à Zon'Da. Il avait vu naître la jeune nation terranide et avait presque vu la cité pousser du sol.
Autrefois, ces terres, abandonnées par les Hommes et regorgeant de trésors oubliés et de dangers, étaient un paradis pour les chasseurs et les fourrageurs à la recherche de plantes et animaux rares des contrées australes. Mais la multiplication des Terranides avait redomestiqué la terre et fait passer ses ressources entre les mains des nouveaux habitants. Ici comme ailleurs, tout se marchandait désormais. Au moins, il n'était en revanche plus nécessaire de s'y aventurer en hiver. On trouvait toutes les spécialités locales, même en été.
En vue du voyage, Gerd avait acheté un canasson, chargé des sacs et retiré de l'or de la banque.
C'est sur une monture robuste et bien chargée de sacs presque vides qu'il avait pris la route, passant les cols de montagnes hérissées de forteresses antiques en ruines pour aborder les étendues baignées de soleil du nord estival.
Il faisait bon et le trajet fut plus doux, le sorceleur ne s'arrêtant que pour laisser sa monture se reposer ou pour dormir à la belle étoile. Il voulait arriver rapidement à Zon'Da.
Il était arrivé en vue de la ville un jour de chaleur infernale. La route était largement vidée, les habitants s'affairant sûrement à l'intérieur ou à l'ombre, autour des points d'eau ou dans leurs ateliers, pour éviter la morsure du soleil. Gerd supportait l'épreuve mais le cheval, lui, souffrait manifestement. Il allait être obligé de s'arrêter.
Heureusement pour lui, les abords de la ville étaient parsemés de petites communautés, et il tomba bientôt sur une d'entre elles au bord de la route. Une étape pour les caravanes était tenue par un vieil hybride, qui semblait tenir du lapin, mais avait de petites oreilles. Contre quelques pièces, il prit la bête et le harnachement en charge, et une pièce de plus dessina un sourire sur ses lèvres charnues et une promesse de bien la traiter et de tout bien cataloguer au bout de sa langue râpeuse.
Ceci fait, le sorceleur put se faire à l'idée de découvrir le Bazar des Lyras pour y trouver un endroit où se reposer et, peut-être, où trouver quelques-uns des éléments de sa liste.
Il arriva vite devant le chaland où Winnie se reposait. Les oreilles baissées, le visage et la silhouette couverts par sa formidable chevelure, il ne la remarqua pas spécialement et examina distraitement ce qui était exposé à l'attention des clients de passage.
C'est le réveil de la Terranide et le dévoilement de son beau minois hybride et de sa belle ligne de jeune femme nubile qui le fit réellement s'arrêter. Comme un vent de fraîcheur au milieu de cet enfer estival, elle lui enflamma pourtant les viscères de sa beauté resplendissante et il la fixa un instant, la laissant lui déballer quelques curiosités à une allure effrénée.
Était-elle à ce point désireuse de lui vendre ses babioles qu'elle ne pouvait pas attendre de sonder ses désirs ?
Sortant de sa torpeur charmée, le sorceleur attrapa négligemment la breloque qu'elle lui avait tendu, lui accordant un regard appuyé avant de détourner son regard vers la carte des quartiers nord. Il soupira avant de grommeler quelques mots.
« Aller en ville, oui, c'est l'idée. La carte n'est pas vraiment très détaillée, quant à ça... »
Il fit la grimace en reportant son regard sur le collier. Ce genre de talisman de pacotille était vendu comme un remède à tous les maux et comme une protection divine. Ca faisait des ravages auprès des masses crédules, qui se les arrachaient pour leurs petits prix et par peur des aléas de la vie. Mais Gerd n'avait pas besoin de remarquer l'absence de titillement de son sixième sens à son contact pour savoir que ce n'était que du charlatanisme. Il n'en voulait pas aux marchands de marchander, mais il ne pouvait que reposer la babiole sans intérêt.
Au lieu de ça, il sortit d'une poche un papier plié, qu'il déplia, avant de le tendre à Winnie.
« Tu sais lire ? Je cherche ces choses, au cas où tu en aies ou tu saches où en trouver. »
C'était une liste, relativement longue. Il y avait beaucoup de plantes spécifiques à la région, mais aussi des abats de certaines bêtes. Il y avait des alcools aussi, purs, et peut-être les alambics de la famille en distillaient un ou deux à l'intérieur.
Mais la liste était bien spécifique. Difficile de savoir si la Terranide saurait où en trouver même la moitié.