Au Japon, travailler dur ne garantissait en aucun cas un confort de vie particulier. Pour tout un chacun, c’est à dire majoritairement les travailleurs de la classe moyenne japonaise, les salaires suffisaient tout juste à couvrir le minimum vital : logement exigu, alimentation standard et un minimum de loisir bon marché. D’une manière générale, les entreprises rémunéraient peu et jouaient sur la surpopulation désireuse de travailler pour sous-payer leurs employés.
Lilly n’échappait pas à la règle et ses rêves de revenir du Japon aux Etats-Unis avec un pactole s’éloignaient. Elle avait quitté Las Vegas pour Seikusu, acte héroïque en soi car quitter le Nevada pour la jungle urbaine de cette mégapole japonaise était courageux pour la pure redneck qu’elle était. Les débuts et son installation sur le sol nippon avaient été difficiles mais après un an, elle avait réussi à se stabiliser à force de travail et de nuits blanches. Barmaid ultra pro, elle avait pris en compte le bar du Old Joe, un établissement de nuit réputé où les clients s’immergeaient dans un décor très saloon class et moderne. Et malgré son investissement, ses excellents résultats et le fait que son acharnement est fait grimpé le chiffre d’affaire d’un bon pourcentage, le patron, cet enfoiré, avait réduit son salaire de 10 % pour … faire face à la crise. Foutaises ! Ce rat grattait du pognon sur son dos, c’était tout !
Aussi l’idée de le plomber et de se barrer voir ailleurs trottait dans la tête de la jolie brunette depuis un moment. Les clauses de son contrat lui permettaient de démissionner sans délais, son patron actuel ayant la certitude qu’elle resterait à tout prix. C’est vrai, Lilly marchait sur du verre pilé. Une fois le loyer de son appartement microscopique payé, qu’elle avait réglé ses quelques factures et fait des courses pour le mois, il ne restait pratiquement rien. Sa vie en dehors du boulot se résumait à son canapé, sa télé et un cercle ultra restreint de connaissances pour boire un verre (pas trop cher) et il fallait que cela cesse.
Elle avait commencé à chercher des offres d’emploi sur le net et comme elle ne maîtrisait pas parfaitement le japonais, elle demandait à sa voisine de l’aider. Sumi, c’était son nom, travaillait dans le milieu du charme et s’amusait souvent à titiller Lilly pour la rejoindre. L’américaine avait tout pour y réussir, du corps à l’esprit, et d’autres trucs plus personnels aussi. Elle avait toujours refusé en riant mais … Sumi gagnait bien sa vie comme stripteaseuse, les cosplays d’héroïnes d’animés connus lui allant à ravir. Bien entendu, il était hors de question pour Lilly d’endosser un costume de Pokemon sexy mais si une place de barmaid, option sexy, se libérait, elle pourrait envisager un changement.
Et justement, ce soir, Sumi venait taper à sa porte en brandissant un journal, un vrai journal en papier que Lilly n’aurait jamais su décrypter seule. Il y avait une annonce qui correspondait parfaitement à son profil seulement, l’édition datait de plusieurs jours déjà.
Merde merde merde ! Ça à l’air intéressant ! Vite Sumi, appelle et rencarde toi sur la place ! Encore disponible ? J’y vais !
Lilly ne prête pas attention au commentaire salace de sa voisine et entasse vite fait tout un tas d’affaires dans un sac de sport. Danser à poil, c’est une chose, flirter, c’en est une autre et ça, elle sait faire ; c’est un peu son fond de commerce. Mais comme au Japon il est mal vu de se trimballer en ville dans une tenue presque vulgaire, elle trouvera un moyen pour se changer sur place. Donc, c’est en baggy, sneakers et hoodie qu’elle fonce prendre le métro pour débarquer dans LE coin tout proche du centre ville où on retrouve les établissements les plus prisés par le public masculin. Néons colorés, noms évocateurs, ce sont les seuls éléments qui précisent la nature des clubs en question.
Le nibar’bar ? C’est osé mais apparemment un fonctionnaire de la mairie n’a pas cherché à en comprendre le sens au dépôt du dossier de déclaration. Bon, qu’importe le nom si la paye est bonne !
Lilly est refoulée à l’entrée mais le gorille de garde lui indique l’entrée de service. Elle est reçue par une manager qui comprend tout à fait son problème de vêtement et lui permet de se changer dans un vestiaire avant d’être reçue par le boss, un américain. UN AMERICAIN !! C’est son jour de chance. Impeccable, tant que ce ne soit pas un coincé du cul du Nord. Les types du Maryland, elle ne peut pas les blairer !
Dix minutes après, Lilly réapparaît métamorphosée. Elle avait troqué sa tenue casual pour quelque chose d’autrement plus aguicheur : minishort en jean bleu ultra suggestif et dénudant ses jolies jambes, un top limite underboob et lacé dans le dos pour révéler la taille de sa poitrine qui, si elle n’était ni monstrueuse ni siliconée, permettait quand même des possibilités de jeu intéressantes. Au pieds elle avait passé des bottes en cuir typiquement far-west et ses poignets disparaissaient sous des épaisseurs de bracelets aussi en cuir. Retour à Vegas ! Elle est légèrement maquillée, son visage étant naturellement séduisant, et elle a passé sa main dans ses cheveux courts pour les rendre un peu rebelles (les hommes adorent).
La manager sourit en la voyant, un point positif !, et l’emmène dans les coulisses de l’établissement. Lilly y croise bon nombre de filles, d’hommes, tous pressés, s’affairant, se préparant. Elle connaît le rythme des établissements de nuit et celui-ci semble bombarder. C’est ce qu’il lui faut à elle car au bar, elle envoie du lourd. Mais pour cela, il y a d’abord un contrat à décrocher.
On l’introduit dans un bureau et elle y entre confiante, radieuse mais mutine, limite salope. Ce n’est pas surjoué, le naturel est plus efficace et elle attend d’être présentée par la manager qui écorche son nom de famille avant de disparaître de la pièce en refermant la porte.
"Konnichiwa !!" La forme est maitrisée, même l’accent mais … elle continue en anglais US, avec son accent trainant du Sud de la côte Est, tellement identifiable.
"Heya boss ! Je suis Lilly, de Vegas. J’ai entendu dire qu’on cherchait une barmaid compétente et comme je passais par là et que je shakais déjà des cocktails à 5 ans … je me suis dit va te vendre."
Le mec était beau gosse avec une jolie gueule d’amour mélangeant le badass et le type intelligent. A l’aise, sûr de lui, force tranquille, tout pour lever une nénette par soir, il avait le profil qui plaisait à Lilly.
Pas besoin de tortiller du cul avec lui … Lilly s’assit donc de son côté du bureau sans attendre d’invitation pour pouvoir le faire.
"Je peux réaliser de mémoire 250 cocktails classiques comme de luxe. J’ai la compétence pour gérer un bar qui tourne à 30 commandes/ minutes sur 6 à 7 heures et en plus j’anime le comptoir."
Elle soupesa sa poitrine avec un geste expressif.
"Le bar de ce club, il peut rapporter autant que les shows des teasers, c’est le cas ? Je le prends en compte avec deux commis que je forme et en … six mois, tout Seikusu vient s’y prendre en selfie. Faut juste que la pub aille avec mais ça, c’est pas mon boulot. C’est ce qu’on attendrait de moi ?"
Si le bar tournait déjà à bloc, il n’y aurait pas d’annonce. Elle en avait terminé.
"Et sinon, j’ai 28 ans. La clientèle kiffe généralement ce que je comprime dans mon décolleté. Je n’ai pas froid aux yeux et ...voilà boss."