La nuit tombe, sur le Couvent de la Sainte Espérance, et je suis très fébrile. Sœur Carmilla, l’une des plus vénérées, même plus que la Mère sup, m’a fait l’immense plaisir de m’inviter à participer à un merveilleux miracle. J’ai beau avoir pesté, depuis mon arrivée, sur cette maudite prison qu’est le couvent, je reste intéressée par cette expérience : nous allons faire venir un Ange. Allez, si ça marche, je veux bien revoir mes pensées anti-religieuses, surtout s’il est aussi beau qu’on en voit dans les représentations. Un beau blond, juste avec une tunique légère, qui cache à peine une virilité majestueuse, voilà qui égayera ces mornes lieux.
Sœur Carmilla est une religieuse que j’adore, que je respecte, que je crains. Je l’adore, car elle a gardé un côté humain, malgré la tenue de nonne, et elle est d’une beauté à faire se damner les saints, gardant cette fraîcheur et ce charme, malgré les interdictions du moindre maquillage que nous avons ici. Je la respecte, car sa parole est juste, posée, irréversible, et qu’elle a toujours été conforme à tout ce qu’elle m’a dit, que ce soient consignes ou conseils. Je la crains car, parfois, je vois passer dans ses yeux une étrange lueur, et je sens parfois dans sa voix un certain écho.
Mais je ne suis pas seule avec Sœur Carmilla. Trois autres religieuses, novices ou plus anciennes, ont également été conviées. D’abord, il y a Sœur Jeanne, une nouvelle venue si fraîche, mais que j’espère assez forte pour ce soir ; c’est même surprenant qu’elle soit là, aussi novice. Puis il y a Sœur Louise, si jolie, si secrète, si fragile dirais-je, que j’ai parfois eu envie de prendre sous mon aile. Et enfin il y a Sœur Marie, presque aussi belle que Sœur Carmilla, mais si mystérieuse parfois, presque trop belle et trop douce pour ne pas cacher quelque secret.
Etrange groupe, mais je fais confiance à Sœur Carmilla. Toutefois, c’est quand nous prenons place, dans la chapelle, que me vient une question. Nous sommes cinq. Mais pourquoi cinq ? J’essaie de rassembler mes connaissances. Cinq comme un pentacle, mais cinq pointes sur un cercle, et avec tous ces symboles au sol. Je n’ai pas le temps de réfléchir, que Sœur Carmilla me tend, comme aux autres, un papier avec un truc incompréhensible à lire. Il paraît que c’est la « langue pure des Anges », mais, si je lis ça à haute voix, peut-être répéterai-je, sans le savoir, que « je veux me faire enculer par dix démons ce soir ».
Pas le temps de réfléchir, la lecture commune commence, litanie inintelligible à haute voix, et, plutôt vite, des choses bizarres apparaissent. Je vois Sœur Jeanne qui ne semble pas très à l’aise, contrairement à Sœur Carmilla dont la lueur dans les yeux fait écho aux lumières, parfois vacillantes, des bougies. Mais nous ne faiblissons pas dans notre lecture ; je le veux, moi, ce bel ange monté comme un dieu, au moins le voir à défaut de le toucher. Il y a bien quelque chose qui va sortir de la fumée qui envahit les lieux !
Ah oui ! Sauf que ce truc n’est pas blanc pur, mais rouge vif, et qu’il est en train d’embrasser Sœur Carmilla, tout en la pelotant. Eh ben, si tous les anges sont comme ça, je vais réfléchir.
« Oh, cette queue ! », lance-je, presque malgré moi. Enfin, je voulais parler de l’excroissance caudale de ce qui ressemble plus à un démon qu’à un ange, en fait, et pas du machin énorme qu’il a entre les jambes, et qui doit vous ramoner la chatte à vous faire monter plus haut que le septième ciel. Sauf que, quand je vois le clin d’œil d’une de mes comparses de rituel, j’en déduis que mon expression a été tout autrement interprétée.
D’ailleurs, je n’arrive pas à détacher mon regard de cette verge ! Si Maxime en avait eu une comme ça, je l’aurais harcelé jour et nuit. Mais, si mon regard à moi est captivé, je trouve que Sœur Carmilla ne met pas grand entrain à s’extraire de cette emprise ; même à travers sa robe de bure, ça a l’air de lui plaire, la main au cul. En plus, elle n’a pas non plus l’air d’être gênée par le patin qu’il lui roule.