Ugundan était une impressionnante cité ashnardienne bâtie à la lisière d’une forêt particulièrement épaisse, la vaste
forêt d’Eriendor. Eriendor faisait partie de ces forêts ancestrales qui s’étalaient sur des milliers d’hectares, et Ugundan était l’une des colonies ashnardiennes les plus avancées dans cette forêt. Ugundan se situait ainsi à l’emplacement des arbres millénaires, gigantesques arbres, s’élevant si haut qu’ils en masquaient le soleil. Cette forêt ancestrale ruisselait d’une magie si puissante qu’il y avait bon nombre de communautés druidiques, de sanctuaires elfiques... Et également des monstres redoutables. C’était un endroit sauvage, mais Ashnard y tenait, vu que, justement, on y trouvait quantité de produits magiques d’exception. Pétales de mandragore, herbes magiques, racines puissantes... La colonie était à l’origine de tout un important commerce, et respectait, dans la mesure du possible, la Nature. Auparavant, les Ashnardiens avaient essayé de s’imposer en force, mais Eriendor, au moins dans les profondeurs, faisait encore partie de ces endroits imprenables. Des nuées de dryades, d’elfes, d’Alraunes, défendaient les lieux, commandant aux animaux et à la Nature. Les Ashnardiens ayant tenté de déloger par la force ces créatures sylvestres en avaient payé le prix, et, depuis lors, l’Empire était parvenu à un accord avec le Hiérophante de la région, soit le chef des communautés druidiques, porte-parole de la Nature. Suite à cela, des accords avaient été passés.
Sylvandell était l’un des pays qui recevaient le plus d’artefacts de la part d’Ugundan, en ayant besoin pour leurs élixirs et leurs fioles. C’est à ce titre qu’une délégation militaire était venue. Ugundan se militarisait, car le Commandant de la colonie craignait que le nouveau Hiérophante, plus belliqueux que l’ancien, ne cherche à les chasser de là. Pour désamorcer la situation, qui était remontée jusqu’au Conseil Impérial, une délégation diplomatique avait été envoyée, et Alice en faisait partie. Elle avait, pour l’occasion, enfilé une
tenue diplomatique plutôt courte, vu qu’il faisait chaud et humide, se composant de bottes militaires bleues avec des jarretelles, une minijupe bleue, un plastron bleu sombre, et un couvre-épaule.
Aujourd’hui, elle s’aventurait avec son cheval, car elle avait... Une curieuse chose.
*
Comme... Comme un pressentiment, un appel...*
Elle s’était très légèrement éloignée de la zone de sécurité, mais, si jamais des endriagues se rapprochaient, ou des wyverns, son cheval, Éclipse, le sentirait, et elle s’enfuirait. Depuis qu’elle était arrivée ici, elle avait ce curieux sentiment, comme si... Comme si
quelque chose se tramait dans l’ombre. Alice n’avait pas encore eu l’occasion de rencontrer le Hiérophante, et avait assimilé, pendant un temps, ce pressentiment à l’aura magique qui régnait par ici. Mais, cette nuit, Alice avait fait un étrange rêve, où elle s’aventurait dans la forêt, suivant un sentier menant jusqu’à des buissons qui s’écartaient sur son passage... Et, en se levant ce matin, elle avait eu le pressentiment de devoir se rendre là-bas, car, dans son rêve, elle partait depuis le camp, et ce songe avait été tellement réaliste qu’elle avait fini par se laisser tenter.
D’aucuns pouvaient trouver cette expérience mystique délirante, mais Alice, elle, croyait aux forces supérieures, divines... Et elle suivait donc cette idée, partant sans garde, ce qui déclencha l’ire de plusieurs. Mais la petite blonde était butée, et avait juste expliqué vouloir faire sa promenade matinale, fuyant ainsi la garde encombrante et collante de son père. Elle vit alors un signe de son rêve : une souche d’arbre à un carrefour, avec de l’eau sur le sol, émanant d’un proche ruisseau.
*
Oh...*
Elle se pencha vers son cheval, et caressa sa crinière, avant de lui parler, comme si elle pensait que le cheval allait lui répondre :
«
Tu vois ? C’est la souche dont j’ai rêvé ! »
Alice sourit, ravie de voir qu’elle ne devenait pas complètement folle. Oh, bien sûr, tout ça pouvait juste être un piège, mais elle ne le pensait pas.
Samara, une puissante Archimage démoniaque, faisait également partie de la délégation, et avait inspecté les environs, établissant, avec certitude, qu’il n’y avait aucun mage noir. Il devait donc s’agir d’une force surnaturelle qu’elle avait perçu... Ou d’une Alraune qui l’appelait.
Se pinçant les lèvres, elle sauta de son cheval, et lui fit signe de l’attendre près de la souche, puis s’aventura dans la forêt, la main sur le pommeau de sa dague. Elle s’avança droit devant elle, voyant des racines remonter le long du sol, et poursuivit son chemin, jusqu’à apercevoir...
*
Les buissons !*
Alice soupira encore, rougissant légèrement, un peu nerveuse, et regarda autour d’elle, s’attendant presque à voir des endriagues redescendre le long des troncs d’arbre. Du fait de l’épaisseur des feuillages, il faisait très sombre, mais son instinct lui soufflait de s’approcher, et de ne pas avoir peur. Et elle ne se pensait pas particulièrement envoûtée, alors... L’idée de rebrousser chemin la traversa, mais elle la chassa tout aussi vite, et marcha encore.
Elle s’approcha des buissons, posa ses mains dessus, et sentit ces derniers s’écarter... Puis vit de fins rayons de soleil, et de multiples papillons.
*
Oh...*
Et elle passa de l’autre côté du miroir...