Amset avait très peur. En fait, il était terrorisé, plus que jamais auparavant. Depuis des siècles, Abydos, sa planète, vénérait intégralement la Déesse Quadesh. Quantité de légendes circulaient à Abydos sur elle, sur cette grande guerrière, cette Déesse qui avait su protéger les Abydiens des monstres du désert et des démons des sables en construisant des murs immenses, et en les baignant de sa lumière éternelle. Quadesh était une Déesse vénérée, et des statues gigantesques avaient été érigées pour elle, ainsi que des pyramides massives. Elle était la Libératrice, mais aussi la Fécondatrice, qui avait permis, en créant ces villes, et en transformant le désert en oasis, d’accomplir des prodiges et des miracles ayant rendu Abydos vivable. Amset, qui avait grandi dans les couloirs d’une pyramide, était particulièrement pieux. Cependant, aujourd’hui, il était mortifié.
Le jeune homme faisait partie des quelques prisonniers qui attendaient sur la place publique. On avait dressé une estrade sur cette grande place, une immense place circulaire où des milliers de gens les regardaient, lui et les autres parias, y compris son père. Si Amset était là, c’était en fait à cause de son père, qui était le Grand Prêtre de la Pyramide Centrale de Quadesh. Son père était l’instigateur d’un mouvement de rébellion qui avait commencé il y a quelques mois, et qui avait abouti à la mort du Pharaon, le lieutenant de la Grande Quadesh. Une révolte qui avait enflé, au fur et à mesure que son prêtre, et quelques autres prêtres, avaient remis en question les pouvoirs de Quadesh. La rébellion avait finalement été matée, car Amset avait pu utiliser l’une des machines de la Pyramide pour envoyer un message d’alerte à Quadesh, et la Déesse avait réagi avec le courroux des Dieux. Les rues avaient été noyées de sang. Les Jaffas de Quadesh avaient pris le pouvoir, et avaient massacré les rebelles, ainsi que toute leur famille, hommes, femmes, enfants, et avaient exposé leurs cadavres dans les rues, les suppliciant. Quadesh avait épargné les principaux instigateurs de la rébellion, y compris son père. Amset avait été roué de coups, avant de se retrouver dans une cellule, et avait perdu, pendant la révolte, son œil, suite à un éclat de bombe qui avait crevé son œil gauche.
Quasiment nu, il était humilié, portant en effet des collants et des gants blancs, avec une culotte blanche féminine. C’était la marque des parias, qu’on travestissait ainsi, et il entendait les cors et les trompettes annonçant l’arrivée de la Grande Déesse.
*
On dit que, quand la Déesse vous tue d’elle-même, vous disparaissez en poussière, et qu’il n’y a aucun espoir de rédemption...* songea-t-il avec horreur.
Il disparaîtrait en poussière, et cesserait d’exister. D’après le
Livre des Morts, qu’Amset avait longuement étudié, la mort physique n’était qu’une étape du cycle. On embaumait et on prenait soin des dépouilles, précisément pour leur permettre de poursuivre leur nouvelle existence. Alors, si on le réduisait en poussière... L’idée horrifiait Amset, qui pleurait. Il avait pourtant fait tout ce qui était en son possible pour sauver son père... Mais il attendait maintenant le jugement de la Déesse.
Ce qu’Amset ignorait, c’est que, pour actionner la clef qui avait permis de contacter Quadesh, il fallait avoir de son sang. Ce que le jeune homme ignorait donc, c’est qu’il était le résultat d’une expérience génétique menée il y a quelques siècles par Quadesh sur plusieurs cobayes. Elle avait couché avec plusieurs hommes, et avait donné naissance à plusieurs bébés, dont le Pharaon était l’un des descendants... Mais Amset était aussi l’un de ses autres descendants. De fait, la tentative de révolte du Grand Prêtre était sûrement liée à ses origines génétiques, car il n’avait pas voulu libérer le peuple, mais l’asservir. Amset l’en avait empêché, mais, lui, tout ce qu’il savait, c’est qu’il était le fils d’un traître.
Pourtant, et c’était un fait connu, Amset était le plus dévoué des esclaves et des prêtres. Il avait lu tous les textes religieux, et les connaissait par cœur. Surtout, il croyait dur comme fer que Quadesh était une Déesse. Pour s’en convaincre, il suffisait de voir les prodiges dont elle était capable. Amset tourna la tête à gauche et à droite, voyant d’autres enfants, qui, comme lui, étaient les fils de rebelles. Il y avait Héka, notamment, ou encore Myt, une jeune prêtresse qui pleurait également...
Mais seul Amset avait un code génétique
pur, ce dont il n’était, bien évidemment, pas du tout au courant.
Il attendait donc son châtiment, pendant que la procession de la Grande Quadesh emplissait la place, et que tous les villageois s’agenouillaient, tremblant de pleur devant la colère de Quadesh...