« Faites gaffe les gars, répondit un Mr Bug tendu. J’ai beau chercher, je ne trouve toujours rien qui puisse me mener aux systèmes de cet étage secret. Mais j’ai pas dit mon dernier mot ! En tout cas, n’oubliez pas la bombe et pensez que si l’étage est vraiment profond, on risque de perdre le contact radio. »
Voilà les deux hybrides de retour dans l’ascenseur. La voix de John se fit entendre :
« Bug, on a les documents, on est sur le retour.
- Compris. Toujours rien à signaler, mais ça risque de changer. »
Randal inséra la carte de l’administrateur et jeta un regard appuyé à Leny.
« Tu es prêt ? Au moins, comme ça, tu seras direct dans le bain. Avec nous, ça part souvent en vrille. »
Quelque chose, dans son attitude, montrait qu’il aimait ça. Pour autant, il tenait quand même à la vie de ses coéquipiers. Voilà pourquoi il attendit un signe manifeste d’acquiescement de la part de Ghost avant de presser -2. L’ascenseur, dès lors, entama sa plongée dans l’inconnue.
* * *
L’administrateur Radec, au volant de sa voiture ultra moderne, avait un petit sourire de satisfaction aux lèvres. L’habitacle baignait dans un opéra grandiose que diffusait les huit hautparleurs. Il adorait l’opéra. Il adorait conduire. Bref, il se sentait bien.
Seulement voilà que sur son pare-brise s’afficha en surimpression le message qui venait d’être envoyé à son téléphone portable. C’était un message automatique, généré par Cyclope, le programme de haute sécurité de la Tech-13. Le message se résumait à quelques données lapidaires signalant qu’on venait d’utiliser sa carte pour se rendre dans la zone Mortus. Son sourire mourut, son visage se décomposa. Tout blême, il lâcha d’une voix blanche :
« Pilotage automatique.
- Pilotage automatique activé », répondit l’ordinateur de bord de la voiture.
Il lâcha le volant et se fit violence pour garder les idées claires. Il devait être efficace ou il était mort. Dehors, le paysage défilait, mais il ne le voyait plus.
« Appelle d’urgence au Dr. Nox.
- J’envoie un appel prioritaire au Dr. Nox », répondit l’ordinateur de bord avec son calme imperturbable de machine.
L’opéra se tut, remplacé par les sonneries d’attente. Très vite, sur le pare-brise s’imprima le visage d’une jolie jeune femme aux cheveux noirs, à la figure plutôt allongée et outrageusement maquillée. C’était Rose, la secrétaire du docteur. Elle avait un sourire joviale mais Radec savait de quoi était capable cette femme.
« Administrateur Radec, quel plaisir de vous voir. Que peut la Tour 13 pour vous ? »
La Tour 13, le Q.G. de la corporation installé au cœur de Metropolis.
« Je dois parler au boss, on a un gros problème. C’est à propos de Mortus.
- Je vous demande un instant. »
Le visage de Rose fut remplacé par le logo agressif de la Tech-13. Une petite musique insipide d’attente prit également le relai, mais pour peu de temps. Rose revint.
« Je lui transfère votre appel. Soyez conscient que vous aller le déranger en pleine réunion. »
Radec grimaça mais tant pis. Le visage de la femme fut remplacé par celui d’un homme chauve, à la mâchoire carrée, au front affirmé, sans barbe ni moustache. Le caractère d’acier d’Oswald Nox se voyait dans chacun de ses traits. Ses yeux gris fusillèrent l’administrateur alors que sa voix grave et parfaitement inamicale envahissait l’habitacle.
« Radec, que ce passe-t-il ?
- Docteur, quelqu’un a visiblement usurpé mes accréditations pour se rendre à la zone Mortus. Je ne sais pas comment c’est possible... »
L’expression du Docteur fit se recroqueviller l’administrateur sur son siège.
« Si la résistance entrave le projet Mortus, vous ne perdrez pas que votre place. Vous avez carte blanche pour gérer cette histoire. »
L’appel prit fin brutalement et l’opéra revint, fort peu à propos désormais. Radec essuya la sueur qui lui coulait dans les yeux, puis appela cette fois-ci la centrale hydraulique.
* * *
Il semblait que l’ascenseur ne voulait plus s’arrêter de descendre. Mais il le fit néanmoins. Les portes s’ouvrirent sur un couloir sans commune mesure avec ceux de la centrale. Il était sombre, presque sphérique, évoquant un gros tube. Quatre lignes de lumière verte couraient sur sa longueur, deux au sol, deux au plafond. Un garde, à proximité, se retourna face à l’ascenseur. Il était intrigué de le voir s’ouvrir sans personne à l’intérieur. Il s’approcha d’un pas, et saisit un appareil à sa ceinture. Randal lui sauta dessus. Il prit par surprise autant le garde que Ghost, si bien qu’il redevint visible. Son attaque fut foudroyante et l’homme s’effondra avec un râle poisseux. Il avait été égorgé. Par chance, il n’y avait personne d’autre dans les parages.
« Bug, on est en bas. Je sais pas où on a débarqué, mais on est tombé sur quelque chose de très spécial. »
Pas de réponse.
« Bug ? »
Toujours pas de réponse. Sans surprise, le contact radio ne passait plus.
« On avance Ghost. Pas le temps de planquer le corps. »
Il n’y avait de toute manière aucun endroit où cacher quelque chose, ici. Les deux hybrides se mettaient à peine en mouvement lorsque les lumières vertes virèrent au rouge tout en se mettant à clignoter. Une alarme stridente à la sonorité très moderne se déclencha dans le même temps. Enfin, une voix hostile diffusa un message explicite.
« Code rouge ! Accès non autorisé à la zone Mortus ! Confinement enclenché ! Le personnel de sécurité va procéder à une inspection générale ! »
Dans le dos des hybrides, les portes de l’ascenseur se refermèrent pour se verrouiller avec un sinistre déclique. Devant eux, au bout du couloir, il y avait une autre porte mais tout indiquait qu’elle aussi venait d’être verrouillée.