Lorsque Soleïa traversa le portail, le Maître était en train de flatter l'encolure de
l'énorme boule de laine ronde qu'était le mouton. Ce dernier bêla devant Soleïa, avant de s'en aller en sautillant comme un alpaga.
" Drôle d'animal hein ? " commenta l'homme, alors que le mouton s'arrêtait devant un des immenses arbres de la Fin des Temps, broutant paisiblement au pied du tronc massif, apparemment peu effrayé par le vide sidéral autour de lui. Il donna une gourde d'eau à Soleïa.
" Bois souvent. J'aimerais que tu ne t'évanouisse pas souvent ". Il lui fit signe de le suivre, et l'emmena vers la pièce au téléscope. Un énorme telescope, aussi gros qu'une petite maison, pointé vers leur planète. Il trônait au centre d'une pièce dont les murs n'étaient plus que des murets (sauter par dessus signifiait tomber dans le vide), et contre lesquels étaient posés des étagères croulants sous des centaines de livres. Il y avait deux chaises confortables, une petite table, et... un tableau. Il fit signe à Soleïa de s'installer. Elle avait devant elle de quoi écrire, mais il ne lui donna aucun ordre.
" Je n'ai jamais aimé les cours. C'est ma première fois en tant que professeur. " confessa t-il. " Ce ne sera pas amusant pour toi, mais tu y aura droit. Un peu de biologie et de magie. PREMIEREMENT. "
Il déroula un rouleau de papier et l'accrocha au tableau.
" Voilà un Raek. "
Il dessina une silhouette humaine à côté. La créature arrivait presque aux épaules de la silhouette, qu'il désigna de la craie.
" Et ca, c'est toi. " Il la fixa dans les yeux, reprenant son air sévère. " Si tu les trouve effrayant, sache qu'il s'agit des créatures d'avant-garde du Ver Dévoreur. Guère plus que des petits chatons par rapport à ce que tu affrontera ensuite. Les premières attaques seront toujours portées par ces... abominations. Elles sont aussi rapides qu'un cheval, et capables d'arracher les membres d'un humain. D'un simple coup de croc. Ou de griffe... ou de queue... "
" Inutile de te le dire. Dans ton état actuel, un simple Raek ne fera qu'une bouchée de toi. Et avant de te lancer dans la pratique, il te faudra un peu de théorie... "
Le cours dura deux heures en tout, sans pose, durant lequel il faisait participer Soleïa en permanence par de rapide questions-réponses, afin de mettre à l'épreuve sa concentration et sa logique. Comment engagerait-elle le combat ? Bien, mais s'il y a des gens autour d'elle ? Comment exploiterait-elle ce point faible ? Et en ville ? Si une créature de ce genre entrait dans son ancien magasin et attaquait son maître, que devrait-elle faire ?
L'anatomie de la bête, son comportement, ses aptitudes. Il connaissait tout sur eux, et délivrait ses connaissances de manière dense et directe. Il lui accorda ensuite une courte pause mentale ainsi qu'un repas dinatoire frugal (composé de fromage, de pain et de tomates) avant de déposer un livre épais devant elle.
" La magie. Indispensable. Menoth soit loué, c'est plus pratique que théorique. Mais on ne peut pas y couper. "
Il lui fit un cours, toujours constitué de petites phases de cours magistral et de question-réponse sur la nature théorique de la magie. Présente partout dans le monde, mais en petite quantité, et invisible.
" La plupart des magiciens utilisent la magie présente alentour pour lancer leur sort. Toi... tu devra apprendre à puiser directement dans les Brumes, même en étant sur Terre. A titre de comparaison, eux boivent l'eau de la rosée du matin, et toi, tu a accès directement à une bouteille sans fond. "
Il s'assit en face d'elle.
" Est ce que tu connais l'expression La Foi peut renverser des montagnes ? La magie fonctionne de la même manière. Tu dois vouloir quelque chose pour qu'elle se produise. La plupart des magiciens utilisent une formule, une prière, un chant, des gestes... qui donnent sens aux mots, canalisent la volonté, pour attraper la magie et l'utiliser. Tu commencera à ce pallier. Attraper la magie. Et ensuite, la faconner. Puis, le faire en enlevant ta dépendance aux mots, prières et autres mouvements... pour qu'à la fin, une simple pensée suffise à faire ce que tu veux. "
Il regarda la planète derrière eux.
" Mais demain est un autre jour. Il est l'heure d'aller dormir. Au lit ! Je te rejoins plus tard. "
Il ne l'avait pas dit directement, se contentant d'un sous entendu. Car oui. Il n'y avait qu'un lit dans la Fin des Temps, ce grand lit double à baldaquin qu'elle avait vu auparavant. Le Maître aurait pu se contenter d'un matelas, à même le sol, autre part. C'est ce que n'importe quel homme raisonnable aurait choisi. Mais le Maître, malgré certaines qualités, n'était pas quelqu'un de raisonnable. Il comptait bien dormir avec l'Elue, l'objet de toutes ses pensées et de ses fantasmes. Et si elle faisait la difficile, il compte bien sur son autorité sur elle pour la forcer à accepter...
Il en tremblait presque d'anticipation. Il savait qu'il se faisait plus de mal que de bien, à dormir avec elle, à la faire porter cette robe rituelle moulante, et que ce genre d'actions était néfaste. Mais il ne pouvait s'en empêcher. Elle ne connaissait rien aux hommes. Avec un peu de chance, il allait éveiller sa curiosité... il fallait mieux. Il ne savait pas combien de temps il tiendrait, avant de la plaquer contre le lit, un mur, ou à même le sol.
L'Elue accepterait-elle encore de sauver le monde, de lui obéir si il la violait ?
Quelques minutes à ranger tout ça, et il la rejoindrait...