Endoriël «
Fuyez, Majesté ! Ils sont après nous ! »
Le temps qu’Anthraïn, son plus fidèle capitaine, prononce ces mots, une flèche fusa vers lui, et lui transperça la gorge, l’envoyant dévaler l’escalier, et la douce
Niriëm écarquilla les yeux, blême de terreur, plus effrayée qu’elle ne l’avait jamais été auparavant, en voyant le corps sans vie de l’invincible capitaine, celui-là même qui l’avait protégé contre les loups, une fois où elle se promenait dans les jardins royaux en hiver, rouler jusqu’à elle, les yeux révulsés, du sang s’échappant de sa trachée.
Puis elle entendit les hurlements, et vit ses gardes, en-haut des marches, repousser l’archer qui avait réussi à tuer Anthraïn, mais d’autres hommes se pressaient, leurs ombres déformées par les reflets des flammes.
«
Le Roi est mort ! Le Roi est mort ! -
Protégez la Princesse à tout prix ! »
Figée sur place, Niriëm finit par sentir le sang revenir dans ses jambes, et se retourna précipitamment, dévalant les escaliers, et courut rapidement dans le couloir, ce petit tunnel qui filait le long de la montagne, une poterne discrète pour rejoindre la forêt. Elle n’avait jamais couru assez vite, refusant de croire que Père et Mère étaient morts. Au moins, son petit-frère, encore un bébé, était parti dans le chariot, et, tout ce qu’elle pouvait espérer, c’était que le convoi avait réussi à sortir de la région sans tomber sur des insurgés. Retenant ses larmes, Niriëm courait donc.
Ce soir, elle aurait dû perdre sa virginité. Un mariage avec le fils du royaume voisin avait été célébré hier, et la nuit de noces avait eu lieu aujourd’hui. Mithrandil était un amant parfait, poète, un bon guerrier, diplomate connaisseur des coutumes, ayant fait des études de droit. Le meilleur parti dont on puisse rêver, et elle lui avait offert sa virginité ce soir. Tout aurait dû être parfait, il y avait eu un second banquet magnifique, après celui organisé hier au sein de la famille de Mithrandil. Et puis, la révolte avait été éclaté. Mithrandil avait été tué sous ses yeux, tandis que la ville toute entière, aux pieds du château d’Endoriël, sombrait dans le chaos.
Une crise économique ravageait le royaume, suite à un hiver particulièrement rude et long. Beaucoup de récoltes avaient été perdues, et, pour ne rien arranger, Endoriël avait dû sensiblement hausser les impôts, afin de financer une guerre lointaine contre des peuplades orcs. Tous ces éléments avaient profondément appauvri le Trésor, mais Niriëm n’aurait jamais imaginé qu’une révolte si virulente puisse éclater. La ville était composée majoritairement d’humains, qui accusaient les elfes de les voler, de vivre grassement à leurs dépens. La foule était en fureur, et le château était assiégé de toutes parts, tous les nobles se faisant occire et dépouiller dans les parties hautes de la ville.
Niriëm courait rapidement, entendant des hurlements derrière elle. Elle courait avec la peur au ventre, cette peur qui vous donnait des ailes, sa fine robe bleue transparente suivant son corps gracieux et délicieux.
«
Elle est partie par là ! -
Ne la laissez pas se barrer, il nous la faut ! »
Elle avait peur, bien entendu, car elle savait ce que ces gens la traqueraient, et la massacreraient... Probablement après l’avoir violé. Niriëm arriva donc au bout du tunnel, et grimpa un escalier pour rejoindre une porte, qu’elle ouvrit, débarquant ainsi dans une grotte reculée, et s’élança dans la forêt.
De l’autre côté d’Endoriël, on pouvait voir, par-delà les arbres et la cime des montagnes, des reflets dorés s’élevant haut dans le ciel, signe de la ville en train de disparaître sous les flammes.
*
C’est horrible...*
Elle s’aventura à travers les bois. On lui avait dit de les traverser pour rejoindre le fort elfique d’Eveniur, mais elle doutait d’y arriver. Perdue, la jeune femme avançait lentement, retenant difficilement ses sanglots, en entendant des bruits de pas dans son dos.
*
Oh non !*
La jeune femme courut davantage, sans voir où elle allait, e qui l’amena à heurter une branche d’arbre, et à tomber sur une petite pente.
«
Hîîîîîî !! »
Guère débrouillarde, la jeune elfe poussa des petits cris, ce qui amena ses poursuivants à l’entendre.
«
Elle est par là ! »
Les bruits de pas se rapprochèrent, tandis que la belle elfe se redressait en vain, tentant à nouveau de courir. Un homme glissa sur la pente qu’elle avait dévalée, tenant sa hache. Ils n’avaient en réalité pas envie de la violer. Non, leurs intentions étaient bien plus simples.
Ils voulaient juste la tuer.