Alexandre avait entendu parler de cette chose. Seul dans son vaste appartement, il observait la ville depuis ses baies vitrées, buvant un peu de vin, tout en attendant la venue de la personne que Hans, l’un de ses hommes, devait lui ramener. C’était une créature très particulière, l’un de ces phénomènes inexplicables liés aux interactions complexes entre ce monde-ci et celui de Terra. Initialement, Alexandre n’avait pas cru à cette histoire, mais, aussi intransigeant et sceptique soit-il, le vampire n’était pas un homme aveugle. Originaire de Terra, il était bien placé pour savoir que la vie pouvait parfois s’exprimer sous des formes inattendues et mystérieuses. Le phénomène de foire qui s’approchait était l’une de ces formes indescriptibles, et Alexandre devait bien reconnaître qu’il sentait un léger frisson d’excitation le parcourir à l’idée de la nuit qui l’attendait.
Hans, de son côté, s’était garé devant un magasin éclairé, proposant de louer des films. Le genre de magasin atypique qui avait disparu avec l’essor d’Internet et du P2P. Quand il était jeune, il louait des cassettes toutes les semaines avec son grand-frère. Maintenant, il était juste surpris de voir qu’il y en avait un, et qui semblait toujours tourner. Cependant, Hans avait compris, grâce aux instructions de son supérieur, que, si cette boutique tenait toujours, c’était parce qu’elle proposait des « extras ». Il n’était pas sûr que ce magasin ait eu l’autorisation de le faire, mais ce n’était pas ça qui allait gêner Hans, ni son patron. Pour le dire simplement, Hans était un homme dévoué, du genre à ne pas poser trop de questions. Dévoué et consciencieux, il savait pour qui il bossait, et il ne lui serait jamais venu à l’esprit de trahir son patron, quand ce dernier l’envoyait accomplir quantité de tâches. Hans avait un boulot plutôt agréable, car, s’il était astreint continuellement au service de Dowell, il était pour autant libre la plupart du temps. En retour, il devait s’assurer de toujours répondre au téléphone quand son employeur avait besoin de lui, et de ne poser aucune question bête.
L’homme sortit de la voiture. Il portait des vêtements assez élégants, et une paire de gants noirs en cuir. Il pénétra dans l’établissement, ce qui le changeait des autres endroits où il allait. La plupart du temps, les activités de Hans portaient sur les dossiers de son supérieur, consistant à convaincre des clients réticents de payer leurs honoraires, ou de convaincre des tiers d’avoir des attestations qui soient plus favorables aux clients du cabinet. Il avait compris depuis longtemps que Dowell n’aimait pas perdre, et que son calme d’acier dissimulait une nature particulièrement violente, tâche qui l’amenait aussi à aller régulièrement lui chercher des prostituées, des filles calmes, qui ne disaient rien, et à faire le ménage derrière.
Il parla rapidement au vendeur, en lui expliquant pour quoi il venait, et déposa sur sa table une grosse enveloppe remplie à craquer de billets de banque. Pour ce genre de services, Dowell payait toujours par liquide. Ainsi, il n’y avait pas de trace nulle part, et on pouvait rentrer ça en comptabilité sans trop de problème. Le vendeur acquiesça silencieusement, visiblement peu surpris de cette démarche, et alla chercher la nana.
Hans prit donc son mal en patience. Plutôt grand, l’homme était aussi chauve, avec une barbe qui poussait sur son visage, le tout lui donnant un air assez sévère, l’ensemble étant agrémenté par les lunettes noires qu’il portait sur son visage. Finalement, le vendeur revint assez vite, amenant, derrière lui, une femme dont l’apparence interpella Hans, qui haussa les sourcils derrière ses lunettes.
Récemment, il avait été au cinéma, juste pour se convaincre, une fois de plus, de la débilité des films occidentaux, de leurs blockbusters insipides. Hans savait que le monde était parcouru d’individus costumés se prenant pour des Dieux modernes, et il s’était rendu à un film parlant d’eux, afin d’en savoir plus sur eux, mais s’était rapidement fait chier, maudissant les performances médiocres d’une artiste qui assurait le spectacle uniquement en roulant des hanches et en montrant son cul sous tous les plans possibles de la caméra.
Il était donc surprenant de voir cette femme, Margot Robbie déguisée en Harley Quinn, se pavaner sous ses yeux.
« Alors, vous la ramenez bien ce matin ? s’enquit le vendeur.
- Ouais, comme convenu. C’est toi, Hollywhore ? »
Hans s’était attendu à une prostituée un peu spéciale, un peu barrée sur les cosplays. Sa main attrapa le visage de la femme, à hauteur du menton, et la tourna de droite à gauche, comme pour se convaincre qu’il y avait un truc, du maquillage grossier... Mais il ne sentit rien. C’était clairement le visage de cette salope de Margot Robbie ! Assez perturbé, il relâcha son visage, puis se retourna vers le vendeur, comme pour vouloir dire quelque chose... Avant de se raviser.
« Okay... Suis-moi, Holly’. »
Ils retournèrent dans la voiture, qui démarra rapidement. C’était une belle berline aux vitres fumées. Ce soir, Hans avait pour ordre de rester près des voitures, si jamais son chef voulait les utiliser. Hans n’y voyait pas de problème, mais regardait néanmoins régulièrement par le rétroviseur, surpris de voir, sur la banquette arrière, la silhouette d’une star américaine.
La voiture rejoignit le quartier des affaires, filant dans le parking souterrain de l’une des gratte-ciels de la zone, et, tandis que Hans se garait près d’un ascenseur, il commença à constater qu’il avait une trique d’enfer, et qu’elle ne disparaissait pas. L’homme arrêta la voiture, puis sortit, et ouvrit la portière pour Hollywhore.
« Allez, sors ! » grimaça-t-il, agacé de ressentir une telle attirance envers une femme pour qui il n’avait que peu de respect, estimant que sa seule présence désacralisait le 7ème Art.
Il referma la porte, et se rapprocha de l’ascenseur. Malheureusement, il allait falloir patienter, car l’appartement de son supérieur était au dernier étage de ce vaste gratte-ciel. Fort heureusement, l’ascenseur qu’il avait pris filait le long de l’extérieur, offrant assez rapidement, au-delà des dix premiers étages, une vue magnifique.
Le pire, c’était qu’il ne débandait pas, et que son érection était maintenant clairement visible...