C'était une maison familiale comme on en voyait tant. Sans doute légèrement plus isolée que la moyenne, elle compensait cette localisation défavorable par une piscine de bonne taille qui faisait la joie de ses habitants et indiquait clairement qu'ils étaient particulièrement aisés, si la veranda n'avait pas suffit à épater le chaland.
Margot n'avait jamais aimé cette baraque et les nombreuses heures à se prélasser sur un transat au bord de sa piscine de luxe dans son gigantesque jardin n'avait pas suffit à la convaincre de se satisfaire de son bonheur. Jeune femme de bonne famille, elle n'avait pas hésité à quitter son Angleterre natale lorsqu'un homme d'affaire japonais lui avait demandé sa main. C'était un gentleman tout ce qu'il y avait de plus charmant, attentionné et généreux. Elle n'avait guère tardé à succomber à son chame et avait accepté d'emménager dans cette luxueuse demeure qui ne lui convenait pourtant guère. Margot était née et avait toujours vécu en ville. Ne pas avoir une demeid douzaine de boutiques à portée de talon la mettait mal à l'aise, sans parler de l'absence totale de vis à vis et de ce sentiment d'abandon lorsqu'elle restait seule. Bien vite, elle avait compris que ce serait son quotidien. Son mari était riche, mais absent. Ses affaires l'appellaient souvent des semaines entières loin du domicile familiale et elle se retrouvait abandonnée, malheureuse et dépitée des années durant. Puis étaient venus les enfants, une fille et un garçon, tout aussi sublimes que leur maman et la solitude s'était estompée. Bien sûr, elle n'élevait pas sa progéniture elle même et se réservait les bons côtés tandis qu'une nounou s'occupait de leur changer les couches et de calmer les pleurs. Les enfants grandissant, Margot avait continué de jouer le jeu, souriant à son mari en rêvant d'évasion, faisant bonne figure aux réceptions et s'ennuyant ferme. Des années d'ennuis dans cette maison qu'elle haïssait, avec cet homme qu'elle détestait, à se complaire dans un luxe qui l'empêchait de devenir folle. Les années n'avaient eut guère d'emprise sur elle, tant elle s'employait à parfaire son physique. Des heures de course à pied (dans ces alentours éternellement déserts, maudite campagne!), de gymnastique, sans oublier quelque passages chez un chirurgien plus que compétent, avaient contribué à gommer le passage des ans. A trente sept ans, Margot en faisait vingt cinq. Menue et dépourvue des formes généreuses des bimbos stupides qui garnissaient généralement le bras de riches hommes d'affaires, elle possédait néammoins une garde robe d'un goût exquis et d'une facture qui suffisait à faire tourner les têtes. C'était un domaine où elle écrasait la concurrence sans aucune difficulté, et d'ailleurs sa seule occupation depuis bien longtemps.
Et en cette soirée paisible, elle n'avait jamais autant maudit cette demeure isolée. Tout avait commencé lorsqu'elle avait entendu le portail grincer. Un rapide coup d'oeil à la fenêtre l'avait informée qu'il ne s'agissait pas de son mari qui rentrait plus tôt que prévu (comme cette fois où il avait manqué de la surprendre avec le jeune et fringuant jardinier) mais plutôt d'individus qui devaient avoir oublié les clés, puisqu'ils passaient par dessus l'énorme porte métallique. Elle s'était alors jetée hors de sa chambre, oubliant sa robe de chambre et ne portant guère que sa nuisette préférée, avait tambouriné à la porte de ses enfants. Kathie et Steve étaient sortis en trombe, davantage agacés par le vacarme de leur mère qu'inquiets de ses motivations. Les jumeaux, aussi blonds que leur mère était brune, avaient ensuite haussé un sourcil devant le déshabillé sexy de leur génitrice avant de se mettre à sérieusement paniquer lorsqu'elle les alerta. Par chance, Margot, sous ses couverts d'épouse surperficielle, avait de la ressource et se mit à donner ses ordres de sa voix de commandement, celle qu'elle réservait aux prestataires et aux ouvriers qui venaient parfois satisfaire ses caprices d'épouse entretenue.
On s'enferme dans ma chambre. Steve, tu appelle la police, tout de suite. Kathie, tu m'aide à pousser la commode devant la porte. Vite !
Ni une ni deux, ils filèrent dans la gigantesque chambre parentale au centre de laquelle trônait un lit à baldaquin somptueux, dans lequel elle dormait si souvent seule. Le cœur battant la chamade, Margot n'en menait pas large, mais elle ne perdrait certainement pas la face devant ses enfants. Refusant de céder à la petite voix qui la suppliait de se recroqueviller dans un coin et d'attendre que les méchants s'en aillent, elle s'arc bouta sur la commode. Avec quarante kilos pour un mètre soixante, la jolie brune n'était guère une force de la nature et le meuble refusa de bouger d'un poil. Ce fut alors qu'elle se souvint, horrifiée, que le coffre fort était AUSSI dans sa chambre, derrière ce grand tableau qu'elle détestait. Puis elle entendit les bégaiement affolés de son fils qui ne parvenait pas à retrouver son portable dans le capharnaüm de sa table de nuit et elle se dit que la soirée prenait une tournure absolument dramatique.