Elle ne fit pas mine de regarder derrière elle. Bien trop perturbée pour accepter de perdre la moindre seconde, elle déverrouilla rapidement les battants qui l’empêchait de fuir, et grimpa par l’ouverture providentielle pour atterrir sur un pan de toit de tuiles brunâtres. Si elle descendait dans la rue elle pourrait bien fuir, mais elle préférait tenter sa chance et ne pas se montrer visiblement en train de s’échapper. Elle hésita un court instant, puis partie immédiatement à la droite du toit, allant se glisser au coin de celui-ci pour s’y dissimuler, et essayer de se calmer un peu, son coeur battant encore la chamade, et son souffle ayant bien du mal à se tempérer. Bon dieu quel coup de flippe. Elle n’avait jamais vraiment eut l’occasion de subir pareille approche, et globalement, elle n’aimait pas perdre le contrôle de la situation… Mais là, couplé au fait qu’Esmeralda avait été une compagne de voyage, elle avait eut bien du mal à trouver une « échappatoire pacifiste ». Enfin, pour l’instant, elle ne semblait pas l’avoir poursuivie.
« Pfiou… Allez, du calme. J’attends un peu, puis je rentre tranquillement, récupère mes affaires… Et me tire. Ouais ce sera le mieux. Ce sera le mieux. »
Quand on passe pas mal de temps seul avec soi-même, on finit par chopper cette habitude de se parler pour se rassurer. Flint avait commencer à le faire il y a peu et trouvait cette méthode autrement plus agréable pour se conditionner sans avoir à chercher le réconfort de quelques personnes potentiellement aussi traître qu’elle pouvait l’être. Enfin, elle ne faisait que des farces au moins, elle essayait pas de se venger en sautant sur ses camarades passées et en venant les cajoler jusqu’à la honte absolu. Elle n’était pas une succube bon sang, ni même une de ces chaudasses des quartiers chauds, rien dans le sexe ne lui paraissait inné, et c’était sans parler de sa peur de ne pas avoir d’emprise sur les événements. Si un jour elle recroise Esmeralda, elle s’excusera, sûrement, mais pour l’instant, plus loin elle se tenait d’elle et mieux elle se sentira, c’était certain !
Pourtant, maintenant qu’elle avait un peu reprit ses esprits, elle se permit d’observer les alentours. De sa position, elle était un peu au-dessus de la sortie de l’auberge, si bien qu’elle pouvait remarquer qui entrait et sortait de ce lieu. Bien entendu, elle ne vit pas la moindre trace d’Esmeralda, ce qui l’étonna un peu, ne connaissant pas la guerrière pour s’attarder si elle se devait d’agir. Quant à la fenêtre, l’imp l’avait plus ou moins garder dans son champ visuel, depuis le bord du mur, et elle n’avait bien sûr pas remarquer le moindre mouvement, la moindre sortie, même pas un bout de main qui se serait placée sur le rebord pour permettre de regarder à l’intérieur de la rue. C’était assez étrange pour le coup. La mercenaire avait peut-être choisie d’attendre Flint à l’intérieur de l’auberge, imaginant qu’elle allait bien devoir passer par l’entrée principale pour pouvoir aller récupérer ses affaires ? Cela serait en effet logique, mais bienheureusement pour la maline demoiselle, elle avait prit les devants de cette possibilité.
En tout cas, elle avait assez attendue. Flint se doutait désormais que la mercenaire avait dû quitter sa chambre, aussi s’en rapprocha-t-elle avec toutefois une certaines prudences, ne voulant risquer quoi que ce soit par précipitation, puis passa malgré tout un coup d’oeil à l’intérieur. Il ne semblaiiiit… Qu’est-ce que !?
Au sol, juste devant la petite console qui allait avec la chambre se trouvait Esmeralda, inerte. Mince mince qu’est-ce qu’il s’était passé ? Bondissant dans la chambre avec une hâte inquiète, elle se précipita sans réfléchir au chevet de la femme, s’agenouillant près d’elle sans remarquer la large flaque de sang qui empourpra ses genoux. Merde, c’est elle qui avait fait ça ? Pas possible, le sort qu’elle avait utilisée n’avait aucune capacité offensive, c’était juste un tour, comme la majorité de ses sorts ! Mince, mince, mince ! Qu’est-ce qu’elle pouvait faire, où est-ce que la dame était blessée ? Elle tâtonna comme elle put, jambes, dos, épaules, bras, rien ! Puis quand elle vint tâter son visage, et sa chevelure, elle perçut enfin le flot léger mais gluant qui partait d’entre ses cheveux. MERDE ! Elle ne pouvait même pas cautériser la plaie, où Esmeralda allait juste flamber. Allez, du calme. Les premiers soins, comment on fait, qu’est-ce qu’on privilégie ? Finalement la petite démone se relève, court vers la couette et incante :
« Siscth’it Codersis fribeyss’th »
Elle se concentra, coupant plusieurs morceaux de draps de formes rectangulaires. Elle les attrapa alors immédiatement et se précipita à nouveau au chevet de la blessée, pour reprendre une nouvelle incantation rapide, de manière à ne pas perdre de temps en focalisation et en chant. Pointant du doigt la zone blessée, elle visa le plus précisément possible :
« Gu’herd »
N’ayant appeler que la force de l’eau, sans précision de forme ou d’effet, elle ne parvint qu’à projeter un éclat de flotte sur la blessure de la mercenaire. Un peu comme si elle avait lancée un ballon rempli de flotte sur le visage d’Esmeralda. C’était pas le meilleur, mais au moins comme ça elle avait enlevée les croûtes de sang et de poussière sur la frêle forme de son amie évanouie. Immédiatement après, elle appliqua les compresses de fortunes qu’elle avait préparée, et ôta un de ses gants relativement élastique pour ceinturer le tout avec une adresse remarquable, nouant cela pour que ça ne puisse s’échapper. Parfait, tout était bon, maintenant… Elle devait accomplir le plus important, à savoir trouver quelqu’un pour la soigner. Elle défit rapidement l’attirail de sa camarade, se doutant qu’elle ne pourrait efficacement la transporter avec tout le farda qu’elle se traînait normalement sur les épaules. Puis la souleva, l’installant sur son dos. Esmeralda n’était clairement pas assez lourde pour la mettre en difficulté, merci encore à sa nature démoniaque, aussi sortit elle rapidement de la chambre, puis se mit-elle à courir.
D’abord l’étage, puis les escaliers, puis la salle principale, et enfin la rue. Elle avait trouvée un apothicaire lors de ses errances dans la cité, elle s’en souvenait, et elle était quasiment certaine d’y avoir vu qu’un médecin y officiait, en sus des onguents et des herbes que vendent ce genre d’entreprises. Elle courrait avec la forme plutôt costaude et épaisse d’Esmeralda sur les épaules, et elle ne manqua pas de remarquer les quelques regards incrédules que certains passants leur adressaient. Tant pis pour la bonne figure hein ? Elle était responsable de la blessure de la mercenaire. Du moins elle le présupposait ! Donc elle se devait de faire tout ce qui était en son pouvoir pour lui permettre d’aller mieux, d’en être sauvée ! Elle manqua glisser en bifurquant d’une rue sombre, mais dès qu’elle en déboucha, elle vit la large boutique accompagnée de son écriteau d’un vert céladon : « Chez Pikwins, Apothicaire ». En dessous, inscrit sur une vitre d’un gris sale avait été ajouté « en collaboration avec le Docteur Graffier, diplômé de Nexus ». Sa mémoire ne l’avait pas abandonné. Elle débarqua assez vivement dans les lieux, la blessée sur le dos et s’approcha rapidement du comptoir.
« Excusez moi ? Bonjour ! »
Personne… tout du moins jusqu’à ce que quelques pas se fassent entendre, et qu’une figure maigrichonne et mal rasé entre dans la pièce. Habillé d’une blouse et ayant encore en main un pilon et quelques herbes, la figure l’observa un instant avec méfiance, sûrement à cause de sa visible nature démoniaque. Et ses accessoires ne devaient pas aider en cet instant. En revanche, dès que l’homme à la mine blafarde observa la guerrière assommée, il haussa un sourcil, et voulut sûrement parler, mais Flint s’empressa d’expliquer les choses sans lui en laisser le temps :
« Elle s’est blessée à la tête, je sais pas comment ! S’il vous plaît aidez moi, je ne sais pas utiliser de sort de soin, je ne peux pas l’aider ! »
L’homme eut un temps d’arrêt… puis lui fit signe de passer au-delà du comptoir, vers l’arrière-boutique.
« Filez au bout du couloir, il y a des lits, je vais aller chercher mon collègue. »