Nouvelle lutte pour le pouvoir chez la jeune femme. La maîtresse légitime du corps le récupéra, et alors qu'il la regardait incrédule, elle commençait à se fondre en excuses et en attitude de martyr. Un peu plus, on aurait pu l'appeler Sainte-Blandine ou Marie-Thérèse. Durant ce même temps, elle avait renoncé à ses armes et à sa protection.
Entre l'une qui se prenait de haut par rapport à tous les autres et qui aimait à première vue le sang et les combats, et l'autre qui s'offrait toute entière en cadeau d'excuse, Daclusia ne savait pas vraiment laquelle il préférait avoir en face de lui, et pour une fois, il ne sut plus sur quel pied danser. Il se laissa tomber au sol, assit en tailleur, la tête penchée sur le côté.
Et maintenant, elle se tenait en position presque de prière, en demandant des explications comme si elle était indigne de les recevoir. Le JYL songea que cette demoiselle avait bien besoin d'une leçon d'amour propre pour se respecter un peu plus, et que l'autre dame avait besoin de se faire moucher, ainsi que d'apprendre l'humilité. Se balançant d'avant en arrière, maintenant ses chevilles collées avec les mains, il bailla, un peu lassé de toutes ces palabres et de toute ces assemblages de verbes inutiles. Puis il se figea, se rendant compte qu'il avait trahis son camouflage de muet en ouvrant grand la bouche, qui était blanche et rayonnante, à un point qu'on ne voyait que du blanc quand elle s'ouvrait.
Cependant, ce n'était pas vraiment grave. Car même s'il avait une bouche, il ne pouvait réellement plus parler, son corps n'étant composé à cet instant présent que d'un flux de foi et d'énergie mentale, et que ces yeux et cette bouche n'étaient qu'une variation du taux d'énergie créé inconsciemment par ses souvenirs d'humain.
En ouvrant grand la bouche, l'esprit fit comprendre d'un geste du doigt qu'il était incapable de parler, et bailla une nouvelle fois pour accentuer le fait qu'il s'ennuyait, tout en affichant une expression d'enfant qui s'ennuie à cause d'un adulte lui délivrant un sermon bien trop long et bien trop inutile.
Malgré tous ses beaux sentiments, malgré sa non haine, et sa soit disant pureté, Daclusia se fichait un peu de ce qu'elle disait. Il s'était levé, et pendant que ses répliques jouaient comme un fond sonore sur ses actions, il traçait dans les airs un grand cercle, qu'il détailla et décora de signes étranges, formant pour finir une moitié d'étoile alchimique, où s'incrustaient des symboles Xintiens et des sigils incompréhensibles pour autre que lui même.
Au moment exact où Crescentia avait terminé de parler, lui retirait son doigt du sceau ainsi formé. Quand la jeune femme releva la tête ce même sceau, formé de flammes bleues, brilla dans un flash court mais aveuglant.
Puis une phrase retentit dans l'air. Une phrase qui venait de partout, et également de nulle part. La voix de l'âme du JYL.
" J'existe pour faire ce que je crois avoir à faire. "
Reprenant une position de combat, le regard dur, et la keyblade pointée droit sur la gorge de la demoiselle, qui avait, par ailleurs, sans que l'une des deux femme ne le remarque, reprit dans les yeux l'éclat caractéristique de Mersmentia, il conclua:
" Habituellement, je vend, en échange d'une contrepartie, les vœux qui sont les plus chers à mes clients. Mais là... Je ne suis qu'une créature chaotique, sans loi, sans ordre. Je fais ce que je crois avoir à faire. C'est tout. Et je crois que, l'une comme l'autre, vous avez une leçon à apprendre. "
Un moment passa. Le vent recommençait à souffler. Les braises bleutées qui gisaient un peu partout sur le cercle d'herbe noirci commençaient à étendre leurs flammes. Et, étonnamment, les herbes noires redevenaient vertes. Elles récupéraient de leurs blessures. En échange de leur force vitale pour changer de forme, le JYL leur avait offert de son énergie à lui, pour les régénérer. Sa lame toujours dardée sur le pharynx de l'avatar, Daclusia intima enfin:
" Allons, Mersmentia. Lèves toi, et bats toi. Crescentia ne viendra plus te déranger pour un moment. "
Et, alors qu'elle s'apprêtait ou non à reprendre ses armes, sans crier gare, la keyblade de l'esprit se changea, dans un rayon de lumière et un " POUF " sonore... En mouton. Un mouton blanc, à la peau noire, avec une boucle d'oreille en or, et un sigle nucléaire tagué sur la laine. Ce mouton toisa d'ailleurs assez agressivement le JYL, comme si ces deux là se connaissaient déjà...