«
Ne te moque pas de moi, Kerrigan ! »
Elle avait soupiré quand la main redoutable de l’immense
Phyrexia l’avait détaché de son trône. Colossal, l’Annexien l’avait regardé de ses étincelants yeux bleus, son visage recouvert par une armure. Autour de lui, ses
ignobles gardes du corps avaient claqué des dents, leur chair visqueuse et dégoulinante formant un spectacle sinistre, repoussant les quelques Formiens de la Reine des Lames.
«
Je sens ton arrogance, ton ambition, Kerrigan ! Je ne t’aime pas... Je ne sais pas pourquoi l’Esprit de la Nuée a décidé de te confier la responsabilité d’Abathur, mais je n’aime pas ça... Tu es une pute ! »
En grognant, Phyrexia balança Sarah, qui heurta violemment un mur. Furieuse, la Reine des Lames se releva, en ravalant son orgueil. Phyrexia était plus fort qu’elle. Il pouvait la balayer, et elle savait qu’il n’attendait qu’un prétexte pour la démembrer, lui arracher la tête, et l’exhiber comme trophée dans sa salle de trône. C’était un redoutable Annexien, qui était là depuis les premiers jours de l’Invasion. Il avait fait partie de la première vague de Formiens ayant jailli de la Fourmilière pour conquérir le monde. Il prétendait avoir déjà conquis d’autres mondes pour la Nuée, mais Sarah ne le croyait pas. C’était un vantard, et il peinait à mener sa propre Nuée. Elle était immense, mais il manquait de stratégie, se contentant juste de compter sur son nombre, en envoyant d’innombrables Formiens qui se faisaient pulvériser par les armes tekhanes.
La vérité, toute simple, était qu’il désirait que Sarah devienne sa Cérébrate, qu’elle se soumette à lui, et ainsi qu’il dispose, non seulement de sa Ruche, mais aussi du corps de la Reine des Lames, et de son ingéniosité. C’était elle qui avait étudié tout le réseau souterrain de la Fourmilière, et qui avait construit des tunnels ayant permis d’échapper au blocus tekhan en vigueur. C’était elle qui avait mené des expériences sur des humaines afin de les transformer en Formiennes, et qui avait développé des parasites capables de manipuler psychiquement l’esprit d’individus. Des techniques alternatives qui avaient pour l’heure échoué à être décisives dans la victoire, mais qui accroissaient l’influence de Kerrigan... Ce qui déplaisait beaucoup à certains Annexiens, comme Phyrexia.
«
Je vois clair dans ton jeu, Kerrigan...Tu veux diriger la Fourmilière, tu veux faire de moi ta pute... Je ne le laisserais pas faire ! Je suis un être pur, moi, pas une saloperie d’hybride transgénique comme toi ! -
Tu es... Surtout paranoïaque... -
Tu es faite pour pondre, salope, pas pour commander ! »
Sarah esquissa un léger sourire devant ce sexisme avéré. Du sang s’échappait de ses lèvres, mais son sourire n’échappa pas à Phyrexia. Il serra le poing. Il avait trop de fierté pour continuer à se battre. Sarah voyait clairement son petit jeu. Il était grand, mais pas très malin. Arrogant et idiot, comme Zeratul, l’Annexien imbécile à qui Kerrigan avait volé sa Horde, le laissant pour mort. Phyrexia subirait le même sort. Il voulait que ce soit Sarah qui l’attaque, que ce soit elle qui déclenche les hostilités, afin de rallier les autres Annexiens à ses côtés. Un silence tendu s’instaura entre les deux. C’était presque une caricature formienne de David contre Goliath, vu la taille de Phyrexia.
«
Nous n’en avons pas terminé, Kerrigan... »
Il s’écarta pesamment, ses abominables monstres le suivant, avec leurs affreuses têtes triangulaires. Sarah le laissa partir sans rien dire, un sourire sur le coin des lèvres.
«
J’y compte bien... »
C’est seulement quelques heures après cette entrevue qu’elle avait senti une
présence. Elle se trouvait à des centaines de kilomètres, mais la Reine des Lames la sentit très distinctement. Une présence
formienne, une impulsion psionique similaire à celle qu’elle-même dégageait pour se faire obéir de ses Formiens. Sarah Kerrigan était une Annexienne très puissante, disposant de pouvoirs psychiques accrus. Humaine, elle était déjà une Ghost légendaire, et, quand Abathur l’avait transformé, il avait sensiblement amélioré ses capacités. Quand elle méditait dans son trône, sa conscience se répandait dans le monde. Aurait-elle connu la Terre qu’elle aurait pu comparer cette sensation à celle du mutant Charles Xavier enfilant Cérébro pour amplifier ses capacités télépathiques.
Elle avait senti cette étrange puissance, et avait réagi rapidement. En un sens, son altercation avec Phyrexia l’avait motivé davantage à y aller. Pour une obscure raison, une Formienne disposant de pouvoirs similaires à ceux d’un Annexien venait de débarquer. Intelligente, Sarah en déduisit qu’elle venait probablement de l’espace... Là d’où émanaient tous les Formiens, après tout. Si elle l’avait senti, d’autres Annexiens le sentiraient... Sans parler des Tekhanes, et de leurs maudits instruments de précision. Sarah se motiva ainsi à partir le plus vite possible, emmenant avec elle quelques Xénomorphes. Il y en avait peu, afin d’éviter qu’on ne la remarque, et qu’elle puisse se déplacer plus vite.
Il lui fallut quelques jours pour arriver. La mystérieuse Annexienne avait atterri dans des plaines rocailleuses, le long d’un immense désert sauvage, dans d’anciens forts tekhans qui avaient été bâtis là il y a des générations, avant l’Invasion, en prévision d’une énième guerre contre l’Empire d’Ashnard. Elle s’était réfugiée dans un petit fort secondaire, probablement un fort d’approvisionnement, et avait recouvert ce dernier d’une fine couche de protection... Une structure qui ne ferait qu’attirer encore plus l’attention des Tekhanes, estima Sarah.
*
Je décèle peu de Formiens... Ceci explique sans doute pourquoi je suis la première à arriver... Mais cet état de grâce ne va pas durer longtemps, sa puissance psychique est impressionnante. Pas de doute, c’est une Annexienne... Sans Horde.*
Prudente, Sarah, qui masquait sa présence, avait envoyé un Xénomorphe en guise de messager, sa seule présence était, à ses yeux, suffisante, pour s’annoncer. Face à une femme normale, son Formien l’aurait attaqué, afin de la violer sur place. Face à elle, il se montra calme, attentionné, étrangement apaisé... Et passif. Sarah observa cette scène de loin, avant de progressivement se rapprocher, sortant de l’ombre lorsqu’elle vit la femme s’avancer hors de sa Ruche en formation.
Son Xénomorphe n’avait pas eu besoin de la rejoindre pour qu’elle arrive. Elle se tenait en hauteur, sur un rocher, et, comme à son habitude, elle choisit de faire une entrée... Plutôt remarquée. La Ruche se découpait en bas, minuscule, et elle prit son élan, bandant ses muscles... Avant de bondir dans les airs, sautant de son haut rocher, descendant à toute allure vers le plateau sur lequel se tenait l’étrange visiteuse. Ses pattes arachnéennes jaillissaient de son corps, le soleil brûlant dans son dos, et elle atterrit pile devant la femme, à quelques mètres seulement, pliant les genoux en se réceptionnant sur le sol, faisant voler de la poussière autour d’elle.
Sarah se redressa ensuite, lentement, plantant son regard acéré dans celui de la femme. Silencieusement, elle lui faisait comprendre qu’elle avait affaire à une semblable, et dit alors la seule chose qu’il convenait de dire :
«
Je ne viens pas t’asservir... Sœur. »
Sarah le sentait. Peut-être parce que, comme cette femme, elle était à la base une humaine. C’était une
hybride. Ou alors, ce n’était qu’une intuition. Rapidement, Kerrigan rajouta alors une précision supplémentaire :
«
Mais ceux qui arrivent, eux, viennent pour t’asservir... Ou pour t’étudier comme un rat de laboratoire. Sarah Kerrigan est mon nom. »