L'Overlord apprécia un moment l'arrivée triomphale de la déesse et ses troupes, qui malgré une certaine fatigue tentaient tout de même de garder fière allure, leur chef leur donnant l'exemple à suivre.
La Reine disparut avec sa suite alors que le balcon n'offrait plus que la vision de son épaisse cape tandis qu'il faisait volte-face pour disparaître à son tour dans les étages supérieurs, sans doute sa suite personnelle tout en haut du Donjon Infernal dont il se plaignait d'ailleurs des problèmes de chauffage et de dirigeables s'écrasant dessus, aussi.
Il rejoignit donc un couloir central et monta son imposant escalier en hélice, fierté architecturale qui lui permettait de ne jamais croiser les larbins en montant alors qu'ils descendaient. Une fois monté, un ascenseur fonctionnant à l'aide de poulies, d'une plateforme et de pas mal d'esclave vint entamer l'ascension céleste de leur démoniaque souverain, seigneur légitime et maître incontesté.
Accroché à la plateforme, la tête percutant par moment les parois difformes jusqu'à la commotion, un esclave parvint à lui transmettre la nouvelle de la toilette royale, qu'elle serait prête à le retrouver une fois changée. Cela brouillait tous ses plans.
D'un claquement de doigt, il ordonna plus d'esclave, donc plus de vitesse pour son ascenseur : il devait rivaliser en majestuosité face à sa rivale de mode qui était également son invitée !
D'un coup de pied, les lourdes portes de sa loge impériale vinrent grincer sur leurs gonds pour heurter les tapisseries déjà abîmées par d'autres précédentes entrées pressante (les latrine ayant été largement subnuméraire par une bourde d'architecte) pour dévoiler l'imposante silhouette du maître des lieux.
Son regard glissa un instant de la gauche vers la droite, commençant par une large commode taillée dans un arbre-vie d'elfe, lieu sacré tellement démoniaque et fashion à la fois, puis quelques tapisseries reflétant la grandeur de son être au travers de batailles qu'il avait jusque là prévues, un large lit à baldaquin bizarrement entretenu, quelques cercueils avec une liste d'attente pour leur remplissage, parmis lesquelles pouvaient figurer le Yéti, Cthulu et Casimir... puis vinrent deux petites tables de jeux d'échecs et de dame, la partie semblant dans les deux cas en défaveur du Monarque mais d'anciennes tâches de sang maculant le damier semblant indiquer un accord à l'amiable pour une victoire de l'Overlord.
Finalement, ce fut la commode qui s'ouvrit, des carillons en os d'orc venant accueillir le fashionmaster qu'il était alors que nombre de peaux de bêtes toutes plus colorées les unes que les autres s'étalaient devant lui. Il allait être le plus terrifiant ET agréable.
Quelques minutes passèrent avant qu'un ordre, ou plutôt rugissement ne vienne faire trembler les murs du clocher Infernal, l'ascenseur arrivant bien vite chargé de deux gobelins qui s'empressèrent de féliciter leur monarque et refermer les lourdes portes de sa chambre. Alors que celui ci empruntait la plateforme, c'était maintenant à eux de se démerder pour descendre.
La salle d'orgie avait été la première à être investie par les troupes de la Souveraine, et l'Overlord savait bien qu'un soldat rentrant d'une longue campagne ne trouverait jamais l'intérêt relaxant du golf à son goût. Il voulait de la chair luisante de sueur, des fesses brandies n'attendant que des objets plus ou moins contondants pour faire connaissance avec. L'endroit jusqu'alors vide s'était empli d'une odeur tenace d'hormones, et des tâches en tout genre apparaissaient peu à peu sur le sol : piloris, potences, tout avait été mis à disposition pour satisfaire les vices de tout le monde, et le résultat semblait plaire. Bien sûr, peu de monde se souciait des arcs de voûte qu'il avait fait rénover de sculptures d'incubes réalisées sur mesure pour la salle, aux phallus démesurées accueillant les visiteurs depuis la hauteur.
Alors que la Reine avait pris place sur l'un des quelques trônes disponibles pour les voyeurs et recouverts d'un peu de tissu pour éviter le froid contact de la pierre taillée, ce fut au Monarque Infernal de faire son entrée.
Tout d'abord, ce furent les portes qui grincèrent, les larbins costumés d'uniformes serrés à en faire pâlir les plus grands maroquiniers,qui se chargèrent de frayer un chemin jusqu'à la reine, tandis qu'un roulis rebondissait peu à peu sur les parois : Là, sur un char de type romain tracté par quelques larbins apparut le Maître des Lieux, grandiose, majestueux, droit et fier.
Il avait troqué son armure de plaque pour une cuirasse de cuir de sanglier noir, parcouru de quelques lanières finement gravelées parcourues de boucles en or ciselées à motif d'inspiration celtique : un fin tissu mauve sombre venait bouffer ses bras pour éviter de coller à sa musculature et en faire un noble avant un guerrier. Les manches venaient s'engouffrer dans de lourds gants à rebords en cuir tanné, plus clair, et qui tenaient pour le moment les rennes des larbins colporteurs.
En guise de bas, des pantalons bouffant serrés de couleur magenta terni rejoignaient sa ceinture à boucle large avec de longues cuissardes de cavalier, parcourues des mêmes motifs que sa cuissarde : il avait décidé de faire dans le léger, et l'élégant.
Cependant, tranchant avec le reste, il avait choisi un spangelheim à panache mauve et noir, ses couleurs, pour couvrir son chef : là où sa nuque était couverte de cuir clouté gravé, son visage était lui à découvert, mais la triste réalité de son faciès allait décevoir les sceptiques : un simple silhouette humanoïde couverte d'un voile de noirceur que même une déesse cotoyant le mal ne pourrait assimiler à des formes humaines : du mal pur.
A mesure qu'il s'avançait, ses larbins se retiraient et son char semblait ainsi percer une vague humaine, s'approchant gracieusement de l'invité de marque qu'il accueillait en ce jour.
Les colporteurs congédiés, le devant du char se détacha par deux verrous habilement placés pour s'échouer en avant, offrant au Monarque Infernal un escalier très surprenant qu'il emprunta d'un pas lent. A peine eut-il posé pied à terre que le char fut traîné dans la vague de chair mouvante, disparaissant dans un claquement de portes.
L'Overlord s'avança donc, et s'enquit d'une courte et rapide révérence en direction du trône :
Ma Reine, c'est une charmante malédiction que de recevoir votre exquis maléfice au sein de mon Donjon. Bienvenue dans mon petit chez moi !
Très formel, très pompeux, mais la suite le fut bien moins, tandis qu'il brisait les quelques mètres le séparant du trône pour s'assoir sur l'un des coudes du meuble en pierre, posant une jambe dessus alors qu'il faisait face à Louhi et guettait la pièce de trois-quart.
J'ai fait rénover ces gargouilles il y a peu, vous savez. Très bon architecte, mais le nom m'échappe, il hurlait trop vite, incompréhensible, un oriental sans doute...