Au moins, elles étaient sur la même longueur d’onde : considérer ces autres individus comme inférieurs. Diable, c’était le minimum ! Aucune espèce ne pouvait sereinement se comparer à des vampires. Mélinda avait toujours justifié son souci de domination et de pouvoir par sa nature vampirique, comme si, en quelque sorte, le fait d’être vampire appelait à avoir plus de pouvoir. La nature intemporelle du vampire y était sans doute pour quelque chose, et cette situation conduisait Mélinda à considérer qu’elle n’était pas si arrogante que ça. Son arrogance était, pour elle, la résultante naturelle de sa situation de vampire. Comme Evangeline, elle s’était plus humble que la plupart des vampires, ne serait-ce que parce qu’elle était rationnelle, et très pragmatique. Elle ne croyait pas en de vieilles prophéties sur la suprématie de l’âge vampirique, sur l’avènement d’une civilisation vampirique, et, de fait, elle ne voyait pas bien en quoi cet avènement serait si paradisiaque. Les vampires étaient bien connus pour se détester entre eux. Si on leur donnait des moyens colossaux, en leur permettant de conquérir la planète, ils la réduiraient en cendres en se faisant la guerre. Evangeline acquiesçait de la rejoindre, et acquiesçait même à l’idée de laisser Mélinda gérer tout ce clan.
Néanmoins, la belle vampire se dut de faire une remarque :
« Nous sommes vampires, nous sommes égaux entre nous. Je ne veux pas de rang supérieur au tien. Si je fonde mon clan, je veux que toutes les décisions importantes le concernant soient prises collégialement... Mais je peux m’occuper seule de toute la paperasse administrative. »
L’argent n’était pas un problème pour fonder son clan. Il fallait surtout qu’elle trouve des vampires en qui elle pouvait avoir confiance, ce qui était bien plus difficile. Comme ils étaient de sa propre race, elle estimait qu’il n’était pas très respectueux d’essayer d’en faire ses esclaves. De plus, les esclaves vampires étaient difficiles à entretenir, vu leurs besoins réguliers en sang. Et puis, ce n’était pas correct. Mélinda ne voulait pas se sentir supérieure par rapport aux autres vampires qui rejoindraient son clan, tout simplement. Son clan ne serait pas une sorte de tyrannie où chacun chercherait à se tirer dans les pattes pour bénéficier du joli pactole financier que représente son harem. Au contraire, il faudrait se soutenir mutuellement, car Mélinda se doutait bien que la constitution de son clan attirerait des ennemis, des clans rivaux, que ce soit sur Terre, ou sur Terra.
Plongée dans ses réflexions, elle entendit alors le serviteur d’Evangeline s’affoler, en parlant de Terra, d’une « créature magique » qui ciblerait leur demeure, et de « glyphes ». Evangeline, visiblement agacée, répliqua alors, et Mélinda dut bien admettre que, sur ce coup-là, elle ne comprit pas tout. Evangeline avait visiblement quelques as dans sa manche. Si elle lui avait dit la vérité sur ce qu’elle était, et sur ce qu’elle avait fait, ce n’était pas très étonnant.
« La cinquième fois en deux jours..., répéta Mélinda en hochant la tête, laissant ensuite planer quelques secondes de méditation. La cinquième fois que quoi ? Vous avez un problème avec vos voisins ? »
Si elle s’amusait à kidnapper tous les gens du quartier, ça pouvait se comprendre... Mais, curieusement, Mélinda avait le sentiment que c’était quelque chose d’autre. Appelons ça une intuition féminine.