La non-violence était un principe que Doutzen avait tenté de développer en elle, comme un moyen de contrebalancer celle qu’elle voyait quotidiennement, et celle qu’elle savait que Reto utilisait. Elle n’était pas naïve, elle savait ce que son père adoptif faisait, et comment les « affaires » marchaient. Doutzen savait que, quand des hommes de mains de Reto lui interdisaient l’accès dans certaines pièces, notamment au sous-sol, c’était bien parce qu’il s’est passé des choses peu recommandables à l’intérieur... Et, curieusement, alors que Noah parlait, elle l’imaginait bien à la place des malfrats et des autres types qui avaient le malheur de finir dans cette pièce. Il était bien décidé à ne pas lâcher le filon, et le prouva en allant chercher le téléphone. Doutzen le regarda en fronçant les sourcils, puis regarda autour d’elle, jusqu’à voir sa chemise, et se pencha vers elle, la récupérant. Sortir, oui, mais elle n’allait pas le faire en corset. Elle tenait quand même à sa dignité ! De fait, avec le recul, qui peinait toutefois à venir, une voix lui disait que tout cela était ridicule. Qui était Noah ? Un nain, au lycée. Il voulait juste l’impressionner, et il n’avait aucune preuve recevable de ce qu’il avançait, rien d’autre que sa bonne foi. La « force de caractère » de Mina n’était qu’un argument très superficiel, la preuve en étant qu’elle n’arrivait pas à l’oublier, alors même qu’ils avaient rompu.
Elle mit sa chemise sur ses épaules, et, sans encore la boutonner, lui répondit :
« Rassure-toi, je ne compte pas rester davantage, je côtoie suffisamment de pervers et de malades mentaux sans devoir m’en farcir de nouveaux pour de stupides pièces de théâtre. Tu n’es qu’un petit singe face à ceux que je connais, Noah, alors, laisse-moi bien te dire ceci... Si tes singeries font de nouveau déprimer Mina, je vais, moi aussi, pousser la chansonnette. Tu te prends pour le Grand Méchant Loup dans cette histoire ? Tu n’es qu’à la cheville de celui qui lui torche le cul. Trouve-toi d’autres poulettes à torturer psychologiquement que moi ou mes amies, je passe mon tour. »
Son téléphone ne l’impressionnait pas. Elle aussi, elle pouvait menacer les autres, et s’imaginer tout un tas de scénarios. Dans les faits, elle doutait que Reto aille envoyer une équipe pour briser les genoux d’un simple lycéen. Son père adoptif tenait à elle, mais le sort de Mina lui était indifférent, et, de fait, Doutzen préférait éviter de trop le rapprocher... Elle ne savait jamais vraiment comment Reto pouvait réagir ou se comporter... Mais, en l’état, ce Noah lui sortait par les yeux. Quelle conne ! Oui, elle pouvait tout à fait s’insulter. Naïvement, elle avait cru que cet homme serait romantique... Et, en soi, elle pouvait éventuellement comprendre qu’il puisse se sentir désolé d’avoir dupé Mina, de s’être rapproché d’elle uniquement dans le but d’en savoir plus sur Doutzen. C’était une démarche intellectuelle malhonnête, mais qui pouvait aussi n’être rien de plus qu’une maladresse... Mais, là, ce n’était pas de ça dont il s’agit. C’était un pervers, l’un de ces hommes qui aimaient voir pleurer les femmes... Non, Doutzen n’avait décidément rien à faire ici.
Elle se mit quelques boutons, puis tourna les talons, et, sans plus attendre, se dirigea vers la sortie.
« Trouve-toi une autre nana avec qui tu pourras jouer à tes petits jeux pervers, et oublie-moi... C’est mieux pour nous tous. »
Doutzen devait se mordre les dents pour ne pas l’insulter de tous les noms, et, tout en disant ça, elle le laissa avec son téléphone, ses vaines paroles, et fila vers la porte.