Au fur et à mesure que le temps passait, je sentais monter la frustration en moi. Bien entendu, la première chose que j'avais fait était de prévenir les gardes de notre maisonnée afin qu'ils envoient une patrouille pour s'approprier la forteresse d'Haria. Ça s'était bien passé, et ça présageait de bonnes choses pour notre famille. Après, je devais convaincre mon père de fermer les yeux sur la présence d'Haria et de me laisser faire comme je l'entendais, mais ça...
- Ce n'est pas une question de confiance Cassandra, c'est une question d'image. Il n'est pas question d'accueillir une... va nu pieds comme tu viens de le faire. Je ne le permettrai pas! Si encore c'était en tant qu'esclave, j'aurais fermé les yeux, mais là... servante personnelle... bras droit? Laisse moi te rappeler qui est le chef de famille jeune fille. Je suis le chef de famille. C'est moi qui prends les décisions ici, et mes décisions sont sans appel. Cesse de suite ces imbécillités et allons voir cette... Haria. Maintenant qu'elle est là, je suppose qu'on va devoir faire quelque chose d'elle.
Je grinçai des dents et le suivis en silence alors qu'il quittait son bureau pour aller à l'encontre de mon invitée. Je ne le savais pas encore, mais j'allais regretter d'avoir gardé mon contrôle à ce moment précis. Mais je me disais qu'en la voyant, si frêle, si innocente, il changerait d'avis et me laisserait décider de son sort. Ou peut être était-ce que malgré l'inimitié que j'avais avec mon père, je ne souhaitais pas l'attaquer pour si peu, sans grande provocation. J'allais m'en mordre les doigts. Le trajet fut court, et nous arrivâmes dans la chambre dans laquelle s'était habillée Haria alors même qu'elle finissait de mettre ses vêtements.
Mon père s'arrêta à l'entrée de la pièce et l'observa alors que je souris vers la jeune fille et allai lui caresser la tête. J'avais remarqué qu'elle aimait bien les preuves d'affection physiques, donc je ne manquais pas de lui en donner. J'allais lui demander comment le bain s'était passé lorsque la voix de mon père retentit, glaçant mon sang dans mes veines.
- Je vois ce que tu voulais dire ma fille... Et je comprends presque ton opinion. Cependant, tu ne vois pas assez loin... Non, elle va être entraînée comme tu l'as été. Cela sera bien plus bénéfique pour notre famille. Depuis ta transformation nous avons perdu une partie du prestige dont nous bénéficiions à la cour, et il est temps d'y remédier.
Plusieurs secondes passèrent dans le silence le plus complet, et, les yeux fermés et mon visage dirigé vers Haria, une expression de rage des plus violentes s'afficha sur mon visage. Il voulait faire ça à quelqu'un d'autre? Il voulait faire ça à Haria? A une jeune fille si innocente? Si pure? Je tentai de contrôler ma voix, mais elle tremblait un peu quand je pris la parole.
- Lui faire subir ce que j'ai subi, c'est ça que tu veux père?
Il comprit à ce moment là ce qui allait se passer, avant moi même et avant les servants. Il n'avait pas été à la tête d'une famille noble en étant un idiot. Lorsque je le regardai, je vis ses yeux écarquillés de surprise et de peur mêlés, et je savais ce qu'il me restait à faire. Je m'élançai vers lui alors même qu'il ouvrit la bouche.
- Gardes!
Le reste fut comme dans un rêve, ou un cauchemar pour moi. En une fraction de seconde j'étais devant lui et mes griffes balayèrent l'air, visant sa gorge. Il bondit en arrière, évitant le coup mais je contrai cette manœuvre de suite en lui crachant un jet de mon poison au visage. Celui là il ne put l'éviter, et ses hurlements de douleur emplirent la pièce. Froidement, mon corps s'enroula autour de sa carcasse agonisante et en une torsion rapide, un craquement sinistre se fit entendre et le silence envahit de nouveau la pièce.
Il dura, et dura encore, jusqu'à ce que les gardes arrivent. Ils prirent conscience de la situation mais ne firent rien. Nous étions à Ashnard, et les coup d'états violents étaient autorisés. C'était la loi du plus fort, et ils voyaient que j'avais ce qu'il fallait pour prendre la tête de la famille. Un signe de ma tête et ils me saluèrent, avant de reprendre leurs positions.
C'était étrange, jusque là j'avais un certain détachement face à la haine que j'avait pour mon père. J'avais serré les dents, pesté et voulu le tuer maintes fois, je n'avais jamais imaginé que j'en arriverais là un jour. Parricide. Le mot me brûla le cœur, et fit remonter de vieux souvenirs, des souvenirs où nous étions encore une famille unie et joyeuse. Un élan de bile me remonta et je me contrôlai avec difficulté, me tournant vers les servants.
- C-Calmez Haria et... maintenez là ici. Je vais lui expliquer il faut juste... urgh.
Une main en travers de la bouche pour retenir ma nausée, je sortis de la pièce à pleine vitesse pour me diriger vers les latrines. Une fois là bas, je rendis tous ce que j'avais dans l'estomac. Bon sang, qu'est-ce que j'avais fait? Et pourquoi l'avais-je fait devant Haria? Mes pensées s'arrêtèrent net alors une autre remontée gastrique me déconcentra. Ça allait être amusant à lui expliquer... ou pas.