Lycée Mishima, bibliothèqueAnzu n’était pas une lycéenne comme les autres. Elle était originaire d’un endroit assez éloigné de Seikusu : un village agricole situé dans l’île d’Hokkaidō, le coin mort du Japon, peuplé d’arbres et d’agriculteurs. Elle s’était retrouvée à Seikusu presque par un heureux coup du sort. Ses parents savaient qu’Anzu était une élève brillante, qui aimait bien les études, notamment l’Histoire. Ils avaient donc décidé de lui offrir une bonne éducation, et, au Japon, l’éducation des enfants était quelque chose de très lourd. Les études secondaires étaient déterminantes, car elles conditionnaient les entrées dans les universités. Or, les universités japonaises étaient extrêmement élitistes, à l’image du Japon. Ceci avait conduit les parents d’Anzu à lui rechercher un meilleur établissement que ceux d’Hokkaidō, et elle s’était retrouvée à Mishima, les parents d’Anzu ayant de la famille là-bas, à savoir un oncle pêcheur qui insistait un peu trop sur le
saké, ce qui l’amenait à raconter des histoires graveleuses faisant rougir les femmes.
Anzu n’avait jamais vraiment été une acharnée de travail, et avait été loin de souffrir du
gakurekibyō, la maladie du travail et des diplômes. Elle était une péquenaude, concrètement. Chez elle, la réception télé était naze, la seule console de jeux, à laquelle jouait son père, était une Famicom, et elle ne connaissait du monde extérieur, urbain, que ce qu’elle en lisait à travers les mangas de la librairie du village où la famille se rendait pour acheter à manger. Elle était surtout venue en ville pour découvrir les joies de l’urbanisation et des grandes villes. Si elle était timide, elle avait rapidement su se décoincer, et elle le devait, à vrai dire, surtout à une personne. Une petite femme qu’on reconnaissait plutôt bien, en raison de sa grande beauté. Sa Maîtresse, une vampire qui vivait dans un grand manoir en lisière de la ville, dans les hauteurs friquées de Seikusu : Mélinda Warren.
Sans qu’Anzu ne comprenne vraiment le pourquoi du comment, elle avait été désignée par Mélinda, et était devenue son esclave... Et Mélinda n’avait pas vraiment eu de mal à la convaincre, en réalité. Anzu venait d’une région traditionaliste du Japon, agricole, un endroit où on respectait la tradition, et où les femmes étaient assignées à un rôle inférieur. Anzu avait vécu dans une logique de soumise, et, dans cette logique, il n’avait pas été trop difficile de la soumettre à Mélinda. Anzu était une fidèle esclave de Mélinda, et c’était dans cette optique qu’elle allait aujourd’hui aborder un jeune homme, plutôt timide et renfermé sur lui-même.
Eden Miquim était un mystérieux garçon se trouvant dans la même classe qu’Anzu. Il ne se liait pas avec les autres, restant dans sa bulle, et intéressait sa Maîtresse. Maîtresse avait donc chargé Anzu d’amener Eden au manoir, afin qu’elle s’occupe de lui, en estimant qu’Eden se sentirait plus rassuré si la demande venait d’Anzu. Et Anzu, à vrai dire, avait un argument tout trouvé.
Dans le cadre des cours, il fallait réaliser un exposé à plusieurs. Anzu s’était proposée pour travailler avec Eden, et, depuis plusieurs semaines, elle se rapprochait de lui. Rien de bien exceptionnel, rien qui ne puisse faire d’elle une allumeuse, mais elle savait comment les timides raisonnaient. Le simple fait qu’elle lui demande comment il allait, et lui offre quelques sourires, était entièrement suffisant pour le perturber, pour le faire rêver, et lui amener à se poser des questions. Elle le préparait, et comptait maintenant passer aux choses supérieures.
Elle rejoignait Eden près de la bibliothèque, mais sans vraiment avoir l’intention d’y rester. Elle lui avait donné rendez-vous par SMS. Encore une autre chose qui avait du lui faire plaisir, quand elle avait demandé à échanger leurs numéros... Pour les bienfaits de l’exposé, bien entendu !
«
Ah ! s’exclama-t-elle en voyant Eden.
Salut, Miquim-san prononça-t-elle, en lui faisant une légère révérence.
Tu es prêt à aller travailler ? »
Elle lui faisait un sourire chaleureux, ce genre de sourires auxquels on ne pouvait pas résister. Anzu avait la réputation d’être une bosseuse, ce qui, partant de là, en faisait une élève sérieuse, sur laquelle on pouvait avoir confiance... Des éléments que sa Maîtresse avait su lui révéler, afin qu’elle en profite au mieux.