[Bon, dernière fois que j'use de la tactique du destin inexorable :3 À partir de ce post, tu retrouvera l'entièreté de ta liberté \o/... au niveau créatif, bien sur, muahahahaha]
Lorsque l’esclave le quitta, le Roi sentit son esprit se détendre dramatiquement. Il se sentait beaucoup mieux, maintenant. Il posa une main sur son visage pour essayer de retrouver ses sens. Depuis combien de temps ne s’était-il pas senti ainsi devant une servante? Depuis Fiela, assurément. Cette femme lui avait fait voir de toutes les couleurs, autant l’amour que la colère, le reproche que la compréhension. Il se leva du lit et se pencha par-dessus le bain avant de faire couler l’’humidité entière de la pièce (nettoyée, bien sûr) sur sa tête, question de nettoyer son cerveau des images du visage de l’esclave, de ses beaux yeux troublés par son comportement. Il ne le lui reprochait pas, il était difficile, après tout, de comprendre le raisonnement d’un immortel; même lui s’y perdait un peu, parfois, à se demander si ses raisonnements étaient compréhensibles par les gens qui n’avaient pas à calculer chaque geste qu’elles posaient, par peur de trainer un nouveau poids pendant des décennies. Enfin. Il passa une main dans ses cheveux maintenant humides et se mit à réfléchir à ses prochains gestes. Tout comme l’avait dit Camélia, la formation du lien était maintenant une chose qui lui revenait d’analyser et de juger. Il avait bien compris ce que voulait dire la jeune femme, seulement, ce que les dieux avaient fait était quelque chose de dénaturant non pas au niveau magique, mais bien au niveau physique, puisqu’il n’avait en lui qu’une demi-âme, une âme séparée de son essence vitale. Il était mort, au bas mot, et pourtant, son corps continuait de fonctionner, parce que son âme avait été « cousue » à son enveloppe charnelle, le forçant à vivre. Et quand bien même elle avait raison et que le lien risquait de troubler ses pouvoirs et le rendre mortel, il aurait simplement trouvé la fameuse erreur de calcul qui lui permettrait d’échapper à la prison qu’était devenue son enveloppe de chair. L’idée en elle-même devenait alléchante.
Il allait le faire. Il la lierait avec lui. Il la formerait, également, pour qu’elle soit capable d’user de ses pouvoirs comme s’ils étaient les siens. Elle et lui ne deviendront plus qu’une seule personne; elle deviendra son double aux yeux de tous, il en ferait sa doublure, mais également la personne la plus proche de lui, son épée dans le noir, là où lui-même ne pouvait pas agir. Son existence en tant que personne, qu’esclave ou objet s’effacerait complètement, et une nouvelle vie lui sera mise sur un plateau. Si elle arrivait à tenir parole, elle pourrait devenir un second Kah’mui, et peut-être celle qui, sous son ordre, reprendrait le flambeau quand lui disparaîtra du trône pour mener sa propre guerre. Ah, les plans qui se formaient dans sa tête tourbillonnaient avec une telle frénésie qu’il en eu le tournis. Qui aurait cru qu’une personne sortie de nulle part lui apporterait toutes les solutions à ses problèmes? Brièvement, il se sentit même coupable de faire d’une personne une forme de bouc émissaire, un remplaçant, et spécialement une personne qui n’a jamais eu le droit de faire ce qu’elle voulait de sa propre vie, au point de croire que ses propres désirs étaient ceux de son maître. Est-ce qu’il était moral de faire une telle chose? En tant que Roi, oui, mais en tant qu’un être doté de raison, un être pouvant changer le destin d’une personne selon sa fantaisie, est-ce qu’il n’enfreindrait pas une de ses propres règles par ce geste? Il voulut s’accrocher un peu plus à cette culpabilité, l’un de ses rares sentiments humains qui lui restaient, mais elle lui fila entre les doigts et un sourire presque carnassier trouva sa place sur ses lèvres, ainsi qu’un rire sinistre dans sa gorge.
Lorsque le fou rire cessa enfin, il regarda la chambre puis il décida que s’il devait faire de la jeune femme la personne la plus proche de lui, il devait s’assurer que sa confiance ne devait pas être mal placée. S’il devait lui faire confiance, elle devait en être digne, et il devait acquérir la sienne. Il regarda le lit et magiquement replaça les draps, tournant par la suite les talons pour se diriger vers le feu qui grésillait encore dans l’âtre de la cheminée. Il plongea sa main dans les flammes puis il marmonna, les dents serrées, que sur la tête de son père, que ce soit maintenant ou plus tard, qu’il ne fera rien qui ressemblerait, de près ou de loin, à de la trahison envers la demoiselle. Une fois le serment formulé, les flammes se mirent à briller d’une couleur bleuâtre. La marque de brûlure sur la main du Roi s’effaça, laissant au centre du dos de sa main une petite larme de peau brûlée mais cicatrisées. Son serment avait été entendu.
De l’autre côté, Alessa avait laissé tomber l’entretien de son épée pour regarder l’intruse dans ses appartement. Un instant, une vision de sa lame filant vers la tête de cette insolente demoiselle lui traversa l’esprit, mais sa raison retint son bras. Elle regarda la servante de son maître avec circonspection, se demandant ce qu’ele pouvait bien lui vouloir maintenant. Lorsqu’elle se mit à tenter d’effacer sa jalousie, la Meisaenne sentit un sourire presque mesquin lui chatouiller la commissure de ses lèvres; qu’il serait bon de la remettre à sa place immédiatement. Elle la laissa néanmoins finir son petit discours avant de prendre la parole à son tour, se levant. Elle s’approcha alors de Camélia et l’agrippa avant de l’attirer fermement, et probablement douloureusement, contre elle, lui agrippant ses magnifiques cheveux de sa main libre pour qu’elle lève la tête vers elle. Il serait si simple de lui voler toute sa valeur; l’embrasser, là, maintenant, et le tour aurait été joué. Mais elle n’était pas ce genre de personne. À la place, elle la regarda droit dans les yeux.
-Sache deux choses, Camélia. Je ne suis ni l’amante, la concubine ou la soupirante de mon Roi, et donc, tes soucis sont déplacés. Tout comme toi, je suis sa servante. Deuxièmement, la différence entre toi et moi, et la raison de mon inconfort, est la possibilité qu’une personne comme toi, qui ne sait rien de lui ou de ses soucis, puisse avoir la chance de devenir à jamais liée à lui, à partager ses souvenirs, ses sentiments, ses douleurs et ses angoisses. Tu as une chance que moi et mes sœurs tuerions milles fois pour avoir, une chance qui t’est donnée sans que tu n’aies jamais rien eu à faire pour l’obtenir. Nous sommes jalouses, oui, assurément, mais jamais moi ou une de mes sœurs ne poseront le moindre doigt sur toi sans l’autorisation du Roi, et peut-être même là, tu n’auras rien à craindre de nous.
Sur ces mots, elle la relâcha enfin. Elle replaça d’une main la mèche décoiffée par sa prise des cheveux de la jeune femme puis elle la toisa, comme toute bonne chef militaire qu’elle était.
-Cependant, je ne peux pas te parler de cette opération. Tu n’es pas encore une femme de Meisa, ni liée à mon Roi, et je ne sais pas encore si je peux te faire confiance. Je suis peut-être trop méfiante, mais peut-être est-ce que ce comportement soumis cache des dessins que je ne peux percevoir, et donc, ce serait folie de te parler de ce projet.
Elle jaugea un moment la jeune demoiselle et, d’une main ferme, elle l’emmena vers le miroir, devant lequel elle la força à s’asseoir.
-Je sais que tu vas retourner voir le Roi, et selon ce que j’ai entendu, il y a de grandes chances que tu te sois attiré son regard. Et je refuse que tu ailles à sa rencontre sans au moins avoir eu droit à un brin de toilette.
Sur ces mots, elle fit apparaître un peigne entre ses doigts et entreprit de démêler les cheveux de sa victime, sans lui laisser la possibilité de se défendre. De toute façon, probablement qu’elle en serait incapable si la Meisaenne la contraignait, vu la différence entre leurs forces respectives. Elle prit bien soin de dénouer sa chevelure, puis elle lui appliqua un tout petit peu de rouge à lèvres pour lui redonner un peu de couleurs, car bien qu’elle récupérait très rapidement, la chanceuse, elle ne pouvait pas nier une certaine pâleur. Elle avait été très mal en point, après tout. Après cela, elle resserra légèrement les cordons de la robe de Camélia. Une fois cela fait, elle l’aida à se relever.
-Je te préviens, le Roi n’est pas comme les autres hommes. Tu risques de rencontrer beaucoup de surprises dans les prochaines heures. Maintenant…
Elle lui flanqua une petite claque sur les fesses.
-Fonce, ma grande.
Dans la chambre du Roi, celui-ci s’était installé contre le bas du lit, les bras croisés, toujours pensif à ce qu’il allait faire. Mais il était prêt. Et décidé. Le destin semblait se montrer plutôt inexorable pour la jeune esclave.