Protection rapprochée [Kido Saori]

« Putain, Nathan ! Encore au bar ?! »

L’intéressé ne répondit pas, tournant la tête pour voir son collègue approché. Kenji Kazahimura était l’un des policiers qui avaient été envoyés pour s’assurer de la protection d’un gala de charité organisé par la Fondation Kido auprès des personnalités de Seikusu. D’après ce que Nathan avait compris, ce gala avait pour but de récolter des fonds, des dons, ou des promesses de dons, pour les enfants pauvres de certains pays. Nathan, honnêtement, se moquait pas mal des motivations de ces super-riches qui cherchaient à se racheter une conscience en distribuant quelques yens et de malheureux dollars à des enfants dont ils n’avaient, fondamentalement, rien à faire. Le seul intérêt de ces types hypocrites et arrogant était simplement de se faire bien voir auprès des médias qui couvraient l’évènement.

« Je te rappelle que j’ai pas insisté auprès du commissaire pour te voir boire comme un trou toute la soirée !
 -  ’Me fais pas chier, Kenji... grogna Nathan en secouant la tête.
 -  Il y a parmi les invités des conseillers municipaux, ainsi que les pontes de la police, glissa Kenji à son oreille. Essaie de penser à autre chose que ta gnôle, merde... »

Nathan grogna, secouant la tête, n’ayant rien à lui dire. S’il avait pu, il aurait clairement refusé d’aller à cette soirée de merde, et aurait passé sa soirée à boire sur son canapé, sans personne pour lui casser les pieds. Kenji se prenait pour son père ou quoi ?! L’homme était un petit flic opportuniste et borné, du genre lèche-culs. Il portait un élégant costume, et faisait des ronds de jambes devant les avocats, les juges, et les procureurs ayant été invités, tout en conversant avec le commissaire principal. Pourquoi diable avait-il tenu à inviter Nathan ? Même lui n’avait pas la réponse à cette question, mais il soupçonnait que c’était parce qu’il faisait partie de l’équipe de Kenji, et que ce dernier cherchait à redynamiser son équipe, afin d’obtenir une promotion.

L’homme était tout de même venu avec des vêtements propres et décontractés. Ce n’était pas un smoking élégant, mais un costume légèrement gris, qui ne lui allait pas du tout. Il avait néanmoins réussi à se raser, et avait tenu dix minutes avant de se rapprocher du bar. Le gala avait lieu dans un luxueux penthouse sur plusieurs étages, avec des terrasses, et de grandes salles de réception. Il y avait tout le gratin de Seikusu, et la police, naturellement, était là pour sécuriser les lieux, en plus des agents de sécurité. Dans la mesure où des agents en uniforme auraient quelque peu juré avec le décor, ils étaient venus avec des costumes, mais portaient des armes. Kenji passa une main sur ses lèvres, réfléchissant.

« Va aux toilettes, passe-toi un coup d’eau fraîche, et arrête de boire, bordel ! »

Nathan le regarda, reposant son verre, et hésita.

« Ouais... Ouais, okay...
 -  A la bonne heure ! »

L’homme lui donna une claque dans le dos, et s’écarta lentement.

« Kido-san fera bientôt son discours. Je ne tiens pas à ce que les journalistes balancent dans leurs saloperies de magazines people la gueule ravagée et défoncée d’un flic lors de ce gala !
 -  L’image de marque, c’est important...
 -  Tout à fait. Tu sais où sont les chiottes ?
 -  Tu veux me la tenir ? »

Soupirant, Kenji préféra s’écarter, et Nathan s’avança rapidement. Il y avait de discrets accords de musique classique dans un coin. Nathan croyait reconnaître, de loin, certains accords du Minuetto de Boccherini, confirmant au moins le caractère très prétentieux de cette soirée. Il évita un steward, et s’avança dans un couloir, ouvrant la porte des toilettes pour hommes. Un grand espace avec plusieurs lavabos et des vitres, devant lesquels il se posa, commençant à mettre de l’eau sur sa figure, pour se regarder dans le miroir. Il y avait des cernes sous ses yeux.

*Depuis quand t’as pas eu une nuit complète, mon vieux ? Toujours à fuir, à essayer d’oublier dans l’alcool...*

Il grogna.

« La ferme... »

Voilà plusieurs jours de Saori Kido préparait cette soirée. Elle était très importante pour la demoiselle, car il s’agissait de récolter des fonds pour la fondation Kido afin d’aider les orphelins. Cette fondation ne s’était jamais détournée de son but même si son grand-père avait recherché des orphelins pour une autre raison plus secrète pour le grand public. Saori attachait toujours de l’importance à aider les personnes en difficultés, et ce, depuis qu’elle avait les rênes de la fondation en mains.

Saori était en train d’écrire les grandes lignes du discours qu’elle allait donner ce soir-là. Elle préparait toujours ses discours à l'avance, car elle restait une femme qui n’aimait pas improviser. Elle préférait préparer ses discours pour la simple et bonne raison qu’elle ne voulait pas s’emmêler dans ce qu’elle disait et rester cohérente du début à la fin. Enfin, il n’y avait pas de quoi s’emballer non plus, ce n’était pas sur un discours de bienvenue que tout allait se jouer, mais elle préférait y donner une importance. Elle voulait faire les choses bien, et ce, pour toutes les choses qu’elle entreprenait.

Le jour arriva, deux heures avant le début de la soirée. Saori était en train de s’habiller d’une jolie robe blanche en soie et de petites chaussures à talons. Elle se coiffa également afin de laisser pendre ses cheveux soyeux de long de son corps. Une fois prête, elle s’en alla dans son bureau et demanda qu’on lui appelle sa voiture. Quelques minutes plus tard, elle put partir de chez elle à bord d’une jolie voiture. Le voyage n’était pas fort long et on vint lui ouvrir la porte afin qu’elle puisse sortir.

Elle marcha jusqu’à l’intérieur du bâtiment où elle se fit accueillir comme il se devait. Chaque personnalité avait droit à cet accueil. Elle entra donc dans la salle principale où elle salua les personnes qu’elle connaissait ou même celles qu’elle ne connaissait pas spécialement, juste de nom comme des dirigeants ou autres. Elle était très souriante, car beaucoup de monde avait répondu à l’appel ce soir. Faut dire, la fondation Kido avait fait passer le mot à beaucoup de personnes via le bouche-à-oreille, mais aussi via le courrier ou encore par la pub.

Au fil des minutes, la population à l’intérieur du bâtiment s’agrandissait. La fondation Kido avait également pris les mesures adéquates en renforçant la sécurité. On demanda à Saori d’aller sur l’estrade afin de donner son discours. Sur le chemin, elle se fit applaudir et ce, jusqu’à arriver près du micro. Elle fit un sourire et remercia les personnes qui étaient venues.

- Bonsoir à toutes et à tous. Merci d’être venus aussi nombreux ce soir…

Elle n’eut pas le temps de prendre son souffle pour commencer une nouvelle phrase qu’elle entendit des coups de feu dans la salle. Elle s’abaissa machinalement afin de se protéger. Plusieurs hommes encagoulés et armés venaient d’arriver par les escaliers et l’ascenseur. Un petit groupe vint près de Saori afin de la prendre en otage. Ils la firent reculer en menaçant ceux qui s’approchaient. Tout en essayant de garder la main prise sur les personnes dans la salle, Saori se fit emmener dans une autre pièce…

*Regarde-toi, mon gars... T’es là, à te lamenter sur ton sort, et on a l’impression que t’as quarante ans... Elle est où, l’époque où t’étais un flic déterminé ? Tu voudrais nous faire croire que tu détestes des mecs comme Kenji, hein ? Mais tu les envies, car tu étais comme eux ! Tu pensais à ta carrière, à arrêter les autres pour le bien commun, et toutes ces conneries... Mais maintenant ? Qu’est-ce qui te motive ? Pourquoi être flic, si tu n’as pas envie d’aider les autres ? C’est quoi, ta motivation ?*

Nathan soupira, passant à nouveau ses mains sur ses cheveux. Il soupira, se contemplant dans le miroir. Sa vie était vraiment au point mort... Il devait retrouver sa femme et la neutraliser, mais cette dernière était impossible à trouver. Et, même s’il la trouvait, que pourrait-il faire contre elle ? Lors de leur dernière rencontre, elle aurait tout à fait pu le tuer. Elle l’avait épargné, car elle était convaincue qu’il finirait par la rejoindre, et lui ne savait pas quoi faire. La tuer ? La convaincre de changer de voie ? Il se sentait autant incapable de la terrasser que de la remettre sur les rails... C’était une situation désespérée, et il soupira, avant d’entendre la porte s’ouvrir. Un homme, une grosse barrique, entra en le saluant, et ressortit tout aussi rapidement. Nathan se retourna, et commença à faire les cent pas. Le mieux à faire était de rentrer chez lui... C’était la seule option qu’il lui restait, et, au moins, il pourrait picoler sans avoir à craindre une remontrance de ses supérieurs. Suivant cette bonne résolution, il s’approcha de la porte... Et entendit des coups de feu et des hurlements.

Les tueurs étaient arrivés depuis trois points. Certains étaient montés depuis un ascenseur dans le parking souterrain, et d’autres depuis les escaliers, tandis qu’un troisième groupe arrivait depuis le toit, descendant en rappel pour arriver sur la terrasse. Ils avaient attendu que les convives retournent dans le salon principal, où la cible, Kido, commençait son discours. Ils étaient des commandos entraînés, et attaquèrent rapidement. Lorsque les battants de l’ascenseur s’ouvrirent, des hommes armés de fusils à pompes et de fusils d’assauts tirèrent en l’air, imposant le silence, et le groupe de la terrasse monta sur l’estrade, abattant les agents de sécurité autour de Saori, tirant rapidement, avant de pointer sur la tête de cette dernière un Glock.

« Mesdames et Messieurs, nous venons animer la soirée ! » s’exclama quelqu’un avec deux pistolets, un dans chaque main.

Les gens hurlaient, paniqués, et l’homme tira en l’air, essayant d’obtenir le silence. Nathan, de son côté, vit qu’un homme se tenait près des toilettes, et lui sauta dessus. Il l’envoya heurter le mur la tête la première, et l’assomma, avant de rester dissimulé dans le couloir, les sens aux aguets. C’est fou comme les réflexes pouvaient revenir vite, dans les situations extrêmes... Il tenait fébrilement son pistolet de service, et s’avança lentement, dos contre le mur. L’homme qui semblait être le chef, celui avec les deux pistolets, monta sur l’estrade, et tendit l’une de ses mains gantées vers Saori, caressant l’une de ses joues.

« Aussi belle que ce qu’on en dit, hein... »

L’homme n’avait pas de cagoule, et, quand il se retourna, Nathan put voir une espèce de Caucasien avec des rides et quelques cicatrices. Ce visage lui disait quelque chose, mais il n’arrivait pas à se rappeler où il l’avait vu.

« Nous embarquons la milliardaire, tout simplement. Vous pourrez ensuite sagement continuer votre fête. »

Nathan risqua un nouveau coup d’œil. Ils étaient nombreux, bien armés, et lui était tout seul. Intervenir serait risqué, d’autant plus qu’ils n’hésiteraient pas à tirer sur les civils. Soupirant, Nathan réfléchit à une opportunité, une porte de secours... Mais la seule qui lui venait à l’esprit était d’attendre qu’ils se dispersent... Il recula un peu, et son pied heurta alors le corps de l’homme endormi. Baissant les yeux, Nathan réfléchit rapidement, et trouva la première idée qui lui vint à l’esprit. Il traîna l’homme dans les toilettes. Ils avaient une corpulence plus ou moins similaire, et il entreprit de se changer, remplaçant ses frusques par celles de l’homme. Il l’enferma dans les toilettes, attrapa son arme, et traversa le couloir. Le chef tourna la tête en le voyant, et Nathan hocha lentement la tête.

*C’est probablement l’idée la plus stupide que j’ai eu... Et je suis en sueur...*

Tout avait pourtant bien commencé. Saori avait salué tout le monde et allait commencer son discours qu’elle avait préparé avec le plus grand soin, mais le destin en avait désiré autrement. Un groupe de malfrat venait de débarquer dans la salle avec l’intention de s’en prendre à la demoiselle et tous ceux qui se mettaient sur leur route.  D’ailleurs, ils n’hésitaient pas à abattre les deux gardes du corps qui étaient de chaque côté de Saori, sur l’estrade. Ils prirent possession des lieux afin de mener la danse.

Les malfrats, après avoir annoncé qu’ils allaient animer la soirée s’approchèrent de Saori en la complimentant sur sa beauté, ce qui n’affecta aucunement Saori puisque la situation ne se prêtait pas du tout à ce genre de remarque… On lui caressait même sa joue, mais elle pencha un peu la tête pour éviter un maximum le contact physique avec ces hommes. L’homme qui avait complimenté Saori se retourna vers l’assemblée en précisant qu’ils pouvaient continuer leur fête car ils s’en prenaient simplement à Saori. Visiblement, vu l’adjectif qu’ils avaient utilisé pour appeler Saori, ils en avaient après son argent. Après quoi d’autre, après tout ?

L’un des hommes vint lui donner une petite claque sur ses fesses pour lui signifier qu’elle devait suivre les deux hommes sans faire d’histoire. Après tout, elle n’avait pas l’intention d’en faire surtout qu’elle ne voulait pas que ces hommes s’en prennent aux gens qui étaient venus ici pour passer une bonne soirée. De toute façon, ces hommes étaient sur leurs gardes et au premier faux pas, ils n’hésiteraient pas à le faire payer à Saori par un moyen ou un autre.

Saori fut donc emmenée dans un couloir, à gauche de l’estrade afin de sortir par la sortie de secours. Ils avaient tout prévu ! Visiblement, ils avaient bien étudié les plans du bâtiment avant de venir ici. Il fallait mieux pour eux puisqu’une opération de ce genre ne s’improvisait pas. Elle était donc conduite dans les escaliers qu’elle descendait calmement. Elle était tout de même un peu forcée par l’un des hommes armés qui lui tenaient le bras gauche. Ce dernier ne manqua pas de profiter un peu de la situation.

- Alors ma jolie milliardaire, on est bien habillée aujourd’hui…

Il lui mit la main aux fesses en tapotant plus ou moins délicatement dessus. La demoiselle retira vivement la main de cet individu.

- Ne me touchez pas.

L’homme, visiblement indigné par ce refus de sa part, poussa Saori des trois dernières marches de l’étage, ce qui la fit tomber par terre, dans un gémissement de douleur. Cet homme et un de ses complices la prirent afin de la relever et ils la tenaient afin de se dépêcher à sortir, car le temps était compté.

Son déguisement était foireux, et Nathan sentait la tête lui tourner. Il avait envie de dégueuler, de boire, de sortir... Une chaleur écrasante, étouffante. La sueur qui coulait sur ses cheveux. Son souffle précipité, sourd, lourd. Les terroristes mettaient en joue les convives, et l’un d’eux pelotait sans hésitation Saori. Nathan se rapprocha, tenant son arme, essayant de ne pas se faire remarquer. Le groupe finit par s’avancer, menaçant les convives. Nathan savait que Kenji n’attendait qu’un signe pour bondir. Nathan en profita pour attraper un verre sur le comptoir, et but une rasade. Il le reposa rapidement, se rafraîchissant le gosier, et suivit les tueurs, sans se poser de questions. Ils ne comptaient pas traîner, et filèrent dans la sortie de secours, la bloquant en cassant la serrure. Ils commencèrent ensuite à descendre, et l’un des hommes renversa Saori, qui s’affala sur le sol, sonnée.

Restant en retrait, Nathan réfléchissait à une stratégie... Réfléchir était assez difficile, car il avait l’esprit embrumé par l’alcool. L’adrénaline avait bien des effets positifs, mais pas celui de lui rafraîchir l’esprit. Les deux formaient plutôt un mauvais couple l’encourageant à foncer dans le tas, et à utiliser ses pouvoirs cachés. Il sentait la rage brûler en lui, avec une envie forte de déchiqueter ces types. Il remarqua qu’ils parlaient dans une langue étrangère, rejoignant rapidement le parking. Plusieurs filèrent vers un van, qui se mit rapidement à démarrer, tandis que le chef fit signe à ceux tenant Saori de la balancer dans un autre fourgon. Nathan en profita pour rejoindre ce second van, qui se mit à démarrer sur les chapeaux de roues.

*Un kidnapping spectaculaire rondement mené...*

En grimpant dans le van, il avait pu voir que les vigiles du parking avaient tous été abattus. Les tueurs n’avaient clairement pas traîné, et le chef filait dans une voiture. Nathan se retrouva dans un fourgon, s’asseyant dans un coin, et vit les hommes discuter entre eux, parlant à voix forte. Ils semblaient visiblement amusés, excités, mais Nathan ne comprenait rien de ce qu’ils disaient. Ça ressemblait à du russe... L’un des hommes ôta sa cagoule, et Nathan vit un homme avec une chevelure blonde. Ils parlaient entre eux, et l’un d’eux retourna poser sa main gantée sur les fesses de Saori. Ils rigolèrent entre eux. Des rires gras et forts qui donnaient mal à la tête de Nathan. Sentant la migraine pointer, ce dernier toucha sa cagoule, tandis que les hommes s’agglutinaient autour de Saori. Ils allaient probablement tenter de la violer, et Nathan vit l’un des hommes l’attraper par les bras, un autre relevant sa robe, tandis qu’un troisième, celui qui avait enlevé sa cagoule, défaisait lentement sa ceinture. Le van vira soudain sur la droite, renversant le mercenaire, qui hurla à l’intention du pilote, toujours dans sa langue incompréhensible pour Nathan.

Ce dernier soupira, et sentit soudain quelqu’un le taper dans les côtes. Il tourna la tête, devant cette bourrade, et vit l’autre homme lui parler. Il fronça les sourcils, sans rien répondre... L’autre commando sembla assez surpris, et parla à nouveau, mais Nathan, encore une fois, ne dit rien. Son interlocuteur parla alors à voix forte, et les rires des autres mercenaires se turent progressivement, alors qu’ils se retournaient vers Nathan.

*Merde... Tu parles d’un déguisement à la con...*

Le blond se tourna vers Nathan, et son pantalon glissa alors, révélant un bel embonpoint au niveau de l’entrejambes. Il pesta, et releva son pantalon, tandis qu’un autre tendit sa main vers Nathan. Il lui attrapa la cagoule, tandis que deux autres le visaient avec ses armes. Nathan ne disait rien, et dès que la cagoule se retira, il agit rapidement. Son pied s’était négligemment posé entre les jambes du blond, et il le poussa, le faisant tomber, tandis que lui-même se plongeait au sol, évitant les balles qui heurtèrent la carlingue, provoquant un écho assourdissant. Il était un ancien flic d’intervention, et, même sous l’effet de l’alcool, les réflexes ne disparaissaient pas.

Sur le sol, il roula sur la gauche, se releva, et envoya un uppercut sur la tête d’un des tueurs. L’autre remua son flingue, mais les deux étaient tellement proches que Nathan put lui envoyer un crochet qui le plaqua au sol. Il sentit alors un autre tueur le ceinturer au niveau du torse, avant de le frapper au ventre. Soupirant, Nathan répliqua rapidement. Il leva son bras gauche, et abattit le bout de son poignet sur la tête de l’homme, avant de l’attraper par les épaules, et de le pousser vers les portes arrière. Sonné, l’homme posa sa main sur la poignée, l’abaissant, ouvrant ainsi les portes arrières... Dans un hurlement, l’homme tomba sur la rue. Nathan eut un bref aperçu du centre-ville éclairé, mais n’eut pas le temps d’en dire plus qu’un autre homme le frappa à la tête. Surpris, Nathan s’agrippa à l’une des sangles fixées au plafond, mais se reçut un coup de pied dans le ventre. Il tomba sur le sol, et se dépêcha de basculer le poids de son corps vers le haut de son dos, permettant ainsi à ses jambes de se dresser en l’air, frappant ainsi le blond à la tête.

De l’autre côté, les pilotes s’agitaient. Nathan se releva, et vit l’un des autres commandos s’équiper d’un couteau, fonçant vers lui. Il tendit sa main en avant, et Nathan esquiva en se plaquant sur la gauche, avant de lui faire un croche-pieds, et de le balancer dans le vide. Il sortit ensuite son pistolet, et tira sur les deux autres hommes, sans tenir compte de leurs protestations. En entendant les coups de feu, le pilote poussa des questions rapides et précipités, et Nathan saisit la douce main de Saori.

« Je fais partie de la police ! Restez ici ! »

Le fourgon ne tarda pas à s’arrêter rapidement, et Nathan en profita pour sortir. Il se dirigea sur la droite du fourgon, et, lorsque la portière s’ouvrit, il attrapa le copilote, et l’envoya heurter le sol, avant de le frapper à la nuque avec le pied, et de pointer son flingue sur la tête du pilote. Ce dernier choisit prudemment de se rendre. En sueur, Nathan lui fit signe d’approcher, et le menotta. Il soupira ensuite longuement, et retourna voir Saori.

« Vous êtes sauve, Madame... »

Nathan déglutit lentement. Il ne le reconnaîtrait jamais, mais, sans le symbiote qui bouillonnait en lui, il n’aurait jamais pu réussir, surtout en étant alcoolisé, à lutter ainsi contre tous ces individus. Il avait agi rapidement, efficacement, et avait surtout très bien résisté aux coups qu’ils lui avaient portés. En temps normal, il aurait été balancé dans le vide.

« Vous allez bien ? »

Il s’était rapproché d’elle. Elle était à moitié allongée sur le van, et lui était penché, tendant une main pour l’aider à se relever. On pouvait entendre les gyrophares de la police en train de se rapprocher...

*Tu parles d’une soirée tranquille...*

Elle s’était retrouvée sonnée, par terre, après avoir protesté sur le fait que l’homme la touchait. Il n’y avait pas été de main morte et elle ne put se rattraper dans les marches. Heureusement pour elle, Saori était bien tombée et elle ne s’était rien cassé. Cependant, elle avait été assez sonnée. Deux hommes la trainèrent donc jusqu’à l’extérieur pour la jeter à l’arrière d’un van. Lorsqu’elle entendit les portes du van se fermer, elle ouvrit légèrement les yeux, voyant quelques étoiles au-dessus d’elle. La demoiselle n’était pas au mieux de sa forme, il fallait l’avouer.

Elle était totalement à la merci de ses ravisseurs. D’ailleurs, elle sentait une main se balader sur ses fesses et le bas de son dos. Elle avait du mal à bouger et elle ne pouvait le repousser. Le mal de tête était bien présent, le choc de sa chute l’avait tout de même bien sonné. Elle sentit à nouveau une petite tape sur ses fesses avant qu’un des ravisseurs remonte légèrement sa robe blanche. Ce ravisseur lui enleva ses petites chaussures avant de relever encore plus la robe de la demoiselle, dévoilant ses jolies jambes au public masculin qui ne pouvait dévier l regard de ce spectacle.

Saorit se fit retourner par un ravisseur, car elle était allongée sur le ventre. Elle put voir quelques hommes autour d’elle, sa robe était désormais relevée jusqu’à ses cuisses. Un homme caressait ses jambes tandis qu’un autre était en train de défaire sa ceinture. Elle le voyait, elle le sentait qu’elle allait être violée, que ces hommes allaient abuser de son corps, mais elle ne pouvait rien faire. Après tout, que faire dans une telle situation ? Elle était toute seule face à plusieurs hommes. Elle se préparait à ce moment, car de toute façon, elle ne pouvait y échapper.

Cependant, elle entendit du bruit, devant… Elle entendait des coups… Que se passait-il ? Les regards des hommes n’étaient plus posés sur elle, mais sur quelqu’un d’autre qui semblait ne pas être  sa place. Un combat avait lieu à l’intérieur du van et elle entendit des coups de feu. Elle restait bien par terre, cachée dans son coin pour éviter de recevoir une balle. Un homme fut projeté et les portes arrière du van s’ouvrirent. Elle s’agrippa pour éviter de glisser et de tomber. Le van commençait à ralentir jusqu’à se stopper. Elle vit un homme qui lui saisit délicatement sa main et prévint qu’il était de la police. Il sortit du van pour aller probablement interpeller le conducteur. Saori en profita pour réajuster sa robe et retrouver ses chaussures.

C’est alors que l’homme qui lui avait précédemment saisi la main s’approcha d’elle pour lui demander si elle allait bien.

- Je crois, oui…

Elle glissa jusqu’au bord du van et elle remit ses chaussures avant de se redresser et de toucher la terre ferme. Elle était tirée d’affaire, et ce, grâce à cet homme, cet inconnu qui venait de la sauver. Ce policier avait fait preuve de courage en affrontant tout seuls ces malfrats. Elle posa ses yeux sur cet homme.

- Je vous dois la vie… Je ne sais comment vous remercier.

Elle entendait les sirènes des voitures de police qui s’approchaient petit à petit de l’endroit où ils se trouvaient. Saori avait retrouvé ses esprits. Disons que cette confrontation lui avait remis les idées en place.

« Je vous dois la vie… Je ne sais comment vous remercier. »

Si Nathan avait été dans un meilleur état, il aurait probablement eu à l’esprit cinquante manières de lui répondre. Au lieu de ça, il se contenta d’hausser les épaules, sans rien dire. C’était son boulot, tout simplement. Les sirènes se rapprochaient, et les passants regardaient la scène avec curiosité. Nathan fut bien tenté de leur dire de dégager, mais il savait que ça ne servirait à rien. Les autres ravisseurs s’étaient enfuis, et les collègues auraient de quoi s’amuser pendant la nuit à interroger ceux qui avaient été assommés. Ce sauvetage allait au moins permettre à Nathan de retrouver un peu de sa gloire perdue aux yeux de ses collègues. Il avait reçu un bel exploit. Il éluda donc la question du remerciement, regardant les hommes assommés.

« Ces types sont des pros... Je ne peux pas trop m’avancer pour le moment, mais, vu leur langue, ils appartiennent probablement à la mafia russe. »

La mafia russe... Contrairement aux apparences, la mafia russe était l’une des plus puissantes mafias du monde entier... Ou les mafias russes, plutôt. L’effondrement de l’URSS avait largement profité au crime organisé, et la Russie en était littéralement gangrénée. Les Russes tentaient d’ouvrir une filière à Seikusu depuis maintenant plusieurs mois, se heurtant en conséquence aux Yakuzas, qui avaient déjà la mainmise sur la ville. Il n’y avait pas encore eu de guerre des gangs, mais le pire était à craindre. Le crime organisé ressemblait à une sorte de variante des relations internationales, avec plusieurs « blocs », et des divisions au sein des blocs. Il n’y avait pas, d’un côté, les Yakuzas, et, de l’autre, les Russes. Ces derniers formaient deux « blocs », mais les Russes se trahissaient entre eux, s’alliaient avec des clans yakuzas... Dresser une carte des relations au sein du crime organisé n’était vraiment pas facile.

Nathan se releva, regardant à nouveau la femme. La milliardaire était plus petite que lui, et, dans sa belle et longue robe blanche, elle apparaissait comme fragile, douce... Nathan l’aurait presque pris dans ses bras, mais, professionnellement, ce n’était pas recommandable. Il était impressionné par le calme dont elle faisait preuve. Elle avait été kidnappée, violentée, et on avait tenté de la violer. Malgré ça, elle ne versait aucune larme. Elle faisait preuve d’un calme olympien assez décontenançant, qu’on ne trouvait pas forcément chez les nobles, chez les individus nés avec une cuillère en argent dans la bouche. Ils étaient plutôt du genre à paniquer pour un rien. Celle-ci restait toutefois calme et stoïque, semblant aborder la situation avec calme et patience. La cavalerie ne tarderait pas à arriver.

« J’aimerais que vous me suiviez au poste, Kido-san, lâcha-t-il, se rappelant des formules de politesse nippones. J’ai besoin d’en savoir plus sur ce qui vient de se passer, et vous devez faire une déposition. »

Il aurait pu confier ça à quelqu’un d’autre, et retourner chez lui cuver son vin... Alors, pourquoi tentait-il de s’impliquer ? Parce qu’il avait sauvé cette fille ? Parce qu’il la trouvait terriblement sexy ? Il ne comptait pas la questionner, maintenant. En temps normal, il aurait sans doute cherché à la rassurer, mais, vu qu’elle ne semblait pas vraiment nerveuse, tenter de la rassurer aurait été stupide, et inutile. Entre-temps, la cavalerie venait d’arriver, et plusieurs policiers se rapprochaient. L’appareil se mettait en route, rattrapant son léger retard.

*Ces types n’étaient pas des minables... Un équipement de pro, et une précision militaire. Ils n’ont pas perdu de temps, agi rapidement et professionnellement. Qu’est-ce qu’ils pouvaient bien chercher auprès de cette femme ?*

C’était ce que Nathan allait chercher à éclaircir.

Tout s’était passé très vite. Saori n’avait pas vraiment eu le temps de réagir.. De toute façon, qu’aurait-elle fait ? Heureusement que cet homme avait été là, il n’avait pas hésité à braver les dangers afin de venir la sauver.  Il avait preuve d’un grand courage que peu de gens avaient en eux. Un tel sang-froid lui avait permis de se défaire des malfrats et de sauver la demoiselle en détresse. Oui, elle avait vraiment été en détresse, à la limite d’être violée par ces hommes, probablement russe d’après ce que venait de dire le policier. Ils étaient des pros et il l’avait reconnu. En effet, le kidnapping avait été mené avec une perfection telle que si cet homme n’avait pas été là, Saori serait surement en train d’être souillée.

La demoiselle regarda derrière elle le van, les hommes qui étaient allongés par terre, assommés par le flic. Elle reposa à nouveau son regard sur lui. Il semblait froid, distant, il n’avait pas vraiment réagi lorsque Saori lui avait dit qu’elle lui devait la vie. Il avait simplement haussé les épaules, sans aucun signe distinctif, sans aucun sentiment de fierté. Il était vraiment resté de marbre et cette personnalité intriguait vraiment la demoiselle.

Il venait de lui demander de l’accompagner au poste afin de lui poser des questions sur ce qu’il venait de se passer et elle devait faire une déposition. Que venait-il de se passer ? À part qu’elle avait été kidnappée et qu’elle avait failli se faire violer et que ce policier était venu la secourir, elle n’avait pas grand-chose à dire. Ça s’était passé très vite, mais il s’agissait de la procédure donc elle n’avait pas vraiment le choix. Elle n’était pas contre de toute façon. Elle voulait que ces malfrats payent, car on ne savait pas encore ce qu’ils voulaient réellement, à part Saori. En avaient-ils après son argent ? Après son corps ? Après les deux ? Ou après autre chose ?

- Je suis prête à vous suivre, monsieur.

Elle lui fit un sourire amical, remettant une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Elle ne lui avait pas demandé son nom. À vrai dire, elle n’osait pas vraiment… Elle préférait attendre qu’il lui donne de son plein gré, car ce policier n’avait pas l’air commode, il fallait bien l’avouer. Elle commença à marcher aux côtés de cet homme, sans rien dire. Ils allaient surement prendre une voiture qui venait d’arriver sur les lieux, car plusieurs véhicules de police venaient de s’arrêter afin de faire un état des lieux et de vérifier les identités des malfrats qui se trouvaient encore sur place.

La cavalerie arriva, déballant avec elle tout le cirque habituel. On menotta les hommes, on écarta les badauds, et des ambulances ne tardèrent pas à venir. Nathan resta relativement de marbre, habitué à ce spectacle. Il restait près de la femme, et se débrouilla pour s’éclipser rapidement, prenant une voiture de police, indiquant qu’il en avait besoin pour une urgence, et fit signe à Saori de s’asseoir à côté de lui, et non à l’arrière. Elle n’était pas une suspecte, après tout. Nathan fit une marche arrière, et s’enfonça dans une rue, roulant assez rapidement, rejoignant le commissariat.

« Le commissariat central n’est pas très éloigné », indiqua-t-il.

Il n’ajouta rien sur le coup. Cette femme le perturbait, et ce n’était pas uniquement parce qu’elle était très belle... Il y avait quelque chose de puissant chez elle, de très particulier, qui le troublait intimement. Elle semblait... Inflexible. Impossible à démonter. Un homme avait failli la violer, et elle ne semblait pas choquée outre mesure. Soit elle masquait bien son jeu, soit elle avait, elle aussi, ses petits secrets. Nathan n’allait pas chercher à en savoir plus. Il rejoignit assez rapidement le commissariat central, un grand bâtiment noir, et s’engagea le long d’une des allées menant au parking souterrain. Il arrêta la voiture de service, et soupira lentement, avant de regarder Saori, se rappelant soudain qu’il avait oublié de décliner son identité.

« Au fait... Je m’appelle Nathan. Nathan Joyce... Mais, compte tenu de la circonstance, vous pouvez m’appeler Nathan. Allons à mon bureau. »

Ils sortirent de la voiture, puis du parking, filant dans un ascenseur qui les amena à l’un des étages du commissariat. Nathan sortit en premier, guidant Saori dans une grande pièce avec de nombreux petits bureaux, se dirigeant vers son coin. Il n’avait pas le droit à un bureau isolé avec une porte, mais à un box dans un angle. Son bureau, sommaire, comprenait un ordinateur ancestral, aucune photo de famille, plusieurs dossiers de couleurs différentes, et une grande étagère dans un coin avec tous les dossiers dont Nathan devait s’occuper. Même pour un flic comme lui, partiellement mis au placard, il avait une belle piste d’affaires. Il s’assit sur son fauteuil, invitant Saori à suivre, et réveilla son ordinateur.

Soupirant devant ce geste anodin, il ouvrit un programme, qui permettrait de mettre en page un PV. Il n’y avait qu’à remplir les blancs. Il commença par remplir la case correspondant à l’identité de l’OPJ chargé du PV, puis indiqua d’autres informations, notamment la date. Il posa quelques rapides questions à Saori, notamment pour obtenir sa date d’anniversaire, remplissant les cases correspondantes. On pouvait entendre, comme dans tout bon vieux film, des gens parler, des téléphones sonner. L’activité habituelle d’un commissariat. Celui-ci était très grand, avec des murs blancs et sexys, bien loin des murs crasseux et lézardés des petits commissariats de quartier. Il avait même un écran plat pour travailler, ainsi que Windows Seven. Que demande le peuple ?

« Bien... Pour commencer, je ne peux pas garantir que je serais en charge de l’enquête concernant votre tentative de kidnapping. Je ferais du mieux que je peux, mais ce n’est pas moi qui décide de l’affectation des postes. »

Il se racla ensuite la gorge, et reprit rapidement.

« Avez-vous la moindre idée sur l’identité de ceux qui ont voulu vous kidnapper ? Aviez-vous déjà reçu des menaces, des choses de ce genre ? »

Nathan se doutait déjà de la réponse, mais il fallait quand même la poser. La procédure l’exigeait.

Le héros du jour venait de réquisitionner un véhicule de police d’un collègue, argumentant qu’il en avait vraiment besoin. Ce dernier ne protesta pas vraiment et laissa le policier monter dans le véhicule. Il fit signe à Saori Kido pour qu’elle prenne place à ses côtés. Elle ouvrit la portière et s’installa sur le côté passager. Elle boucla sa ceinture et laissa le policier faire le reste. Le voyage n’était pas long comme l’avait bel et bien dit cet homme, car le commissariat n’était pas loin du tout.

L’homme s’engagea dans une allée qui menait vers un parking souterrain. Saori put remarquer qu’il y avait pas mal de voitures, elle pouvait donc en déduire facilement que le commissariat n’était pas petit, il s’agissait d’un grand bâtiment. Elle sortit donc de la voiture et ce policier se présenta enfin sous le nom de Nathan Joyce. Elle lui fit un petit sourire amical et ils se dirigèrent vers l’entrée du bâtiment.

Une fois à l’intérieur, Saori suivait Nathan de peur de se perdre, car il s’agissait d’un vrai dédale. Elle plaignait les petits nouveaux qui devaient se rendre d’un bout à l’autre du bâtiment sans se perdre. Ils arrivèrent donc à la porte d’un bureau et Nathan entra à l’intérieur, suivi de Saori Kido. Il prit place et invita la demoiselle à en faire de même. Elle s’installa donc en face de lui, croisant ses jambes et posant ses mains sur sa cuisse.

Il commença à lui poser des questions basiques comme son adresse de résidence, sa date de naissance et autres afin de compléter le procès-verbal. C’était la procédure standard que chaque policier devait faire pour commencer à prendre une déposition de quelqu’un. C’est ensuite que Nathan commença à entrer dans le vif du sujet. Il demandait si elle avait la moindre idée des identités des agresseurs ou de pourquoi on lui voulait du mal. C’était bien entendu une question inévitable et à la fois habituelle dans ce genre d’occasion.

- Non, je ne connais aucun de mes agresseurs. Je n’ai jamais vu ces personnes… Je ne sais pas pourquoi ils me voulaient du mal, car je n’ai pas reçu de menaces auparavant…

Elle ne recevait guère de menace. Elle en avait déjà reçu quelques-unes, mais sans aucune prise au sérieux car il s’agissait probablement d’adolescents qui voulaient se rendre intéressants. Il n’y avait rien d’autre à ajouter sur ce point-là. Elle n’était pas d’une grande aide, il fallait l’avouer, mais elle ne pouvait non plus fournir les informations que Nathan désirait. Si elle pouvait, elle les fournirait.

- Je suis désolée, je ne sais pas vous aider.
 

Nathan, honnêtement, ne s’attendait pas vraiment à ce qu’elle réponde à ses interrogations. Si elle avait reçu des lettres de menace, elle en aurait probablement fait référence à la police. Nathan savait mieux que personne qu’il ne fallait pas se fier aux apparences, mais quelque chose lui disait que cette femme n’était pas une menteuse. Il imaginait dans sa tête différents scénarios, tous plus improbables les uns que les autres, mais quelque chose, fondamentalement, lui disait qu’elle était innocente. Pourquoi cette conviction ? Il n’en savait rien. Il était à vrai dire tout à fait possible qu’elle ait pu, pour des raisons qui lui échappaient totalement, organiser son propre kidnapping, mais Nathan se refusait d’envisager cette hypothèse comme sérieuse. Plus il regardait cette femme, et plus il avait la conviction qu’elle était honnête.

*C’est peut-être lié à son regard…*

Il hocha lentement la tête, décrivant son rapport. Nathan se racla la gorge, et une petite minute passa, avant qu’il ne réponde rapidement, en détachant les yeux de son écran. Elle était vraiment de toute beauté, et il se sentit encore une fois troublé par elle. Cette femme n’était pas commune... Généralement, les aristocrates étaient de petites bourges hautaines, qui vous fixaient comme si vous étiez le dernier des troufions, ou qui paniquaient comme des hystériques. Cette femme ne rentrait tout simplement dans aucune des cases qu’il connaissait. Alors que son regard pouvait devenir insistant, il décida de parler, rompant ainsi le silence qui s’instaurait entre eux.

« Très bien... Je puis vous assurer que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour...
 -  Nathan ! Nathan, bordel de... ! »

Surpris, Nathan tourna la tête en voyant Fukushu entrer dans son champ de vision. Le commissaire se calma subitement en voyant Saori, et Nathan, étonna, le regarda. Le commissaire ne l’aimait pas, ce qui n’était pas vraiment une surprise.

« Oh, Madame, je... »

S’éclaircissant la gorge, Nathan se délivra à quelques explications sommaires. Fukushu lui fit signe de le suivre, et Nathan s’excusa auprès de Saori. Il sentait une migraine naître.

« Putain, mais vous foutez quoi ?
 -  Mon boulot, chef...
 -  Vous avez quitté une scène de crime en volant une voiture de police !
 -  J’ai préféré mettre en sécurité Mme Kido...
 -  Je...
 -  Et je n’ai pas vole cette putain de voiture. Compte tenu de l’urgence de la situation, j’ai estimé que...
 -  Je me fous de ce que vous estimez, bordel ! »

Fukushu avait haussé le ton, et se calma, regardant rapidement Saori, soupirant. Nathan n’était pas suffisamment ivre pour ne pas voir que l’homme lui cachait quelque chose.

« Qu’est-ce que tout ça cache ?
 -  Je ne vois pas en quoi ça vous regarde...
 -  Cette fille a été capturée par des pros ! De vrais spécialistes ! Sans moi, j’ignore où elle serait actuellement ! Bordel, vous me devez des explications ! »

Ce fut au tour de Nathan d’hausser le ton. Le commissaire soupira, passant une main sur sa bouche, et se mit à parler, résigné :

« Ce sont les Russes... Vladimir, ça vous dit quelque chose ? »

Nathan secoua la tête. Fukushu lui expliqua les choses.

« Vladimir est le parrain d’une mafia russe qui envisage de s’implanter à Seikusu... Ce type n’est pas un simple criminel, c’est un ancien Spet’. »

Les Russes étaient surtout spécialisés dans la prostitution... Du moins, à Seikusu. Ils venaient avec des putes d’Europe de l’Est, des beautés exotiques qui attiraient les Japonais. Ils ne faisaient pas vraiment dans le kidnapping. Vladimir semblait fonctionner sur un mode différent.

« Vladimir est un homme brutal et violent. Quand l’URSS s’est effondré, il a rejoint la mafia russe avec toute son équipe. C’est l’un des criminels les plus dangereux de Russie... Vladimir est son surnom, on ne sait même pas comment il s’appelle.
 -  Vous pensez qu’il est responsable de ce kidnapping ?
 -  C’est même une certitude. Les Russes ont déjà capturé plusieurs personnalités au Japon. C’est la méthode de Vladimir. Il les rançonne. »

Nathan hocha la tête.

« Il va recommencer, alors... Il faut la protéger.
 -  Je suis déjà au courant, rétorqua l’homme, agacé.
 -  Je me chargerais de la protéger...
 -  Hein ? Vous vous foutez de moi, là ! »

L’inspecteur n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit que Fukushu le harangua :

« Vous êtes un putain de poivrot ! Je ne vous confierai jamais la protection d’une femme aussi importante !
 -  Je l’ai sauvé, putain !
 -  Qu’est-ce que j’en ai à foutre ? Retournez chez vous, Nathan, vous avez fait ce qu’on attendait de vous ! »

Furieux, Nathan ne dit rien, résistant à l’envie de frapper Fukushu. Il ferma les yeux, sentant une rage ancestrale remonter dans ses veines.

*Ce serait si facile... Connard de fonctionnaire arrogant... Un simple coup, et je te briserais la nuque...*

Nathan sentit la créature en lui se réveiller, se mettre à remuer, tirer sur ses muscles, l’élancer douloureusement. Il s’écarta rapidement, allant prendre un café. Ses doigts tremblaient nerveusement. Fukushu, de son côté, fit signe à Saori de le suivre dans son bureau.

« Il faut que je m’entretienne avec vous, Madame. »

Saori avait dit tout ce qu’elle savait mais ce n’était pas grand-chose car elle ne savait pas du tout qui étaient ses agresseurs et encore moins pourquoi ils s’en étaient pris à elle. Mais Nathan disait qu’ils allaient faire tout leur possible pour… ? Bah il n’eut pas le temps d’achever car la porte de son bureau s’ouvrit dans une énorme bourrasque de vent. Un homme venait de faire son apparition et semblait en avoir après Nathan mais il se tut assez vite lorsqu’il posa ses yeux sur Saori Kido.

Il s’excusa, semblant visiblement confus de s’être emporté comme cela en présence d’une personne qui ne faisait pas partie du commissariat. Il demanda donc à Nathan de le rejoindre dehors et ce dernier s’en alla en fermant la porte. La demoiselle avait ses yeux rivés vers l’extérieur et elle put voir qu’il y avait une altercation entre ces deux individus. L’homme qui était entré en trombe dans le bureau de Nathan ne semblait pas vraiment content… Mais pourquoi ? Car, Saori ne le savait pas du tout.

Saori était toujours assise, jambes croisées, regardant un peu les alentours du bureau, attendant que la discussion entre les deux hommes se termine. La discussion dura tout de même quelques minutes et durant ce laps de temps, Saori ne savait pas vraiment quoi faire. Du coup elle attendit, jusqu’à entendre la porte du bureau de Nathan s’ouvrir. Cependant, ce n’était pas lui qui était en face d’elle mais l’autre homme. Il disait qu’il avait à lui parler. Que voulait-il à la demoiselle ?

Elle se leva donc et replaça la chaise convenablement avant de suivre cet homme. Elle le suivit donc jusqu’à un autre bureau. Elle entra et s’installa, croisant à nouveau ses jolies jambes. Elle posa ses yeux sur cet homme et ouvrit la discussion en première.

- Que voulez-vous ? … Et où est Nathan ?

Après tout, c’était son seul point de repère dans ce commissariat et elle ne connaissait vraiment que lui. C’était Nathan son héro aujourd’hui et elle se demandait pourquoi il n’était plus là et qu’elle était en face de ce parfait inconnu. Il devait peut-être être le supérieur direct de Nathan ? C’était une bonne question, elle le saurait surement bientôt.

Nathan grommelait dans son coin, tandis que Fukushu s’entretenait avec Saori. Fukushu était un pur Japonais, quelqu’un qui ne partageait pas vraiment l’engouement actuel de beaucoup de ses concitoyens pour la culture occidentale. Sans être un fervent défendeur des traditions, il considérait que la culture occidentale présentait des écueils et des excès à éviter. Et, plus simplement, il n’aimait pas Nathan. Pour lui, ce type était un parachuté, un alcoolique notoire. Il n’avait qu’une envie : le virer. Mais, pour ça, il fallait encore que Nathan fasse une bourde, ce que ce dernier n’avait pas encore fait, au grand désespoir du commissaire. Et, pour ne rien arranger, il venait de sauver Kido-san d’une opération menée par des Russes ! Autant dire que Fukushu avait toutes les raisons du monde d’être furieux.

« Que voulez-vous ? … Et où est Nathan ? » lui demanda cette dernière.

Fukushu ne dit rien sur le coup, ressassant ses pensées.

« Je m’appelle Fukushu, et je suis commissaire. »

Il évita délibérément de satisfaire la curiosité de cette femme. Elle était riche et influente, Fukushu le savait. Pas au point de pouvoir lui coûter sa place, mais, quand on avait son poste, il savait qu’il valait mieux être conciliant avec les hommes et les femmes puissants.

« Nous pensons que vous avez été attaquée par une mafia spécialisée dans le kidnapping de personnes puissantes, enchaîna, prudemment, le commissaire. Ces hommes sont des spécialistes dans ce domaine... Ils appartiennent à une mafia russe qui envisage de s’implanter à Seikusu. »

Le commissaire en disait beaucoup, mais il savait à qui il avait affaire. Inutile de prendre des gants avec cette femme, elle avait l’air d’être à toute épreuve.

« Partant de là, le temps que nous démantelions cette organisation, ce qui se fera rapidement, l’assura-t-il, le mieux me semble de vous adjoindre une protection rapprochée. »

Il maniait l’art de l’euphémisme. Ce n’était pas une option ; Kido-san allait faire l’objet d’un programme de protection. Il ne restait plus qu’à trouver un officier pour la protéger.

« Je suis conscient que ce peut être difficile pour vous, glissa-t-il, mais vous devez comprendre que nous ferons cela pour votre intérêt. »