Unflyable Wings. [Senji]

Tout se passe dans un endroit tout à fait désert, au beau milieu de nulle part, là où il y avait encore de nombreux signes de vie il y a encore quelques minutes. Cette vie a bien vite disparu. Non, ne disons pas en fumée, ce serait trop ironique de la part de celui qui s'est fait appeler Mist-G une centaine d'années. Et de toute manière, ils sont tous morts de diverses manières. Plaies béantes, coups contondants d'une puissance extrême, trous provoqués par des coups de feu, chocs électriques, membres arrachés, et même suicides. Pas un seul n'a été brûlé, sauf celui qui a été se jeter dans le feu. Voici clairement ce qui s'est passé il y a quelques temps. L'ambiance dans ce qui était un village était des plus lugubres. La nuit tombait, des flambeaux étaient accrochés aux maisons, et Mukuro marchait silencieusement, un manteau long fait en écailles de dragon et utilisé comme une cape, c'est à dire en ne glissant pas les bras dans les manches, sur le dos. Ce manteau, il l'avait déjà il y a longtemps, lorsqu'il était encore Sinner Avalon. Une ombre sur le tableau : des brigands en tous genres, qui pensaient que racketter le Dieu du Commandement était une bonne idée. Mukuro gardait l'oeil rouge fermé, pour le moment.

-Hé, toi ! Vu ton manteau, tu dois être friqué comme pas possible ! Allez, donne-moi ta bourse !
-Et si je ne le fais pas ?

Tandis que Mukuro s'efforçait de ne pas ouvrir l'oeil mais ne pouvait lutter contre son visage qui prenait un grand rictus agacé, les types en question sifflèrent un grand coup. Aussitôt, une centaine de personnes apparurent. Tous riaient, tandis que Mukuro émettait un grognement des plus dérangeants. Tout simplement car lui était dérangé dans sa réflexion. Quelle réflexion ? Celle qu'il a depuis son arrivée sur ce monde étrange : Comment retourner chez lui ?

-Aloooors ? Tu les donnes, tes économies ?
-Vos gueules.
-QUOI ?!
-J'ai dit, fermez vos grandes gueules.

Mukuro avait ouvert l'oeil. Son manteau avait enfin découvert ses bras, couverts de lames. Faculté de Honest : faire sortir les armes ingérées de n'importe quelle partie du corps. Même de... bon, vous aurez compris. Les flammes des flambeaux dansaient dans les yeux du Honest, qui semblait suffisamment agacé pour commettre une hécatombe. Une de plus, une de moins, lui qui avait déjà tué des milliards de personnes...

-C'est...
-A L'ATTAAAAAAAAAAAAAAQUE !!

Tous se ruèrent sur Avalon Mukuro, Dieu du Commandement. Grave erreur, puisque la posture du Dieu, avec les lames sur ses avant-bras, était la posture de son attaque fétiche : avec sa vitesse due à la foudre, il sprintait à une vitesse telle qu'on ne le voyait même pas bouger, et il traversait son ennemi, en corps de foudre, et les lames sorties sur les bras. Il avait nommé cette technique la Frappe Éclair. Vous savez maintenant comment cinq de la centaine de brigands mourut. Les autres refermèrent leur assaut sur le vide. En temps normal, Mukuro leur aurait laissé une chance de s'enfuir, avec sa phrase habituelle : Fuis, avant que j'oublie que je t'ai épargné. Pas cette fois, il était trop énervé.

-Bande d'abrutis pathétiques.

Un fort courant blanc se créa entre les mains de Mukuro, comme un défibrillateur dont on aurait dépassé la puissance maximum. L'arc électrique gagna en intensité, grossit, grossit encore, puis le Dieu commença à comprimer l'arc électrique. Le temps que tout le monde se relève, il avait une petite sphère blanche à la main. Il souriait, en voyant l'air effrayé des malfaiteurs. Il donna une pichenette dans la sphère, qui fonça directement sur le groupe de criminels. Tandis qu'une explosion blanche rasa encore une moitié des troupes, le Honest commentait.

-Raigo Bomber.

Il en restait très peu. Certains s'étaient suicidés, d'autres étaient en train de supplier, et d'autres se tenaient encore bravement devant lui. Ceux qui se tenaient devant lui, il leur offrit sa spécialité : Gigaton Punch, le coup de poing qui nécessitait d'utiliser toute sa force de Dieu. L'air se fissura un peu, tandis que le coeur ressortait de l'autre côté alors que le Dieu frappait juste dans la cage thoracique, sans même traverser le torse. Quant aux lâches qui suppliaient, il leur laissa un traitement de choix. Il invoqua une vingtaine de chaînes, qui attrapèrent chaque suppliant par les quatre membres, et c'est dans un grand concert de hurlements de douleur et d'une pluie de sang que les bras et les jambes découvrirent la joie de l'indépendance par rapport au tronc. Il avait vu deux ombres fuir dans les décombres de la ville, rasée par la Raigo Bomber. Il se décida à suivre les ombres, ayant déjà massacré tout le monde sur l'ex-place principale.

Je sortais de chez moi, bien décidé à prendre un peu le soleil. Pour une fois qu'il faisait beau et que je n'avais pas envie d'autre chose que d'air frais et d'eau pure... Fallait en profiter !
Les nuages glissaient paisiblement au-dessus de moi, semblables à de gros bouts de coton, qui donnaient grandement envie de se lover en leur sein. J'étouffai un bâillement, le nez toujours pointé vers le ciel. Sans le voir, je percutai un gamin, qui tomba à la renverse. Irrité, je jetai un regard menaçant au marmot, qui se recouvrit instantanément de sueurs froides avant de décamper sans demander son reste.
*Il a de la chance de pas avoir salopé mes godasses...* songeai-je en me baissant puis épousseter mon pantalon. En me redressant, j'eus tout juste le temps de voir un camion qui, aux suites d'une embardée assez mal contrôlée, se trouvait à moitié sur le trottoir. Décontenancé par ce "spectacle", mon premier réflexe fut de bondir en arrière. J'aurais pu utiliser mes pouvoirs sanguins, mais pas en pleine rue, je devais garder ma vraie nature cachée.

Mon saut me fit atterrir dans une ruelle sombre. Je m'apprêtais à reprendre ma promenade quand un bruit derrière moi me fit me retourner. Un autre gamin, beaucoup plus sale et pauvre que celui qui m'était rentré dedans, était en train de me tirer mon porte-monnaie.

- Fils de p... commençai-je en m'élançant à la poursuite du bambin.

Le pickpocket devait avoir préparé son coup - ou alors il était tout simplement plus habitué à évoluer dans des endroits puants et exigus, comme le rat qu'il était - dans la mesure où il évitait tous les obstacles dégueulasses, que je me payais invariablement derrière. Marres de boue et de je sais pas trop, clous rouillés, tessons de bouteilles, couches pleines de merde plus ou moins séchée... Mes chaussures se retrouvèrent très vite totalement souillées.
Essayant de garder mon calme, les poings serrés, une tempe battante, j'abandonnai l'idée de courir et suivis le môme, chacun de mes pas venant frapper bien violemment le sol. J'avais l'air d'un tueur, jusqu'à ce que je marche sur la queue d'un chat qui se téléporta presque littéralement sur mon visage, le recouvrant de griffures pas très propres.
D'un geste rageur, je fis tomber la bestiole au sol, que je réceptionnai d'un magnifique shoot en pleine poire.

- J'ai pas pour habitude de faire ça, mais si je te choppe, sac à merde, je vais te couper les boules et jouer aux billes avec ! hurlai-je à l'attention du voleur.

Je surgis de l'autre côté de la ruelle. Le décor avait changé. Ce n'était plus un dédale de rues et de ramifications nauséabondes. C'était une plaine immense, chaotique. Aucune trace de végétation. Pas d'oiseaux qui gazouillaient, pas de poneys roses qui gambadaient, pas de jolis petits lapins qui batifolaient. À la place, j'entendis une explosion, accompagnée d'une lumière vive. Et derrière moi, pas d'entrée poisseuse ou de flaques de merde. Non, la même vision de cauchemar.
*Qu'est-ce que c'est que cette merde ?*

Comme pour venir embrouiller un peu plus la situation, deux types déboulèrent de nulle part, quelque part sur ma gauche, courant comme des dératés, comme s'ils avaient le diable aux fesses.

- EH ! Vous deux, là ! Je cherche un gamin qui... Non, en fait, j'voudrais savoir où on est ? les interpellai-je sèchement.
- Va te faire foutre, enfoiré ! On n'a pas le temps ! répliqua un des deux lascars.

La tempe qui battait encore à mon front faillit exploser. En rugissant de colère, je m'emparai d'un bout de caillasse qui trainait devant moi et me l'enfonçai dans le pied. Un flot de sang s'en déversa, éclaboussant les environs directs de mon peton. Comme si j'allais shooter dans un ballon de foot, j'armai ma jambe et tirai. Une boule de sang vint se fracasser contre les côtes du premier des deux types, qui tomba au sol, sonné. Matérialisant le sang qui continuait de s'écouler de ma plaie, je lui fis prendre une forme de fouet. Je me jetai aux trousses de l'autre fuyard et, une fois à portée, je l'enserrai de mon arme rouge vif, au niveau du cou. L'homme s'arrêta en pleine course, suffoquant. Je le rapprochai de moi et fis prendre à mon fouet la forme d'une lame incurvée, que je plaçai consciencieusement sous la gorge de mon prisonnier.

- Ça fait quoi... dix minutes qu'il m'arrive que de la merde. Alors soit tu me réponds gentiment, soit...
- Mais y a que des monstres ici, ou quoi ? m'interrompit l'homme en hurlant comme un dément.
- Hein ? De quoi ? m'étonnai-je.

Il en avait retrouvé un. D'ailleurs, ce type était pris au piège par une lame rouge sous la gorge. Il fit alors sortir Divine Ambition, son canon de bras, et appuya sur la gâchette. La tête du type explosa, répandant son sang partout sur le sol. Etrange, pensait Mukuro. Le tir aurait dû casser la lame rouge, vu la puissance de la Divine Ambition. Le fait même d'effleurer le projectile revient à s'être pris un obus en pleine tête. C'est dire lorsque la balle arrive sur une lame à plus de 500 kilomètres par heure. Puis en voyant d'où venait la lame, il comprit. Un pied blessé, et une lame qui en sortait... Cela rappelait de vieux souvenirs à Mukuro.

-... Naru ?

Il vit à peine la lumière qui descendit sur l'homme qu'il croyait être Naru. Un Dieu venait d'offrir sa protection à l'homme, et il était maintenant sûr de ressusciter automatiquement dès que Mukuro le tuait. Pour la petite histoire, Naru est le beau-frère de Mukuro, et potentiellement un croisement entre elfe du sang et Honest, nommé Drownest. Celui-ci a toujours été un boulet attaché aux pieds du Dieu. Premièrement, lui qui semblait être un élément de choix s'était fait capturer par Tekhos lors de la grande Guerre sans mana. Mukuro, accompagné du fils de Shirokage, étaient partis en mission à Eternum pour le délivrer, ayant été fait prisonnier par l'Empire. Lors de cette mission, Damas -le fils de Shirokage - et Mukuro perdirent la vie. Mukuro eut la chance de ressusciter, chance que n'eut pas Damas. Cependant, la mission était remplie, Naru avait été délivré. Cet ingrat de Naru n'en avait jamais été reconnaissant à Mukuro, ni à Damas d'ailleurs.

Quelques années plus tard, après que le mana soit revenu et que Mukuro exécutait une mission en tant que Sinner Avalon afin de démanteler l'ennemi de Tekhos, la Slaughter Alliance, Naru se mit une fois de plus au travers du chemin du Dieu du Commandement. Alors qu'il venait d'éliminer Gurdielas et son prêtre, Blacksmith, Naru arriva de nulle part pour tuer Mukuro. Pourquoi ? Comment ? Personne ne le sut. Dès que Mukuro vit la lame arriver vers lui, il avait déjà esquivé et avait lancé sa technique fétiche sur le Drownest : un canon de foudre concentrée, et un rayon de foudre normale pour supporter la puissance du canon. Il avait nommé cette technique Lightning Cannon. Mukuro s'était ensuite occupé lui-même de l'incarcération de Naru dans la prison Eternum, où il périt de vieillesse.

Le point commun entre l'homme et Naru ? La manipulation du sang pour en faire des armes. Aveuglé par le choc, Mukuro ne vit même pas que l'homme n'avait rien de Naru : ni la peau grise, ni les yeux noirs et fumants de colère, ni les cheveux blancs, ni même l'éternel chapeau chinois avec le symbole de l'eau dessus. Cependant, il avait déjà foncé sur l'homme, une main en avant et une en arrière, déjà prête pour son attaque qui avait déjà ôté des milliards de personnes de leur existence. Le faible rayon sortit de la main arrière, tandis que la sphère de foudre qui se concentrait devant sa main droite annonçait la venue du canon de foudre. La voix déformée par la haine, il eut du mal à prononcer les deux mots qui sortirent d'une voix rauque de sa bouche :

-Lightning Cannon !!

Regardant le corps fumant de l'homme, Mukuro respira lentement, et se détourna. Sans voir que l'homme, censé être mort, n'avait plus une seule trace de brûlure par la foudre, et qu'il vivait. Il n'avait même pas entendu le long soupir de celui qui revient à la vie. L'homme était vivant, et Mukuro le croyait mort.