- Grand-mère ?
J'émet un simple grognement pour signifier que je suis là, et je continue à taper à l'ordinateur avec une grande dextérité. Mais ça ne semble pas suffire à l'idiot qui m'appelle puisqu'il recommence, plus fort.
- GRADN-MÈRE ?
- Je suis là Ducon !
Pas foutu de me laisser en paix ce Gamin. J'enregistre mon fichier, envoie mon mail, et ferme tout pour ne laisser qu'une partie de solitaire entamée.
- Grand-Mère, tu n'as quand même pas oublié ?
- Oublié quoi, Gamin ?
Il soupire en arrivant dans mon dos tandis que je finit tranquillement la partie.
- Tu as dit que tu acceptais de m'accompagner au Conseil Général aujourd'hui... Pour voir comment je me débrouille... Tu me l'avais promis..
Et dire que le type qui geint comme un gosse est âgé de trente-neuf ans, et que c'est un des Elus de la ville... Faut pas chercher plus loin pour la hausse de la criminalité. Je soupire, puis ferme mon jeu et éteint l'ordinateur en me tournant vers lui. Cet homme, Heinrich Chin, est un des plus importants hommes politiques de la ville. Il me voit comme sa Grand-Mère qu'il n'a jamais eu. Je ricane bien. S'il savait qui j'étais...
Je soupire encore, pour dire que, et je me lève. Je force un peu le tremblement de mes jambes, et me dirige d'un pas lent vers ma chambre..
- Laisse-moi le temps de me changer Gamin.
Trop heureux que je ne refuse pas finalement d'aller constater ses progrès (avant que je n'arrive, il n'était rien), il accepte d'attendre avec enthousiasme.
En réalité, je me change assez rapidement. J'ôte la robe grisâtre informe avec souplesse et enfile prestement une robe de style écossais. Les Grand-Mère n'ont jamais l'air ringardes avec. Puis je met mes charentaises aux pieds. Je prend aussi la précaution de glisser un glock 21 dans mon décolleté. Avec mes seins flasques et pendants, il ne se verra pas. Et puis, qui osera me fouiller en entrant ? J'ai l'air inoffensive.
Je prend le temps de coiffer ma chevelure blanche et de glisser mes longues et denses mèches sous un filet. Je rajuste mes lunettes sur mes yeux, et je me souris dans la glace. Puis je m'assois sur le lit et j'attends, balançant mes pieds dans le vide. Quand j'estime que j'ai assez perdu de temps, je sors de la chambre. Je chope une cane en bois sculpté et asticote Heinrich du bout recouvert de plastique noir.
- Allez Gamin, bouges-toi ! Tu vas être en retard, et tu vas me faire honte sinon..
J'ordonne, et il saute. J'adore ça.
En peu de temps, nous sommes dans l'immeuble. L'ascenseur et sa musique de merde nous conduisent au dernier étage, et je franchis la porte de la salle de réunion derrière Heinrich d'un pas claudicant.
- Bonjours messieurs. Excusez mon retard, je suis parti chercher celle qui me sert de Grand-Mère depuis quelques années. Elle s'y connaît en politique, elle pourra sans doute nous aider. Nous pouvons commencer.
Il me tirer une chaise, et je m'y laisse tomber. Il s’assoit ensuite, et la réunion démarre.