Après cette étreinte, Ivy se sentait tout de même légèrement fatiguée, suffisamment pour baisser sa garde. Avenger venait de jouir en elle, et, ce faisant, elle était persuadée qu’il allait sagement retourner dans son cocon, apaisé, ses doutes envolés. Elle, de son côté, entreprit, de s’asseoir au milieu de son trône, et laissa plusieurs tentacules s’enrouler autour d’elle, rentrant en communion avec la Nature, avec la serre, avec ses plantes, évaluant les dégâts. Sa forêt avait souffert des agissements de Prime, et ce n’était que justice que ce dernier soit mort. Sa petite forêt ne lui permettrait toutefois jamais de changer les choses, mais des idées commençaient à émerger dans son esprit. L’éco-terrorisme, attaquer des raffineries industrielles, ne lui apporterait rien. Il y en avait bien trop, et, de toute manière, les détruire ne ferait qu’endommager encore plus la nature, que l’abîmer davantage. Si elle détruisait une centrale nucléaire, elle risquait de créer des zones radioactives qui porteraient sur les humains. Il lui fallait donc trouver autre chose, et exploiter au mieux son dernier enfant. De ce qu’elle savait, il était virtuellement invincible. Les balles et les explosions ne lui faisaient rien, il pouvait voler rapidement, et disposait d’une force surhumaine. De plus, l’image de Prime était connue sur toute la planète. Il y avait sûrement là de quoi jouer.
Un frémissement parcourut alors ses plantes, ce qu’elle ressentit, mais traîna à l’identifier. Une menace qui enflait, mais ne venait pas de l’extérieur. Les pompiers, les ambulances, la police, ils étaient tous dehors, à s’occuper des sinistres, et les médias filmaient la scène du carnage. Plusieurs interviews parleraient initialement de Poison Ivy, mais on les oublierait rapidement pour se concentrer sur Sentinel Prime, sur son ancienne identité. C’est en repensant à lui qu’elle identifia alors la source du problème, mais à peine eut-elle le temps d’y penser que quelque chose explosa dans son dos…
Sonnée, Ivy tomba sur le sol, et sentit Avenger jaillir vers elle, se mettant à l’étrangler. Elle n’eut même pas le temps de se relever ou de réagir qu’elle sentait un étau d’acier se serrer autour de sa gorge, lui coupant le souffle, l’empêchant de parler. Un vent de panique s’empara de son corps, et des tentacules jaillirent alors, s’enroulant autour des bras d’Avenger, mais sans parvenir à le déloger. Sa poigne était trop forte, ses bras en acier trop solides pour que de simples plantes les repoussent, et Poison Ivy sentait l’air lui manquer. Dans un sursaut, elle posa une main sur le poignet du Vengeur, et utilisa ses propres tentacules. L’une fila le long de son bras rapidement, et se faufila dans sa bouche. Il rejoignit rapidement son cerveau, car il était impensable qu’un de ses bébés ne pose la main sur elle. Le tentacule s’enfonça délicatement dans le cerveau d’Avenger, et agit, provoquant une sorte d’arrêt cérébral des fonctions motrices du corps d’Avenger. Un tel acte était possible en raison des modifications génétiques qu’il avait subi, et son corps s’immobilisa alors, la relâchant.
Ivy resta allongée plusieurs secondes, reprenant son souffle, et entreprit lentement de se redresser. Ses yeux continuaient à s’animer, mais le tentacule d’Ivy était toujours dans sa bouche. Elle le récupéra lentement, et le fixa, essayant de comprendre ce qui avait pu se passer. Est-ce que Prime était revenu ? Non, c’était impossible… Elle réfléchit rapidement. Immobile, Avenger était sans danger, mais il ne le resterait pas longtemps.
*
C’est sûrement un réflexe inconscient… Il faut que j’en sache plus…*
Elle se rapprocha de lui, et de nouveaux tentacules jaillirent du plafond, et s’enroulèrent autour d’Avenger et d’Ivy, tandis que la femme se colla contre l’homme. Les tentacules s’enroulèrent autour d’eux et entre eux, tandis que des piques jaillirent, des espèces de lianes qui s’enfoncèrent dans leurs peaux. Les tentacules les enveloppèrent totalement, et Ivy embrassa l’homme, utilisant ses plantes et sa conscience répartie sur eux pour pouvoir «
communiquer » avec l’esprit de Green Avenger. Ce fut bref, presque instantané, mais elle comprit que l’homme luttait inconsciemment, entre son ancienne personnalité, et la nouvelle, et qu’il était au bord de la schizophrénie. Le plus sage était sans doute de le tuer, de s’en débarrasser pour de bon, mais Ivy hésita. Elle avait
besoin de lui, besoin de ses capacités pour réussir, et elle décida de lui parler.
Leurs esprits étaient reliés dans une espèce de vision psychédélique. Les tentacules les coupaient du monde, absorbant leurs sens, simplifiant cette espèce d’échange un peu surréaliste. Tout devait être noir dans ce que voyait Avenger, l’obscurité absolue, et la voix de sa Mère se fit entendre.
«
Tu as tenté de me tuer, mon enfant. Tu as porté la main sur moi, tu as essayé de m’étrangler, et tu m’as fait souffrir. Un enfant ne devrait pas blesser sa mère. En toute logique, je devrais te punir en t’abandonnant, en te reniant, mais tu n’es pas un enfant normal, mon bébé. Tu as du le remarquer. Il est temps pour moi de t’expliquer ce que tu étais, et ce que tu es devenu. »
Poison Ivy prenait naturellement un risque, mais elle savait qu’elle ne pourrait jamais totalement réussir à l’asservir. Une part de Prime résistait encore en lui, car il trouvait que Prime était plus intéressant qu’Avenger. Il fallait donc qu’elle se débrouille pour lui montrer que Prime, ou ce qu’il croyait être Prime, n’était qu’une erreur, un être
imparfait.
«
Il y a en toi de mauvaises voix, mon enfant. Avant que je ne te trouve, tu étais semblable à ces autres humains qui pullulent à la surface de notre belle planète. Un être exceptionnel, aux idées nobles. Tu entendais lutter contre l’injustice et le Mal, ou tu croyais lutter contre ça. Tu arrêtais les petits délinquants, les criminels, les voleurs à la tire, et tu pensais agir pour le bien commun. Ce n’était qu’un mensonge. »
Tout en lui parlant, des images se mettaient en marche, s’implantant dans ses esprits. Il vit l’ancien lui, Sentinel Prime, fondre sur des voleurs, les arrêter, mettre fin à une course poursuite, arrêter des gangsters, des trafiquants.
«
Qui croyais-tu qu’il aidait en arrêtant des petits voleurs, des criminels ? Personne, en réalité. Les victimes ? Il ne faisait que leur montrer qu’il était inutile d’avoir confiance en la police, qu’il valait mieux faire justice soi-même. Les criminels ? Il les envoyait en prison, il leur montrait que, tant qu’ils n’avaient pas à le craindre, lui, ils pouvaient narguer la police. La société ? Des gens comme ça ne font que prouver à la société son inefficacité. En réalité, cet homme n’aidait que lui-même. Tu dois en prendre confiance, mon fils, car cet homme-là, c’était toi. Et je t’ai sauvé, je t’ai donné une véritable cause. Ceux que tu croyais défendre, mon enfant, ces victimes innocentes, commettent toutes un génocide qui dépasse de loin de simples vols à l’étalage. Chaque jour, l’humanité contribue sciemment à détruire notre monde, et, ce faisant, à se détruire elle-même. Regarde par toi-même, mon enfant. »
L’image se mit à changer, et Ivy lui montra des images déchirantes. Elle lui montra la Nature en train de se décomposer… Des éléphants s’effondrer sur le sol d’une savane massacrée, des jungles entières disparaître dans les gouffres d’abominables monstres en acier, des requins par milliers se faisant traquer et abattre pour nourrir les ventres des consommateurs. Elle lui montra les tours en acier noirâtres des usines, la fumée nocive qui s’en échapper, elle lui montra des cimetières d’ordures, des caddies flottant dans une eau marron, elle lui montra la mort mécanique de la société industrielle, l’assèchement des montagnes, le dépérissement de la nature, des lacs entiers devenus de simples bancs de terre. Elle lui montra la banquise se morceler, les ours polaires mourir à petit feu, elle lui montra les arbres périr, elle lui montra les carcasses de satellites flottant dans l’espace, preuve ultime de l’arrogance humaine, en allant jusqu’à polluer l’immensité du cosmos. Elle lui montra les cascades disparaître, les animaux mourir, elle lui montra les humains suffoquer, les bidonvilles, les tribus africaines disparaître, la souffrance des peuples indiens qui voyaient leurs arbres être soufflés par des industriels, les tas d’ordures, l’insouciance généralisée, elle lui montra comment la bêtise humaine avait mené la Terre au bord du gouffre.
«
Vois ce monde, Avenger, vois ce monde, et vois comment des gens comme Prime ont mené le mauvais combat. Vois comme ils étaient dans l’erreur, et comprends notre cause. Cesse d’avoir foi au fond de toi envers ces humains imbéciles. Ils ne comprennent rien. Leur histoire le prouve. Ils ne connaissent que la violence ou la force, et n’agissent que sous la contrainte. Alors que leur monde se meure, ces derniers s’amusent à faire des films dessus, des documentaires ! A se faire des bénéfices ! Vois comme ils sont arrogants ! Comme ils sont prétentieux ! Comme ils se moquent de ce qu’ils font subir à leur terre génitrice. Il est temps pour eux de passer des accords réellement constructifs, et c’est ce à quoi nous nous attellerons. Tu seras mon arme, Avenger, le bras vengeur de la Nature qui amènera son fils indigne à retrouver la raison. L’Humanité est la plus belle création de la Nature, mais elle est si belle qu’elle se croit supérieure à elle. Demain, Avenger, oui, demain, nous écrirons ensemble une nouvelle page de l’Humanité, celle où elle se réconciliera avec la Nature. Nous sauverons le monde d’une mort certaine. N’est-ce pas ce pour quoi tu as toujours lutté ? »
Elle cessa son étreinte, et les tentacules se retirèrent. Ivy laissa plusieurs secondes s’écouler, regardant son fils, et lui offrit un délicat sourire, avant de l’embrasser.
«
Je sais pourquoi tu m’as attaqué, mon enfant. Tu m’as attaqué, parce que tu doutes de toi, et de la justesse de notre cause. Sache que tu dois avoir confiance en ta Mère. Tu es le meilleur de mes fils, mais tâche de ne pas l’oublier. Tâche de ne pas te croire supérieure à moi, comme l’Humanité le fait avec la Nature. »
(Perso’, je trouve que
Ethnicolor 1 constitue un bon fond musical pour la vision d’Ivy de la Nature ^^)