Lorsque le démon ouvre les yeux, le monde autour de lui n’est pas le même que lorsqu’il les avait fermés. Les femmes endormies dans son lit ne sont plus là. Le lit lui-même n’est plus là. De grands édifices à droite et à gauche l’encadrent, une fort odeur de de fumée s’engouffre dans ses poumons. Le voila là, entre deux immeubles dans une ruelle miteuse, au beau milieu d’un quartier puant la pollution. Il n’a aucune idée d’où il est exactement, mais ce dont il est sûr, c’est qu’une chose étrange s’est produite.
Intrigué, il voit passer la première voiture. Assez proches des chars Grec, mais sans cheveux, en métal aussi. Les réverbères remplacent les torches. L’effet du démon sur la lumière artificielle reste inchangé toutefois. A mesure qu’il avance dans la rue, les lumières vacillent sur son passage. Les quelques rats planqués dans les cartons prennent la fuite rapidement, et le chien du clochard qui dort sur une pile de journaux semble devenir fou tant il aboie vers le démon.
Bâal, avec un sourire, tue l’animal d’une simple pression sur sa trachée. Quant au clochard, il le saisit par les épaules, et le soulève le long du mur pour l’interroger. L’endroit, l’année, tout y passe. Voila que Bâal est renseigné. Alors, pour ne pas faire durer plus longtemps le calvaire de l’homme, il le fait aussi passer de vie à trépas. Il vole le jean, les bottes militaires du type, ainsi que son long manteau. Tant pis si les fringues sentent la rue et la misère, au moins, il est presque couvert.
D’un pas rapide, il s’enfonce de nouveau dans l’obscurité, les ténèbres semblent l’avaler alors qu’il se déplace dans les ruelles sombres. Ses sens de démon, bien qu’un peu dépaysés et perdus, lui indiquent qu’il n’est pas le seul être surnaturel ici. En fait, ils sont très nombreux, pas uniquement des démons, et pas uniquement des créatures de la nuit en réalité. Tant mieux, le monde humain est chiant à mourir sans démon et autres super héros pour le pimenter.
Il s’arrête dans une autre ruelle, avec une sensation bizarre de danger imminent. Les sourcils de l’Insidieux se froncent d’eux même, et dans la seconde qui suit, l’attaque survient. Il se retrouve acculé au mur, et contre toute attente, c’est un petit rire qui s’évade de ses lèvres. D’un coup d’œil, il analyse l’assaillant. Une femme. Bien faite et en forme, bien que sa robe ne laisse pas voir tout ce qu’il aurait aimé apercevoir.
Il nota aussi la présence de crocs. Il connaissait ce genre de créature. Une vampire à en juger par les canines, mais aussi la main qu’elle glissait sur sa gorge, comme si ses doigts pourraient chercher la carotide de Bâal. Ce dernier, d’un calme olympien, n’avait même pas le cœur battant. Peu, sinon pas inquiet, il agita doucement la tête de droite à gauche. Il s’adressa alors à elle, pas via le langage, mais via ses pouvoirs de télépathe.
« Fais vite ta besogne petite sangsue, je n’ai pas toute la nuit devant moi. »
Un défi, assurément. Qu’elle morde une bonne fois pour toute, alors elle aurait ce qu’elle voulait, et ils pourraient partir chacun de leur coté. De nouveau il s’adressa à elle, mais de vive voix cette fois :
« Soit brève, avant que je ne perde patience. »
Sans l’avouer, il était aussi curieux de voir ce qu’une morsure de vampire pouvait faire. Il en avait entendu parler, jadis. Parait-il qu’il est agréable de subir pareille tourment. Il avait aussi l’idée saugrenue de découvrir ce que le sang d’un monstre comme lui pouvait apporter ou faire subir à une buveuse de sang.
Le tonnerre déchira le ciel. Un éclair vint éclairer brièvement la rue, alors, l’ombre réelle de Bâal apparue aux yeux de la créature de la nuit. Une ombre gigantesques, celle d’une bête ailés et aux griffes acérées. Pourtant, le démon n’avait réellement que l’apparence d’un humain de grande taille.