Il était tard. Bien plus tard que ce qu'avait pensé Ophelia en quittant finalement la librairie. Ses achats lui seraient livrés dès le lendemain. Elle appréciait ce service, d'autant plus que le vendeur lui avait proposé de s'en occuper lui-même alors qu'elle l'avait retenu pendant des heures, après même l'heure de fermeture de la boutique! Comment aurait-elle pu deviner que ledit vendeur était surtout un jeune homme qui vivait seul et fantasmait sur les étrangères comme en attestait sa collection de films pour adultes? La réponse était qu'elle ne pouvait pas le savoir. Ce qui faisait qu'elle se contentait d'apprécier l'aubaine : elle rentrait chez elle les mains dans les poches ou presque alors qu'elle avait acheté environ 28 livres et pas des moindres.
Tel était sa drogue : elle lisait beaucoup. Surtout qu'elle n'avait encore pas beaucoup d'amis, et encore moins de repères. Dans ces cas-là, elle préférait encore se pelotonner dans le nid qu'elle s'était aménagé et se faire plaisir à sa façon.
Or donc, il était bien tard. La nuit était déjà tombée depuis un certain temps. C'est fou comme un éclairage différent peut changer les choses : maintenant qu'il n'était plus éclairé par la lumière du jour, Ely manqua son croisement. En revanche, elle repéra un carrefour brillamment éclairé aux néons et prit cette direction sans vraiment y prêter attention. C'est ainsi qu'elle se retrouva dans un quartier qu'elle ne connaissait pas mais qu'elle ne tarda pas à trouver... étrange. Abasourdie par ce qu'elle voyait, elle estima plus sage de changer de voie. Le cas échéant, elle reviendrait quand elle y serait prête et préparée...
Ely choisit donc une petite rue sombre dont elle pensa qu'elle la ramènerait vers ses pénates. Malheureusement, elle n'était pas du tout où elle le pensait suite à cette histoire de croisement, de sorte que son initiative la conduisit dans une ruelle qui s'éloignait de l'agitation sulfureuse certes, mais qui ne la rapprochait pas d'abords plus civilisés. L'endroit était sale, mal éclairé et elle avait du mal à voir où il la menait. Commençant à s'inquiéter, elle songea qu'elle devrait peut-être rejoindre l'artère précédente, plus peuplée afin de demander son chemin. Mais son stupide orgueil l'en empêcha. La jeune rouquine préféra continuer un peu, songeant qu'il serait toujours temps de faire demi tour plus tard mais qu'en continuant un peu, elle trouverait peut-être son chemin par ses propres moyens.
Elle portait des bottes de moto (souvenir de ses virées en Harley avec son frère), de longues chaussettes rayées de noir, de vert, de pourpre et de bleu; son short de jean et un pull trop grand en laine noire que tendait néanmoins sa poitrine. Sa peau pâle tranchait sur sa tenue presque autant que ses mèches rouges. Elle n'avait rien dans les mains, ses papiers et sa carte de paiement étaient dans les poches arrières de son short, sa clé accrochée à une chaîne à un passant de ceinture... Elle n'avait besoin de rien d'autre et ne s'était pas encombrée.