Pouvez-vous imaginer ce que c'est grisant d'être un Dieu? Le pouvoir, la liberté, les femmes, les fidèles, encore les femmes et encore le pouvoir. Kyô volait dans un ciel sans nuage, virevoltant comme un papillon sous l'éclat de la pleine lune, c'était si bon, le silence, l'air qui faisait danser sa longue chevelure noire, et puis c'était tellement bien, ce monde, là, où il n'avait rien d'autre à faire que de se faire plaisir. Enfin, selon lui.
Il se laissait porter par le hasard, survolant plaines et villages, bifurquant et faisant même demi-tour quand l'envie le prenait. Se baladant au hasard au-dessus des contrées du Chaos (sympa comme endroit, pour un Dieu du Chaos), il survola la capitale d'Ashnard. Et c'était plus que tentant d'y jeter un œil.
Il se laissait littéralement tomber, prenant de la vitesse dans sa chute libre, et il allait se payer le toit d'une maison d'habitation. Ou pas, il avait juste l'habitude de faire ça pour perdre de l'altitude, c'était toujours amusant de laisser libre cours à la gravité, de se faire croire qu'il ne contrôlait plus rien. Il reprenait le contrôle à un mètre de l'impact prévu, et s'assit en tailleur au sommet de la toiture. Bon, le truc c'est qu'il ne tenait pas vraiment en équilibre, son pouvoir de lévitation lui permettait de se stabiliser, pour faire croire qu'il était vachement fort. Il se serait assis en l'air que ça aurait été pareil, mais en moins discret. L'avantage des grandes villes chez les Mortels, c'est qu'il y a toujours quelque chose à faire. Et il était bien d'humeur à taquiner des demoiselles en frappant des lascars.
C'est justement à ce moment-là (aucune mise en scène visible!) qu'il entendit un cri, dans une rue un peu plus loin. Le mana était familier: terranide lapin, une très vague empreinte familière au mana de Kyô. Son sens aiguisé en matière de détection magique lui permettait de le savoir, parce que bon, il était très loin d'être comme ses fidèles aux grandes oreilles. D'autres manas près d'elle, hostiles, ça sentait les emmerdes à plein nez. Il décida d'aller voir, en sautant discrètement de toit en toit comme dans les films de ninjas. La rue en question était bordée par les hauts murs qui entouraient les habitations des riverains. La banlieue quoi, vous voyez le genre. Il s'était allongé en haut, sur le rebord, et observait la scène sans se faire remarquer. La donzelle, jolies jambes, jolie poitrine, grandes oreilles, se faisait... un peu attaquer dirons-nous, par des humains avec diverses armes improvisées, batte de base-ball, chaînes barbelées, couteaux pour le saucisson, ce genre de conneries... Et cette pauvre coche encerclée ne faisait rien d'autre qu'appeler au secours en gémissant des âneries du type "mon dieu, sauvez-moi!". Son Dieu était à deux pas, et il ne levait pas le petit doigt. Il observait.
On y était, le type à la batte était passé derrière elle et la maintenait avec son arme en l'étranglant avec. C'était là hein, elle allait dévoiler son côté animal, et tous les déchiqueter sans pitié hein? Ben non, elle se contentait de chialer en implorant son dieu à l'aide, alors que les autres types commençaient à s'en prendre à ses vêtements. Une véritable abrutie. Toujours allongé sur le flanc en haut du mur, la tête reposant dans sa main dansante de mana noir, le fils d'Artémis décida enfin de réagir:
"Arrête de chialer, espèce d'abrutie, personne, ni ton Dieu ni même Moi ne viendra t'aider, et tu finiras dans la rubrique des faits divers. Apprends à te démerder espèce de connasse, sinon t'es vraiment foutue!"
Il avait de l'estime pour ses fidèles, il ne souhaitait voir que les courageux survivre. Si cette loque ne changeait pas d'attitude, elle allait tout simplement crever. Les loubards, en revanche, étaient assez surpris de voir qu'un témoin les observait, surtout pour ce qu'ils s'apprêtaient à faire. Ils étaient quatre au total, à part celui qui la maintenait, tous lâchèrent la pauvre hère et lancèrent des jurons mauvais à Kyô, à grands coups de "descend de ton perchoir, on va te refaire la gueule". Et lui ne faisait que répondre poliment quelques phrases du genre "Je parle à la dame, alors boucle-là le babouin!", et d'autres convivialités qui raisonnaient fort bien aux insultes de ces Mortels. Le sens de la répartie, c'est pratique. Mais alors quoi, cette fille ne bougerait pas? Il n'y en avait plus qu'un, merde! Elle attendait quoi, qu'un autre danger public se ramène? Ça se pourrait, un petit côté maso... Il espérait ne pas avoir interrompu le tournage d'un bon porno, cherchant les caméras des yeux.