-Non, Raven. Tu ne pourras ni voir ta fille ni t'approcher d'elle, est-ce que tu m'as bien compris? Pour elle, tu es déjà décédée.
Le désespoir avait saisit le coeur de la jeune femme, qui se mit à supplier le Gardien, s'agrippant pitoyablement à sa robe grecque.
-Je t'en supplie, Aivaiss! Laisse-moi la voir, juste une fois, pitié!
-Raven, c'est interdit. Tu savais à quoi tu t'engageais en...
-Je ne savais rien du tout! Je veux voir ma fille, pousse-toi ou je te fais voler en éclat avec la porte!
-Raven, pour la dernière fois, va-t-en. Chryséis est désormais sous la responsabilité des dieux, et en tant que telle, une prêtresse d'Arès telle que toi, qui a de grandes responsabilités, ne peut s'occuper de l'enfant d'un dieu. Arès ne t'a pas confié la garde de cet enfant, et aucun dieu n'a agit en ce sens, alors, si tu tiens à conserver ta pérennité, tu t'en vas. Ce sont les ordres, je n'ai rien contre toi, c'est simplement ce que les dieux ont exigé de moi.
Le Gardien était immuable et restait sur ses positions, malgré la détresse de la jeune elfe. Pourtant, il aurait tellement voulu la laisser jeter un seul coup d'oeil au poupon qui sommeillait paisiblement dans le Refuge pour les descendants divins, simplement pour voir qu'elle allait bien, mais les ordres étaient sa raison d'exister, et s'il s'autorisait la moindre faiblesse, d'autres crieraient à l'injustice et réclameraient de voir leur enfant. Raven voulut poser un geste agressif, mais elle résorba le choc, frappant faiblement sur l'armure du gardien. Un coup. Deux coups. Trois coups. Puis, la faiblesse la gagnait. Elle se sentait si seule, si misérable, pitoyable et sans défense, comme si le monde entier s'était subitement ligué contre elle, mais au final, elle ne se résolut pas à recommencer sa colère contre son maître. Elle avait déjà fait une croix sur l'amour, ce n'était pas fait pour elle, et elle ne cherchait pas à le récupérer. Elle en avait assez fait comme cela, elle voulait simplement voir son bébé, après tout. Le coeur en douleur, elle se leva avec les larmes aux yeux puis s'éloigna du Gardien, retenant tant bien que mal ses larmes de désespoir pour ne pas paraître faible. De toute façon, elle n'avait plus aucun respect de la part de ses camarades, et tout ce qui lui restait comme but, c'était de leur prouver qu'ils avaient tort et qu'elle était déterminée à leur faire comprendre qu'elle ne se laissera plus jamais aller dans cette voie.
***Trois mois plus tard***
Un des maîtres d'armes s'installe à côté de son compère et regarde Raven, la Prêtresse Sombre, entraîner un nouveau prêtre à l'art de la guerre. C'était un jeune enfant avec une haine incommensurable pour le monde, pour tout ceux qui s'étaient proclamés ennemis de sa famille et qui avait prit la vie de son village. Raven était devenue une maitresse implacable, une femme froide et distante, qui ne se laissait plus approcher par qui que ce soit excepté Arès, et même vis-à-vis de lui, elle n'avait qu'une froide relation de servante-maître. Elle ne le laissait plus la toucher, et elle ne le regardait plus. Elle était plongé profondément dans son monde de solitude, et personne ne semblait vouloir l'en sortir. Les drogues qu'elle consommait habituellement pour atteindre un état de détachement pour arriver à blesser les gens n'étaient même plus nécessaire, elle avait une telle rengaine envers le bonheur qu'on lui avait prit qu'elle ne le recherchait même plus. Tout ce qu'elle voulait, c'était faire en sorte que d'autres comprennent sa souffrance, sa peur et sa peine, que tous pleurent comme elle a pleuré, que tous supplient comme elle a supplié, qu'Arès la voit et qu'il soupire comme elle a soupiré, et ensuite, elle lui briserait le coeur, le broyant de ses propres mains.
Elle agrippa à mains nues la lame du néophyte et le gifla avec tant de forces que le gamin en tomba sur le sol d'une claque. La joue rougissante du jeune garçon la laissa totalement froide. Elle fracassa l'épée sur le sol puis laissa le pommeau retomber sur le sol. Le gamin, tremblant de frayeur, geignit de peur lorsqu'elle s'approcha et tenta de s'enfuir. Impitoyable, elle lui envoya son pied dans les côtes pour le faire rouler sur le dos, à la surprise des maîtres d'armes, qui la connaissaient douce et gentille, mais d'un autre côté, la colère de Raven était parfaitement justifiée, et ils ne cherchèrent même pas à la rejoindre pour la calmer. C'était à elle seule de décider si elle cessait sa colère et sa rancune. Elle posa sa botte à talons sur le torse du gamin, qui gémit en sentant le talon s'enfoncer dans son plexus. Il tenta de se dégager, mais rien à faire. Le regard de Raven était empreint de telles ténèbres qu'il n'arrivait pas à se détacher de son regard. C'est alors que la voix douce de la jeune femme sortit de ses lèvres.
-Les lâches n'ont rien à faire sur un champ de bataille. Si tu veux devenir un guerrier, répare ton arme avant le coucher du soleil, sinon, dégage, tu n'as rien à faire ici, dit-elle calmement.
Elle le relâcha puis s'éloigna sans rien rajouter. Personne ne lui adressait la parole, et elle se sentait parfaitement bien dans sa solitude. Elle ne tourna même pas la tête pour voir les visages des camarades de son élève empreints de frayeur qui la regardaient, qu'aurait-elle bien pu faire? Elle n'avait pas sa place parmi les autres filles, elle avait causé bien trop de tort, et si on ne l'avait pas déjà mise à mort, c'est parce qu'elle était devenue effrayante, et influente aussi. Personne ne la contestait lorsqu'elle donnait ses ordres, sous peine de mort, et tous la craignaient au point de ne vouloir qu'une chose; qu'elle ne s'attarde pas à leurs côtés.
Elle se dirigea donc vers les bains du temple d'Arès, dans les quartiers des servantes. Les jeunes femmes qui y étaient déjà sursautèrent et s'empressèrent de s'habiller et de s'en aller avant d'avoir à subir la présence incommodante de l'elfe-vampire. Sans dire un mot, que ce soit pour demander aux filles de rester ou pour jurer contre elles, la prêtresse laissa tomber tout ce qui lui servait d'armure et de vêtements, totalement nue. Elle jeta un coup d'oeil vers la glace qui lui renvoyait son reflet.
-T'es devenue hideuse, ma vieille... susurra le reflet, doucereux, car la glace lui renvoyait l'image d'une femme couverte de cicatrices blanches et un bras qui n'était plus à sa place; le gauche.
Sans la magie, Raven aurait ressemblé exactement à cette image, mais elle s'était toujours magiquement guérie avant d'avoir de sérieuses séquelles. Tranquillement, elle se laissa glisser dans l'énorme bassin. Elle baissa la tête et frissonna devant la froide température de l'eau; les pouffiasses avaient jeté des cubes de glace dans l'eau. Raven soupira, désabusée, puis laissa la magie faire son œuvre en réchauffant l'eau froide à un degré qui aurait décongelé un homme des cavernes enfermés dans un cube de glace l'espace d'une seconde. Elle ferma les yeux et médita, laissant sortir de son coeur tout le mauvais accumulé, sans encore une fois y parvenir tout à fait. Elle plongea sous l'eau et se mit à nager dans le "bassin" (qui soit-dit en passant tient plus d'une piscine que d'un bassin), faisant de lentes longueurs pour se détendre, plongeant au fond du bain pour aller toucher, 25 pieds plus profondément, son fond et remonter. À mi-chemin, elle se replia sur elle-même et toute l'énergie négative, dans une grande pulsion, s'échappa de son corps, accompagné d'une longue mélopée en elfique... si belle langue. Une fois le mauvais chassé, elle ressortit sa tête de l'eau et alla dans l'eau moins profonde pour se détendre et attendre qu'une autre tâche l'appelle.
Elle ne se souvenait même pas du temps qu'elle avait passé seule, sans compagnon de vie pour la tenir dans ses bras, pour la consoler lorsque la peine se faisait impérieuse, pour lui dire des mots doux au creux de l'oreille. Elle se sentait seule, mais en soit, n'était-ce pas cette solitude qui l'avait autrefois préservé de succomber au charme de l'homme de ses rêves, pendant dix-sept longues années? Elle n'arrivait pas à comprendre pourquoi Arès, ce si puissant seigneur de guerre, était si... incompatible. Peu importe quelle approche elle pouvait bien tenter, si ce n'était pas Aphrodite, c'était sa cousine qui venait jouer avec lui, puis c'était la Comtesse, puis il y avait Élosia, et enfin elle. Tout cela lui torturait trop l'esprit, et elle ne voulait plus jamais avoir le moindre lien avec son amant, elle n'avait aucune envie de succomber, alors, comme autrefois, elle l'évitait et se cachait dès qu'il posait ses yeux sur elle, ne chantant pour lui que lorsqu'il faisait une crise de nerfs, mais même s'il avait envie de la retenir, même s'il l'aurait fait, elle ne s'était jamais arrêtée pour le regarder et échanger de vaines paroles d'amour, parce que son amour pour son dieu était enterré vif dans son coeur, et elle entendait bien le faire mourir, et l'oublier à jamais, pour ne plus jamais avoir à constater qu'elle n'était rien dans son coeur.
Tout ce qu'elle désirait, c'était un compagnon fort qui pourrait remplacer Arès dans son coeur, un homme bon, mais ferme, qui lui ferait comprendre ce qu'est véritablement l'amour, avec qui les nuits seraient pleines de poésie et de chansons venant du coeur, avec des enfants qui l'aimeraient, des enfants qu'elle pourrait tenir dans ses bras, sans jamais avoir à demander la permission ni à regretter chaque chose qu'elle faisait pour prouver son amour à la personne qui aurait réussi à lui prendre son coeur. Une personne qui lui dirait "je t'aime", tout bêtement.